Algérie

Pour le gouvernement, il faudra temporiser, a dit le Président Tebboune !



Le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a reçu, mardi, le Premier ministre, M. Nadir Larbaoui, qui lui a remis la démission du gouvernement, et a enjoint à ce dernier de surseoir la décision pour assurer la gestion de dossiers urgents nécessitant la connaissance de la situation par les ministres actuels, a indiqué un communiqué de la présidence de la République.

Selon les usages, quand un gouvernement est appelé à démissionner, le président de la République peut demander au Premier ministre et partant, aux ministres de rester temporairement en fonction pour assurer la continuité de l'Etat, de ses services, et donc du fonctionnement essentiel et quotidien des administrations placées sous leur responsabilité. Aucun texte juridique ne cadre spécifiquement ce qu'un gouvernement «démissionnaire» peut ou ne peut pas faire.

Un tel gouvernement a, bien évidemment, un pouvoir bien plus limité qu'un gouvernement de plein exercice. Il ne peut, en principe, prendre de mesures de nature politique. De fait, il ne peut pas, par exemple, créer de nouveaux droits et devoirs pour la population ou prendre des mesures qui ne seraient pas déjà prévues par les lois existantes et promulguées.

Choisir un nouveau Premier ministre reviendrait pour le président de la République à trancher une épineuse interrogation :

Pour l'heure, donc, le suspense reste entier sur le visage de celui qui prendra la tête du gouvernement; la partition est prête, il manque le chef d'orchestre pour la jouer.

1. S'agit-il de donner plus de poids politique à l'exécutif, au risque de renforcer l'image du Premier ministre et d'en faire éventuellement un potentiel présidentiable ?

2. Ou, au contraire, ne pas se faire trop d'ombre en maintenant à son poste l'actuel locataire du Palais du gouvernement ?

Dans ce cas précis, le président de la République vivrait dans une contradiction : car si aucune tête ne dépasse, c'est lui qui porterait toute la responsabilité.

3. Mais s'il nomme quelqu'un pour en porter le poids, il serait au second plan. Quoique !

Justement, qui pourrait être l'homme à qui le Président Abdelmadjid Tebboune confierait les rênes de son exécutif et dont le nom sera dévoilé prochainement ?

Auquel cas, il devrait cumuler l'ensemble des pré-requis comme :

1. une forte personnalité et un esprit indépendant (l'un ne va pas sans l'autre);

2. une intégrité morale au-dessus de tout soupçon;

3. une connaissance intime des questions économiques, sociales et financières;

4. une grande capacité à mobiliser les ressources humaines auxquelles il devra s'adosser pour engager des réformes de structure indispensables promises par le candidat-président.

Le Premier ministre, Nadir Larbaoui, cumulant l'ensemble de ces critères a été le choix de Tebboune, jusqu'à présent, même si après tous ces mois durant, il est encore difficile de définir l'état des relations entre les deux hommes.

Bien que le Président ait relevé l'existence de points négatifs dans l'action du gouvernement, rien ne dit qu'il ciblait par ses propos le Premier ministre.

Cette question liée à la performance de l'action de l'Exécutif avait été évoquée par le Président Abdelmadjid Tebboune lors d'une de ses rencontres avec des représentants de la presse nationale, sous l'angle de la sanction individuelle de chaque membre du gouvernement, sur la base de son bilan et de l'exécution rigoureuse des décisions du Conseil des ministres.

Cette clarification du chef de l'Etat a eu lieu au plus fort moment des rumeurs relayées par certains médias qui avaient circulé alors, sur un changement imminent à la tête du gouvernement avec le départ du Premier ministre. Le président de la République avait, toutefois, annoncé un changement partiel du gouvernement qui avait touché des ministres jugés défaillants. Une manière de signifier que les couacs enregistrés dans certains secteurs d'activités ne sont pas imputables au Premier ministre Nadir Larbaoui, encore moins à un manque de pertinence et de réalisme du programme d'action du gouvernement, mais bien à des ministres qui ne mouilleraient pas suffisamment le maillot, comme le voudrait le Président Tebboune. (1)

Comme rien aussi, de ce qu'a affirmé, jusqu'à présent, le chef de l'Etat, ne laisse penser qu'il compte garder son Premier ministre !

Ceci étant dit, sur quel gouvernement va s'appuyer Abdelmadjid Tebboune pour entamer son second mandat, sous de meilleurs auspices ?

