Alger - Rais Hamidou

Alger - Une semaine après la disparition d'une dizaine de harragas: Les habitants de Raïs Hamidou toujours sous le choc



Alger - Une semaine après la disparition d'une dizaine de harragas:  Les habitants de Raïs Hamidou toujours sous le choc


Le phénomène de harragas s’accentue ces derniers mois. La récente nouvelle d’une dizaine de jeunes de la commune de Raïs-Hamidou à l’ouest d’Alger, disparus sur les côtes italiennes, a remué toute la localité. Une semaine après, les habitants en parlent encore.

Rym Nasri - Alger (Le Soir)

Près d’une semaine après le drame, les habitants de Raïs-Hamidou reprennent leur train de vie. En effet, une dizaine de jeunes harragas de cette commune côtière ont été engloutis par la mer près des côtes italiennes.

Les esprits des habitants de l’ex-Pointe-Pescade restent marqués. Jeunes, moins jeunes, femmes et hommes, tout le monde semble encore très touché par la mauvaise nouvelle.

En cette journée pluvieuse du samedi 24 novembre, les cafés sont bondés de monde. Installés autour d’une table dans l’un des vieux cafés maures de la localité, quatre «ouled el houma» parlent de tout et de rien.

«Ces jeunes sont partis et sont certainement tous morts. Tout le monde est au courant mais ce drame n’empêchera pas d’autres jeunes d’essayer de partir. Les jeunes n’ont plus rien à espérer de ce pays. Qu’ils soient chômeurs ou travailleurs, ils n’évolueront jamais et ne réaliseront jamais leur but le plus simple», lance un quinquagénaire, les traits tirés.

Autour de la même table, Nazim, 25 ans à peine, enchaîne: «Ça aurait pu être moi !», dira-t-il.

Ce jeune au look branché, portant survêtement et baskets d’une célèbre marque de vêtements sportifs, une coupe de cheveux imitant celle de certains joueurs internationaux de football, ne cache pas, lui aussi, son ras-le-bol.

«On en a marre de cette vie, de ce système et de ce pays. Ils ont tout pris pour eux et pour leurs enfants et n’ont rien laissé pour nous. Aujourd’hui, il ne reste aux jeunes qu’à traverser la mer.»

Son voisin de la table à côté se joint à la discussion: «C’est vrai, tu as raison. La preuve: nos frères sont perdus en pleine mer, on ne sait pas s’ils sont vivants ou morts, et eux, ils n’ont pas remué le petit doigt pour aller à leur recherche.»

Plus loin dans un arrêt de bus, deux vieilles femmes discutent entre elles. Elles chuchotent presque comme si elles ont peur qu’on les entende. Elles reviennent sur le sujet des jeunes harragas de Raïs-Hamidou.

«Tu as entendu parler des jeunes harragas du quartier qui sont partis et sont portés disparus le jour du Mawlid Ennabaoui ?», demande l’une des dames à l’autre.

«Oui, tu as vu les pauvres ! Je l’ai appris hier seulement. J’étais en visite chez ma fille à Kouba», répond celle-ci.

«Il paraît qu’ils ont repêché trois corps et les autres sont toujours portés disparus. Ce sont leurs parents qui sont certainement remués. Ils ne savent même pas si leurs enfants sont morts ou encore en vie», poursuit la première femme.

Après un court silence, elle enchaîne: «Si ces jeunes avaient toute leur tête ils n’auraient pas traversé la mer dans une petite barque en plein hiver ! Ils étaient certainement sous l’effet de la drogue. D’ailleurs, dis-moi, quelqu’un qui n’a pas fait d’études supérieures et qui n’a ni diplôme ni métier, qu’est-ce qu’il va faire en Europe ?»

Son interlocutrice acquiesce de la tête pour montrer son accord avec ce raisonnement.

Toujours d’actualité, la disparition des jeunes harragas de Raïs-Hamidou revient même dans le bus. A peine installée dans le transport privé reliant Raïs-Hamidou à la place des Martyrs, une septuagénaire répond à son téléphone qui vient de retentir. Elle semble parler à une parente à elle.

«Nous avons été très choqués quand nous avons appris la mauvaise nouvelle. Tu connais Djamila, c’est son petit-fils. Il avait 20 ans. Son père est mort il y a peu de temps. Il avait deux garçons. C’est l’un d’eux qui est mort. Aujourd’hui, il ne reste à sa mère qu’un seul garçon. Inch’Allah, il sera un bon garçon et s’occupera bien de sa mère», dit-elle au téléphone.

Le temps d’écouter le commentaire de son interlocutrice, elle ajoute: «ces jeunes sont inconscients, ils n’en font qu’à leur tête et ce sont leurs parents qui payent pour leurs fautes.»


Ry. N.


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