Béchar - Tabelbala

Concours : Traditions et coutumes de la région de Tabelbala wilaya de Béchar



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Fréha, une tradition séculaire du Mawlid Nabawi à découvrir à Tabelbala. Après avoir fait découvrir, ces dernières années, les différentes festivités du Mawlid Nabawi Charif à Béni Ounif, Kénadsa, Taghit, Béni Abbès, Kerzaz, Adrar et Timimoun, nous avons traversé cette année 840 km aller-retour pour effectuer un reportage sur Fréha, une tradition séculaire du célébrant le jour anniversaire de la naissance du prophète (QSSSL) à Tabelbala. Pour avoir une idée sur les préparatifs des festivités, nous sommes partis mardi dernier aux environs de midi. A part Abadla, située à 84 km au sud de Béchar, il n’existe aucune agglomération sur les 420 km séparant Béchar de Tabelbala. Une fois arrivés au lieu-dit Oum Dhrabine , nous quittons la RN6 au niveau de la bifurcation pour prendre la RN50 menant à Tindouf. A Oglat Lebraber, seul endroit où on pourrait faire halte lorsqu’on prend la route de Tabelbala, il y a un café-restaurant sans aucun autre voisinage. Nous avons fait nos ablutions et effectué les prières du Dohr et de l’ Asr ensembles. L’endroit qui était désert à notre arrivée, grouillait de monde à notre sortie du lieu de prière. Un autocar reliant Béchar à Tindouf venait de faire halte. Nous reprenons la route menant vers le sud. Des dromadaires broutant l’herbe sur les bords de la route nécessitent beaucoup de vigilance de la part des conducteurs empruntant cet itinéraire presque rectiligne. De temps à autres, ce sont des troupeaux de moutons qu’ont voit. C’est du cheptel ovin en transhumance. Des éleveurs venus des hautes plaines à la recherche de terre de pâturage dans cette contrée du sud qui a été généreusement arrosée à partir du mois d’août dernier. Les bergers nous saluent par un signe de main. Un poste de contrôle routier de la gendarmerie nationale se trouve au niveau du carrefour de Boutbiga à 330 km au sud de Béchar. Tout droit, la route continue sur la RN50 pour aller à Tindouf. A droite, la route bordée par un réseau d’électrification rurale mène au lieu dit Hassi Boutbiga. A gauche, c’est Tabelbala à 90 km vers l’est. Tabelbala s’allonge sur 7 km de long entre Erg Erraoui à l’ouest et le mont Kahal à l’est. Elle est située à la longitude 4.333, à l’attitude 29.067 et à l’altitude 465. C’est une daïra qui se trouve à 320 km du chef-lieu de wilaya de Béchar. Le territoire de la commune de Tabelbala s’étend sur 60 560 km² et est occupé par 7000 habitants. Dès l’entrée, c’est le bordj militaire construit en 1910 qui attire votre attention. Il est construit à l’endroit même où se trouvait un lieu de halte du Sultan Noir sur un monticule. Le bordj qui est le point le plus élevé exerçait une surveillance directe de la région du Mahiez. Nos guides avancent que c’est là qu’étaient détenus entre autres Habib Bourguiba et quelques temps après Ferhat Abbas. Cherayaâ, est le premier quartier de la ville que vous verrez à gauche de la route. Les nouvelles habitations sont construites entre la route et l’ancien Cherayaâ, un Ksar qui a été bombardé en 1908 par le Capitaine Martin qui s’est heurté à l’hostilité particulièrement des Ait Sful à l’égard de l’envahisseur étranger. C’est aussi à Cherayaâ qu’on rencontre encore de nos jours le plus grand nombre de personnes s’exprimant entre elles en Koarandzé. Plus loin, se trouve le centre-ville où se concentrent les institutions publiques. Cherayaâ dit aussi Ifragnou est habité par les descendants des Ait Sful, Ksar Mahlouf ou Lami par les ouled Sidi Makhlouf Ben Ali El Balbali (décédé vers 1533) et les ouled Bouaza qui s’y sont réfugiés après le rezzou de Kalaât Sidi Ali Ben Othmane, Zaouia ou Koara par les ouled Sidi Brahim, ouled Biri, les ouled Belaciad. La concentration de ces familles en ces lieux revient au fait qu’ils ont érigé leurs habitations sur les terres qu’ils ont toujours possédées. Les migrants venus plus tard tels que Arib, Chaâmba et Réguibat entre autres se sont installés au centre-ville. Nous sommes arrivés à