Le mariage, un acte de consentement mutuel pour fonder un foyer basé sur l'amour et le respect, est régi par les articles 4 et 18 du Code de la famille qui stipulent la nécessité de sceller cette union sacrée entre deux êtres majeurs et consentants devant un notaire ou un officier de l'état civil. Dans la cité des Zianides, les intéressés se prêtent à un rituel s'articulant en deux temps, abstraction faite du droit coutumier «Orfi».
Acte 1. Les intéressés se présentent la veille au bureau des mariages situé au siège de l'APC pour l'inscription, soit le rendez-vous pour le «Aqd». Le dossier comprend, outre des pièces d'état civil, un certificat de bonne santé des deux futurs conjoints. A noter que le certificat prénuptial n'est plus exigé depuis avril 2006, en vertu d'un décret d'application de l'article 7 bis du Code de la famille. Jadis, la jeune fille était emmenée par sa mère chez le regretté Dr Kara dans son cabinet médical à la Quissaria; il l'examinait en généraliste «gynécologue» averti avant de lui délivrer un certificat de virginité... Le lendemain, les fiancés sont reçus par l'officier d'état civil dans une grande salle luxueuse. Les accompagnateurs doivent attendre dehors mais une «dérogation» est accordée par complaisance aux connaissances consistant à laisser la «famille» accompagnée de sa progéniture à assister au «Aqd». Une corbeille de bonbons est posée sur une table à l'intention des «hôtes». Signe de bon présage et expression de nouvelles moeurs de sympathie administrative. Le tuteur de la dulcinée fournit une photocopie légalisée de sa carte d'identité nationale. De même pour les deux témoins du prétendant qui doit s'acquitter d'une taxe dite droit de fête (1.500 DA). Après la procédure d'identification du couple (renseignements, fonction), la déclaration de la dot et l'acceptation mutuelle du principe du mariage, l'officier fait lecture de la Fatiha avant de remettre le livret de famille aux intéressés tout en leur présentant ses félicitations et voeux de bonheur. Il n'est pas rare d'entendre à cette occasion des échos de youyous dans les couloirs de la mairie. Au fait, pourquoi ne prévoit-on pas la publication de bans, soit l'affichage temporaire des actes de mariage.
Acte 2. Cérémonie dite de «La Fat'ha» au sein de la mosquée, en l'occurrence Djaâma El Kébir (Blass) ou Dar El Hadith (Tafrata). Au choix selon les affinités, les tendances et autres motivations. Rendez-vous est pris dans la matinée du vendredi à partir de 11h avant la grande prière pour les formalités d'inscription au sein de la Maqsoura auprès de l'imam qui exige l'acte de mariage, en application d'une instruction de sa tutelle (direction des Affaires religieuses). Certains passent outre. Le préposé laisse entrer des enfants accompagnés dans l'antichambre lors des formalités. On ne sait pas si c'est par complaisance ou bien une forme d'éducation à la tradition. Une moyenne de dix inscriptions est enregistrée à chaque cérémonie. Une fois l'opération terminée, l'imam, en l'occurrence cheikh Boufeldja (Djamaâ El Kébir) ou cheikh Tchiali (Dar El Hadith), sort et s'assoit au milieu du Mihrab. En guise d'entrée en matière, il entame le rituel par un verset bien à propos de la sourate des Femmes, relatif au lien sacré du mariage. Il invite ensuite tour à tour les deux tuteurs légaux (du futur mari et de la future bru) à se prêter à la Mouraqana, c'est-à-dire la formulation par procuration du consentement mutuel des deux parties contractantes. Accroupis face à face, les deux contractants répètent successivement la formule rituelle d'usage prononcée solennellement par l'imam. Après le passage des inscrits, l'imam récite la Fatiha en choeur avec les fidèles présents. Lors de la cérémonie, certains «convives» n'hésitent pas à utiliser un appareil numérique ou leur portable pour immortaliser l'évènement. Les prises de vues sont «captées» discrètement eu égard à la solennité du lieu de culte. Néanmoins, on n'a pas entendu une seule fois une sonnerie de portable susceptible de «parasiter» le rituel. Sitôt celui-ci terminé, la salle de prière devient une véritable «ruche». Et pour cause. Les congratulations et les présentations battent leur plein. «Mabrouk, La'h sakhar» reviennent tel un leitmotiv. Visiblement gêné par cette ambiance «profane», l'imam s'y accommode difficilement pour ne pas paraître rabat-joie. Les effusions débordent dehors sur la place Emir Abdelkader (ou la rue Pomaria), avant que les représentants des deux «belles-familles» ne quittent les lieux, soit sur une invitation au café ou un repas à la maison. A noter qu'en plus des invités à la Fat'ha, plusieurs badauds assistent assidûment à ladite cérémonie pour connaître vraisemblablement le «profil» (statut) des familles concernées. D'après M. Mohammed Baghli, spécialiste du patrimoine immatériel, le rituel de la Fat'ha est vieux de 9 siècles. Pour M. Tedjini Benaïssa, chercheur universitaire, son accomplissement à la mosquée est une innovation (bida') soulignant que selon la tradition, il était toujours organisé à domicile, c'est-à-dire en «famille» (à titre privé ?).
Il convient de signaler dans ce contexte qu'initialement installé dans l'ancien hôtel de ville sis à la place Emir Abdelkader connue par Blass, le bureau des mariages vient d'être transféré au niveau de la mairie de Kiffane, siège de l'APC de Tlemcen. Cette délocalisation est motivée par la récupération de l'édifice public et sa reconversion en musée dans le cadre de la manifestation de 2011 «Tlemcen, capitale culturelle du monde islamique». Il faut savoir que ce bâtiment colonial fut érigé sur les vestiges de la célèbre Medersa Tachfinya dite l'université de la Rose, symbole de la civilisation zianide. Elle fut détruite en 1873 sous prétexte de permettre l'agrandissement de la mairie achevée en 1883. Ces deux dates sont apparentes sur les panneaux supérieurs de la façade. Par ailleurs, le service en question traite une dizaine d'actes de mariage par jour et le triple lors de la saison estivale, selon un employé.
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Posté Le : 01/09/2015
Posté par : tlemcen2011
Photographié par : Photo : Hichem BEKHTI
Source : Ecrit par Allal Bekkaï - Publié dans Le Quotidien d'Oran le 25 - 10 - 2009