La station spirituelle de Sidi Abdellah Ben Ali d'Al Baâl, qui fut le point de départ du voyage initiatique de Chouaïb Abou Mediene, est devenue le refuge de base d'une randonnée pédestre qu'organise chaque samedi que Dieu fait le chercheur Mohammed Baghli avec le concours du parc national auquel revient l'aménagement du site au niveau du village Sidi Tahar(Boutaïba), au lieu-dit Al Baâl. L'invitation et le rendez-vous sont communiqués par SMS aux membres du collectif Senouci. Un rite sportif et écologique que nos amateurs de la nature et adeptes de la marche ne ratent à aucun prix et sous aucun prétexte. Djamel, entrepreneur de son état, nous servait de guide. En tenue adaptée (jogging) et armés de bâtons (d'appui), les randonneurs parmi lesquels des intellectuels (notaire, journaliste, ingénieur, artiste peintre...), des jeunes étudiants, des femmes et des enfants (dont certains ne se défairont pas de leur MP4) font cap sur la source dite Aïn El-Ghomri (la source du pigeon voyageur) où jadis, assise en tailleur sous un olivier, Cheïkha Tetma chantait et enchantait le paysage bucolique d'El-Ourit avec sa voix langoureuse accompagnée de son rossignol Abdelkrim Dali «Aziz el-wissal» (1925). El-Ourit fut son lieu de prédilection, son coin de paradis à telle enseigne que lorsque le notaire lui posa cette question: «Etes-vous consciente de ce que vous faites ?» (au sujet d'un héritage qu'elle allait léguer à ses deux domestiques), Cheikha Tetma répondit: «Voulez-vous que je vous dise combien il y a de virages de Tlemcen à El-Ourit ?», une réaction consignée d'ailleurs dans l'acte de donation. Les cascades Ferroudj, T'bal et Zerga baignaient dans le hawzi et son esturgeon le hawfi. Le canal romain sakiet ennasrani longeait le sentier que nous empruntions. Le parcours était bordé d'arbres fruitiers: jujubiers (sfizef)), caroubiers (kharroub) , figuiers (karmous), micocouliers (toghzaz), aubépiniers (aïn el-ba'ra)... Zoheir, Omar, Aouicha, Chakib en dégusteront sans en abuser... Sur un grand rocher était peinte en blanc l'inscription «Parc national de Tlemcen». Un peu plus loin, sur une autre «balise» minérale était signalé «Parcours 2 km sentier pédestre». En certains endroits, les cascades étaient à sec. On voit les traces d'érosion sur la falaise abrupte. On se rappelle le «miracle» (el-ghaït) qui se produisit en 2009 à El-Ourit «sauvé» providentiellement par le barrage du Mefrouch au moment de la cérémonie d'inauguration officielle du système hydraulique (mécanique), un succédané de chutes compensant le déficit en eau dû à la sécheresse qui sévissait. Un promontoire, appelé prosaïquement «le balcon d'Allah»(Nadhratou naïm) par Baghli, dominait le site. Un aigle royal dédiera une gracieuse ronde à ces visiteurs habituels en guise de bienvenue.En amont, trônait un vestige colonial. Il s'agit d'une ancienne guérite qui servait de poste d'observation militaire français de ce maquis. Nous voilà enfin arrivés à destination... Une plaque de fortune portait un avis écrit avec des caractères grossiers: «Propriété privée». Allusion au jardin potager appartenant à un certain Belachoui, absent lors de notre «intrusion». Nonobstant, un épouvantail veillait en ange gardien sur les cultures. Ladite source voisine du lopin de terre est cependant accessible. Aïn El-Ghomri nous accueillit avec sa fraîcheur euphorique et son eau abondante limpide . Un débit de un litre par seconde, chronomètre à la main, selon Djamel. On se désaltère et on se débarbouille avant d'improviser un pique-nique passager sous le figuier de Cheïkha Tetma. En contrebas, on distingue le pittoresque pont Eifel. Sirène toute hululante, un train de marchandises s'engouffrait, tel un boa, dans le vieux tunnel... Sur le chemin de retour, on emprunta instinctivement une autre piste parallèle au sentier initial. On passa devant trois moulins à eau en ruines qu'alimentait jadis le légendaire canal... On croisa le paysan précité à dos d'âne qui nous salua: «Avec ma présence assidue, je préserve ce coin des mauvaises fréquentations, allusion à la débauche», tenta-t-il de justifier sa «propriété»... Un autre groupe de randonneurs passe devant nous... Nous avons reconnu un ancien gymnaste qui nous lança une boutade: «Au moins si on venait à mourir, on partira en bonne santé !»... Le vieux Hadjadj, un pasteur de El-Ourit, gardait quelques vaches en surveillant son cheval. Il nous montra du doigt une maison rustique en ruines, celle de l'ancien boucher Benguerfi.
«L'agriculture n'est plus ce qu'elle était, regardez, tout est abandonné», se désola-t-il... A notre arrivée au point de départ, c'est-à-dire la station d'Al Baâl, on est accueilli par Ahmed, le gardien du PNT, qui nous offrit un succulent thé à la menthe préparé sur un barbecue... Quant à Baghli, il mit à profit la présence d'une délégation de Béjaïa, à la faveur de la tenue de l'exposition «Les relations intellectuelles Béjaïa-Tlemcen» pour faire à ses hôtes un exposé sur le point de départ initiatique de Chouaïb Abou Mediene (âgé alors de 25 ans en 1155) depuis la station de Sidi Abdellah Ben Ali d'Al Baâl et plus exactement sous le mythique olivier derrière le mausolée du saint où El-Ghaout enseigna les maximes d'Al Junaïd. Narrant avec passion le fameux épisode des pétales de rose étalées sur une jatte pleine de lait offerte par les notables «autarciques» de Tlemcen qui pensaient se suffire de leurs savants. Le futur saint patron de Tlemcen rendra un vibrant hommage à son «prédécesseur» Sidi Daoudi Ben N'sar par les grâces desquelles madinet el-djidar fut épargnée par les calamités (selon les écrits de Brosselard et du colonel Rhine)... Baghli, en sa qualité de chercheur en legs immatériel universel, fera part à cette occasion de deux projets, à savoir l'installation d'un faisceau lumineux (laser) «portant» sur une distance de 30 km, version tour Eiffel de Paris, «reliant» la station de la qotbiya de Aïn Taqbalet (Bensekrane) à la station sprituelle de Sidi Abdellah Ben Ali d'Al Baâl d'une part, d'autre part la réalisation d'une réplique de la Medersa Tachfiniyya Al Mashdaliya à Béjaïa qui sera dédiée à la mémoire du premier imam de ladite université islamique Abou El-Fadhl Mashdally Tilimsani... De l'olivier de Chouaïb Abou Mediene (Al Baâl) à l'olivier de Cheikha Tetma (El-Ourit), tel fut en somme le parcours suivi par les randonneurs du samedi... Ne dit-on pas que la nature fait bien les choses, en l'occurrence «marier» le mystique au profane ?
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Posté Le : 17/12/2017
Posté par : tlemcen2011
Ecrit par : Par Allal Bekkaï
Source : In Le Q.O du 08/10/11 en page Oranie