Tabelbala à 16 heures. Notre Cross Over Renault Captur a traversé 420 km en 4 heures avec halte d’une demi-heure à Oglet Lebraber et 10 autres minutes passées au niveau d’une tente de collecteurs de truffes. Notre hôte, Mustapha Makhlouf, un jeune chérif de Tabelbala nous accueille chez lui comme toujours les bras ouverts. Le mercredi matin, il nous a été assuré que les préparatifs de la fête du Mawlid Nabawi vont bon train. Nous avons consacré la matinée à la visite d’une exploitation agricole en compagnie de notre hôte et de Boukhlifa Abdelaziz, le subdivisionnaire de la direction des services agricoles. Durant l’après midi, les premiers signes de fêtes étaient visibles et entendus de Zaouia à Cherayaâ à 7 km plus loin en passant par ksar Makhlouf et Koara ou centre ville. Des femmes richement vêtues et arborant bijoux, mains et pieds portant des arabesques tracées au henné déambulent dans les rues. De temps à autre, des youyous fusent des maisons. On entend aussi des chants religieux en traversant la ville sans qu’on puisse voir les chanteuses cloitrées dans leurs maisons. Tous les gens que nous avons rencontrés au niveau d’un café tenu par deux frères venus de la région de Bejaïa nous recommandent de ne pas partir sans assister à la Fréha. Ils se rassurent et se réjouissent lorsque nous leurs apprenons que nous nous sommes spécialement déplacés à Tabelbala pour faire la couverture de cet évènement annuel. Jeudi matin, nous quittons le centre-ville à 9 heures pour prendre la route menant à Zaouia en passant près de Ksar Makhlouf. Zaouia est une agglomération habitée par les Ouled Sidi Brahim, les Zekraoui, les Yahyaoui et les Ayachi. Elle tient son nom de la présence en son sein de la Zaouia séculaire de Sidi Bouzekri. C’est son cimetière qui renferme la tombe du Sidi Bouzekri, le Saint Patron de Tabelbala, les sépultures des Zabaâtou Rijal et des tombes géantes. Trois grandes tentes ont été dressées pour l’occasion entre les dunes de sable et les ruine de la première mosquée de l’oasis construite selon les uns par Sidi Bouzekri et selon les autres par Sidi Brahim son disciple. Comme Sidi Bouzeekri n’avait point laissé de progéniture, les descendants des quatorze enfants de Sidi Brahim soutiennent que c’est leur aïeul qui a édifié cette mosquée zaouia dont les ruines sont toujours visibles et n’ont point fait l’objet de restauration étant donné que Sidi Bouzekri et après lui son disciple Sidi Brahim ont contribué à la propagation de l’Islam à l’apprentissage du Livre Saint dans cette contrée où la totalité de la population autochtone parlait Koarandzé. A l’intérieur des tentes, les personnes présentes récitent Al-borda, un chant panégyrique du Prophète (QSSSL) écrit par Al Imam Charafiddine Abu Abdallah Mohamed ben Saïd Al-Boussaïri. Ils cèdent la place à la troupe El Assala de l’inchade. A midi, le chef de daïra honore Zekraoui Meryem, Zekraoui Aya, Zekraoui Kheira et Barka Zakaria respectivement classés première, deuxième, troisième et quatrième à l’échelle de la wilaya de Béchar au concours d’apprentissage du Coran. Des diplômes assortis de chèques postaux leur ont été attribués à cette occasion. Meryem et Aya, la première et la deuxième à ce concours sont respectivement âgées de 11 et 9 ans. Le spectacle ne s’arrête que le temps de servir le repas constitué de couscous garni de viande. A l’appel du muezzin, les hommes se dirigent vers la mosquée pour la prière du Dohr. Après la prière, nous avons été invités à suivre les notables de Zaouia qui se sont dirigés vers la demeure où doit se préparer la Fréha. Fréha est le nom donné à Tabelbala à une guassaâ, une grande assiette en bois taillée dans le cèdre servant à rouler le couscous. Elle symbolise la réconciliation entre deux familles qui vivaient en perpétuel conflit : les Yahyaoui et les Ouled sidi Brahim. Fréha est jalousement gardée à Zaouia par les Ouled Sidi Brahim et n’est sortie de la maison du patriarche de cette lignée qu’une fois par an, le jour du Mawlid Nabawi. Pour faire accepter la réconciliation entre les deux familles en conflit, les anciens ont exigé que