Tlemcen - Zianides (Abdelwadides)

Tlemcen capitale d’un nouveau royaume (13e- 15e siècle) - Les Abd El-wadid



Le début du XIVe siècle voit en effet s'établir un ordre nouveau au Maghreb. L'Empire Almohade s'affaiblit et s'écroule, laissant la place à trois dynasties: en Tunisie, s'installe la dynastie des Hafsides ; au Maroc, le cœur de la puissance Almohade, une puissante tribu nomade chasse les anciens princes et crée la dynastie Mérinide; dans le Maghreb central se constitue un troisième Etat, celui des Banou-Abd-El-Wad ou zeiyanides. Tlemcen est alors élevée au rang de ville royale.
Les Banou-Abd-El-Wad étaient des nomades de la tribu des zenata que les Almohades avaient employés à tenir la région de Tlemcen, L'affaiblissement du pouvoir de la dynastie leur donna de plus en plus d'importance. Ils conservaient la ville aux Almohades en la défendant contre les Béni-Ghanya, qui avaient failli s'en emparer. Le Kalife Almohade manifeste au chef des Abd-El-Wadi dés sa satisfaction par l'envoi d'un diplôme qui le constituait gouverneur de Tlemcen et de tout le pays Zenata, charge qui jusqu'alors avait été confiée aux seuls princes de sang royal. Ainsi s’exprime Ibn Khaldoun qui date de 1227 cette époque de la vie de la cité. Une quarantaine d'années après, l'écroulement de la souveraineté Almohade faisait du gouverneur de la province, le seul maître de la région. Le royaume de Tlemcen ne se constitua pas sans difficulté car il eut à lutter contre la double prétention des Hafsides de Tunis et des Mérinides du Maroc. A ses débuts, la dynastie dut sans doute sa survie et son développement au grand fondateur de la dynastie Yaghmorassen. C'est un personnage fascinant que ce premier roi de la dynastie Zeiyanide auquel la ville doit tant. Sa vie, malheureusement encore mal connue, illustre d'une manière frappante, le passage de la vie nomade à la vie sédentaire dont Ibn Khaldoun fera la science. Il vécut sous la tente jusqu'à la trentaine, au milieu des troupeaux, et dirigeant les guerres de sa tribu. Energique, austère, fier, il le restera au faîte de sa puissance. Aucune flagornerie ne trouve grâce devant sa force. Les répliques que lui attribuent les chroniqueurs, témoignent toutes en faveur de sa simplicité et de la force de son caractère. A ceux qui prétendaient devant lui qu'il se rattachait à la lignée du prophète par Idriss, il répondait: si c'est vrai, cela nous profitera aux yeux de Dieu. Mais dans ce monde, nous ne devons notre pouvoir qu'à nos épées. Toutes ses qualités ajoutées à l'exceptionnelle «açabia» dont son groupe fit preuve, firent de lui un roi et le mirent en possession d'une capitale. Son long règne, une quarantaine d'années, contribua grandement à assurer la stabilité du royaume zeiyanide.
Il léguait à son fils Othman un pouvoir plus fort: il a fait reconnaître sa domination sur les tribus du Maghreb central, il a des alliés et des tributaires. Il a donné à sa capitale la prospérité économique et le rayonnement intellectuel et religieux. Cependant, la ville n'était pas à l'abri de tout péril. Les Hafsides et surtout les Mérinides attendaient toujours l'occasion de s'en emparer. D'après les chroniqueurs, Yaghmo-rassen lègue à son fils en même temps qu'un royaume florissant, des con¬seils de prudence, fruits d'une lon¬gue réflexion sur la situation politique de la ville. Le vieux roi aurait dit: sache, mon fils, qu'il nous est devenu impossible de lutter avec les Mérinides...
garde-toi d'aller à leur rencontre : tiens toi derrière tes remparts s'ils viennent t'attaquer et dirige tes efforts sur la conquête des provinces Hafsides qui touchent aux nôtres. Par les troupes qu'elles te fourniront tu pourras résister à tes adversaires: peut-être même une des forteresses orientales tombera-t-elle en ton pouvoir et deviendra le dépôt de tes trésors.
Légendaire ou authentique, ce testament politique semble la conduite des successeurs du grand roi. Le renforcement des murailles et des ouvrages militaires derrière lesquels s'abritait la ville ne fut leur moindre souci. Tlemcen, un vieux dicton, avait sept murailles, sept enceintes, et ses habitants ne dormaient ni jours ni nuits.