Au delà des nouvelles personnalités qui doivent composer ce gouvernement idéal, le pays, selon les experts, a déjà besoin aussi d'une nouvelle structure gouvernementale au lieu des 39 membres qui la composent actuellement.

A savoir se doter de 10 ministères uniquement et de 15 secrétaires d'Etat, et ce, afin de réduire les dépenses onéreuses qu'impose l'actuelle lourde machine bureaucratique, réduction du train de vie de l'Etat oblige.

Il est par exemple suggéré de créer des super-ministères regroupant plusieurs portefeuilles comme le ministère de l'Economie qui regroupera un secrétariat à l'Industrie et l'Investissement et un autre dédié au Commerce au lieu de laisser ces secteurs dans deux ministères différents.

Et pourquoi pas aussi un ministère de la Décentralisation et de l'Intérieur pour donner plus de sens au découpage administratif !

Et un ministère de la Planification réclamé « à cor et à cri » par les trois postulants pendant la campagne électorale.

Et également un ministère de la Ville pour passer du « Un toit, une famille ! » à « Des logements, une Ville », sachant que lors du premier mandat du Président Tebboune, 1.700.000 logements ont été réalisés et livrés à leurs bénéficiaires tandis que 2.000.000 d'unités sont inscrites en réalisation pour le mandat à venir !

Pour l'heure et, après un premier mandat, chahuté par plus de deux années rendues difficiles pour cause de Covid, mais au final, sanctionné par de nombreux succès dans tous les domaines, le chef de l'Etat va, selon toute vraisemblance, donner plus de visibilité à l'action de son Exécutif à travers de nouveaux profils plus consistants notamment dans les domaines agricoles, économiques et industriels pour ne citer que ces secteurs.

Gouvernement bien entendu sans accointances politiques; il ne peut en être autrement dès lors que le Président Abdelmadjid Tebboune s'est présenté aux électeurs en tant que candidat indépendant !

La tâche est délicate et le choix des hommes devant accompagner le Président et le Premier ministre qu'il aura à désigner, l'est autant.

Pour les ministres va-t-il permettre au Premier ministre de :

1. puiser encore une fois dans le corps des walis pour nommer ses ministres ?

2. faire confiance aux technocrates ?

3. faire une sélection à partir du fichier de la société civile ?

4. s'en remettre aux partis politiques qui l'auraient soutenu dans sa campagne ?

S'agissant des walis promus ministres, il faut le rappeler, ils n'ont pas été à la hauteur des attentes, à voir globalement leurs bilans et pour certains les graves dérives dont ils ont été les auteurs !

De là à prétendre que la filière de ces hauts fonctionnaires reste, malgré tout, un vivier de compétences et les affubler du titre de «technocrates», alors qu'ils ne sont que des grands commis de l'Etat qui ont, pour la plupart, «touché à tout», sans être pour autant des experts dans un domaine précis, c'est aller vite en besogne !

Précisons toutefois que dans un gouvernement de technocrates, ce sont ces derniers qui décident de tout, tout en restant impuissants devant les problèmes de société. Quel paradoxe !

L'idée d'une technocratie demeure pourtant hypothétique, même si des nations ont, par le passé, été considérées comme soumises à une forme de gouvernement d'experts.

Pour fermer la parenthèse, «le phénomène semble aussi facile à expliquer que la théorie de la relativité d'Einstein», expliquait un politologue. Mais sinon, un gouvernement politique à 100% est-il envisageable pour les années qui viennent?

Opter pour un gouvernement exclusivement politique, une équipe de spécialistes indépendants, ou une formule mixte, c'est-à-dire un cabinet techno-politique appelé à contenter à la fois, si cela est possible, les milieux politiques, les investisseurs et entrepreneurs honnêtes, c'est aussi une autre possibilité qui échoit au président de la République qui s'apprêterait à consulter la classe politique, le Conseil de la Jeunesse et des experts.

Bref, autant de questions qui préoccupent les observateurs de la vie politique, tout comme la désignation du Premier ministre qui reste du ressort exclusif du président de la République, ce qui élimine tout suspense quant à celui qui conduira l'Exécutif, contrairement aux ministres qui composeront son staff.

Renvois:

(1) Mauvais casting ? Omar Berbiche. El Watan

(2) Un ministère de la Décentralisation et de l'Intérieur pour une meilleure gouvernance locale par Cherif Ali (Le Quotidien d'Oran, le 05/03/2020.




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