la Fréha soit préparée, c'est-à-dire remplie de couscous par les hommes d’une famille et portée de cet endroit à l’emplacement de l’ancienne mosquée zaouia de Sidi Bouzekri par les hommes de l’autre famille. Dans une grande salle, on a commencé par étendre un drap propre au dessus d’une couverture. Sur cette couverture, on a posé la gassaâ dite Fréha. Un homme verse dedans une grande quantité de couscous qu’un autre se met à tasser avec ses mains. Un troisième, le patriarche sans doute déverse dessus du beurre de chamelle fondu contenu dans une grande bouteille. On ajoute du couscous et on tasse de nouveau. Il y a été mis l’équivalent d’un quintal de couscous à notre estimation. Tout ce rituel se déroule en même temps que des chants religieux venant des pièces voisines où se trouvaient les femmes. Après avoir invoqué les noms d’Allah et du Prophète (QSSSL), une dizaine d’hommes désignés à cet effet prennent de leurs mains la couverture qui se trouve sous la grande assiette en bois et sortent les premiers. Ils sont suivis par une grande procession d’hommes, de femmes et d’enfants. Les hommes portent gandouras d’un blanc immaculé et se couvrent le chef de Chèche, turban qui épargne de l’insolation et des poussières. Les femmes portent Mleffa, une étoffe dont elles se couvrent de la tête aux pieds. Ces Mleffa rivalisent par les couleurs et les motifs. Le k’hôl dessine à ravir leurs yeux de gazelles et le meswek, brou de noix, met en valeur leurs lèvres charnues. Les plus âgées se enduis tout simplement les mains avec du henné, les plus jeunes se sont ingéniées à se couvrir les paumes des mains et les pieds d’arabesques. Les femmes portent haut plusieurs drapeaux. A l’approche des tentes où les convives attendaient, les youyous saluant l’arrivée de la Fréha donnent en même temps de coup d’envoi des exhibitions folkloriques des femmes. Tous les hommes présents mangent à tour de rôle quelques cuillères de ce couscous sellant le rituel de la symbolique de la réconciliation entre les deux familles. Pour clore ce rituel, la Fatiha du Coran est récitée par l’ensemble des présents. Dans le courant de l’après midi, la troupe folklorique Et tawassoul du baroud s’est exhibée à Cherayaâ. A propos du sacré dans le sud algérien, Fayçal Maarfia cite un ouvrage illustre sur les sociétés du Maghreb écrit par A. Missoum sur les « ethnologies coloniales ». Ce chercheur d’origine maghrébine pose un regard nouveau sur la société du sud algérien et ses notions anthropologiques. Au-delà des ruptures : l’importance accordée et traitée sur le sacré, en particulier et à la sainteté que les ethnologues ont contribué à classer de manière quelque peu ambiguë sous l’étiquette de « culte des saints ». La vie sociale tourne autour d’une fête religieuse : le Mawlid, anniversaire de la naissance du Prophète (QSSSL). Cette fête généralement consacrée aux louanges du Prophète (QSSSL) durant une nuit de recueillement, de prières et de fête, prend la forme d’un pèlerinage qui rassemble les habitants de tous les ksour et ceux qui ont émigrés vers les villes et même à l’étranger. Il s’agit d’un moment de mobilisation intense du sacré. Un espace et un temps de ferveur, qui associent les saints patrons de ces établissements et la commémoration prophétique dans une ambiguïté voulue. Fondant la cérémonie comme une sorte de « mémorial collectif », restituant le temps des origines de cette communauté organisée autour de ses saints fondateurs. Cette fête est un « déploiement d’images ». Pour mieux se rendre compte des significations profondes, symboliques mais aussi éthiques, affectives, esthétiques, etc. Ces images, s’organisent sur la scène du pèlerinage en empruntant à de multiples registres de la parole incantatoire, scandée ou chantée invoquant les noms d’Allah et du Prophète (QSSSL), à travers des poèmes destinés à cette occasion et des récitations du Coran. Celui du geste incarné dans les danses et le baroud de fusils des hommes dressés vers le ciel.
MESSAOUD Ahmed - Journaliste - Béchar, Algérie

26/07/2016 - 305472

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