Autant d'ailleurs que sur leurs murailles, les Tlemceniens comptaient sur la protection de leurs walis. Chacune des portes de l'enceinte était protégée par un wali. Selon une légende rapportée dans le «Bostan», un sultan de Tunisie venu assiéger la ville, choisit d'entrer par Bab-El-Quermadin, seul porte à ne pas jouir de la protection d'un wali. Il fallut qu'un wali encore vivant Sidî-Abdalkh El-Marçour prît la porte sous sa protection pour éviter le désastre.
Cependant, chaque année au retour de la belle saison, on pouvait craindre de voir les troupes mérinide déboucher dans la plaine. L'appareil défensif de la ville ne pouvait être réduit que par un long siège bloquant le ravitaillement de la ville Tlemcen ne put échapper à cette épreuve: ce fut l'expérience la plus douloureuse de son histoire. En 1299 le sultan mérinide Abou Yacoub entreprit un siège qui devait durer sept ans et dont les

les tlemcéniens parlent encore non sans une certaine fierté. La ville était si bien protégée par ses murs qu'un esprit, un être invisible attrait eu de la peine à entrer dans la ville mais aussi jamais population n'eut à souffrir autant de maux que les habitants de Tlemcen. On finit par manger des cadavres, des chats, des rats. Ce sont les termes d'Ibn Khaldoun.
Le camp des Mérinides au contraire regorgeait de biens et se transformait progressivement en une véritable cité avec ses palais et sa mosquée
Le sultan mérinide l'appela Mansourah.
Au printemps de 1307, Tlemcen semblait à la veille de succomber. Ibn-Kbaldoun reproduit un saisissant récit de son maître El-Abboli montrant l'atmosphère qui régnait au palais et dans la ville: dans la matinée de ce jour qui était m mercredi, le-sultan Abou Zaïyan alla s'asseoir tout seul dans une chambre de son palais. Ayant fait appeler Ibn Hadjaj, gardien de ses magasins à blé, il lui demanda combien de greniers et de silos restaient encore pleins. Sur la réponse de cet officier, qui déclara une quantité suffisante à pour deux jours, il lui recommanda d’en garder le secret. Au même moment, il vit entrer son frère Abou Hammou communiqua la mauvaise nouvelle. La douleur qu'ils en ressentirent tous fut si grande qu'ils restèrent assi pendant un temps sans pouvoir proférer parole. Une esclave entra. C'était l’intendante de la fille d'Abou-Isha leur père avait épousée. Elle sort, palais de sa maîtresse, elle vint eux, s'arrêta en saluant à sa façon et dit : «les dames de votre palais, les cesses de la famille Zaïyan, tout femmes de votre maison m'ont chargée de transmettre ce message: « quel plaisir pourrons-nous avoir à plus longtemps? Vous êtes réduits à toute extrémité, l'ennemi s'apprête à vous dévorer, encore quelques heures de répit et vous allez succomber. Epargnez-nous la honte de la captivité; ménagez en nous votre propre honneur, Faites-nous mourir», Abou Hamou, très ému et se tournant vers son frère lui dit : «Elles ont raison ne faut pas les faire attendre».
Abou Zaïyan décide de patienter encore trois jours, mais le jour même, un messager du camp de Mansourah vint apporter la nouvelle de la mort du sultan mérinide et des propositions de paix du successeur, pressé d'aller à Fès prévenir une crise successorale éventuelle. C'était là encore le grand historien, une de ces faveurs extraordinaires que Dieu accorde quelquefois aux mortes. Mansourah fut évacuée mais Tlemcen ne fut sauvée que pour un temps. En 1357, Abou-L-Hassan de Fès prend la ville qui connut toutes les horreurs des massacres de guerre. Seule l'intervention de deux pieux personnages, les fils de l'Imam Mohamed, Abou-Zaïd et Abou-Moussa, décida Abou-L-Hassan à arrêter la fureur de ses soldats. Pendant onze ans, Tlemcen allait vivre incorporée au domaine des Mérinides. Ceux-ci embellirent Mansourah et construisirent les monuments de Sidi-Bou-Mediène et de Sidi-El-Halwî. De Mansourah, il reste des débris de l'enceinte de pisé qui s'allonge rosé et couverte de lichen à travers les oliviers et les vestiges de la mosquée avec surtout la moitié antérieure de son minaret. En 1872, un architecte français, Duthoit, chargé des travaux de restauration écrit : Beaucoup de ses marbres précieux ont été débités et vendus au commerce, je n'ose dire par qui…, cette discrétion est par elle-même un aveu. Tout ne fut pas perdu puisque la Grande Mosquée fut pavée avec des dalles d'onyx de Mansourah et que le musée de Tlemcen et ceux d'Alger gardent des fûts de colonnes et de très beaux chapiteaux.
L'occupation mérinide ne fut pas définitive. Les Abd-El-Wadides sous la conduite de Abou-Hammou II reprirent possession de la ville. Tlemcen devait subsister et faire encore figure de cité royale jusqu'à l'aube du XVIe siècle.





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