Douze ans après notre première visite dans cette immense vallée qui abrite cinq hameaux, Ouled Sid El-Hadj, Benyakoub, Beni-Hamed, Zoughen et Beni-Ghezly, on a du mal à reconnaître les lieux.
En redécouvrant ces zones qui furent sous-occupation terroriste, on peut se faire une idée exacte de l'ampleur des souffrances vécues par ces populations au fond de cette vallée et dont personne ne parle. L'Algérie tout entière allait entendre parler de cette contrée de l'ouest du pays à partir de 1993, et pour cause, le sinistre Kada Benchiha et El-Akel ont installé à Beni- Ghezly la plus grande base de repli des terroristes en Oranie. A notre arrivée au village, nous avons pu retrouver un visage familier, Larbi Chérif Benamar, ce patriote qui fut parmi les premiers citoyens à prendre les armes. Douze ans après, il nous parle du passé, du présent et de la frustration de toute une population.
1994-1997 : l'occupation terroriste
A cette période, l'Algérie entière menait une lutte contre la horde intégriste ; la wilaya de Tlemcen, pour sa part, a payé un lourd tribut avec l'implantation du premier fief terroriste dans la commune de Oued-Chouly. Il faut dire que Kada Benchiha et son lieutenant El-Akel régnaient en maître sur les lieux. Aucun village n'échappait à leur contrôle et cette malheureuse population vivait sous la terreur. Personne ne pouvait entrer ou sortir de ces villages, puisque les terroristes avaient même érigé un poste de contrôle. Benamar, notre ami patriote, ce miraculé des années de braise, nous parle de cette période avec amertume et tristesse. En effet, on ne peut rester indifférent au sort de ces paysans qui ont tout perdu et qui, aujourd'hui, se trouvent dans un dénuement total. Notre interlocuteur nous dit : «Nous avons nettoyé la région de ces assassins. Si Tlemcen et les autres quartiers chics ont retrouvé leur calme, c'est grâce à ces montagnards qui ont décidé d'anéantir ces groupes terroristes dans leurs propres fiefs.» La première grande bataille livrée aux terroristes débuta le 27 septembre 1997. A cette date précise, les premiers patriotes au nombre de 11 seront les premiers éclaireurs à aider les éléments de l'ANP. C'est grâce à ces civils que les casemates furent détruites, obligeant les terroristes à fuir ou à se rendre, car cette opération a pris les dimensions d'une vraie guerre. L'armée a, en effet, employé l'artillerie lourde et l'aviation a fait le reste. Aujourd'hui, toutes ces maisons nichées au fond de la falaise de djebel Kadous sont en ruine. Les vergers sont abandonnés, les quelques arbres qui ont résisté sont aussi menacés. A Beni-Ghezly, c'est la désolation totale !
Le retour des exilés, la frustration
Au début des années 1998, les groupes terroristes furent presque tous anéantis, le terrorisme était pratiquement vaincu et les pouvoirs publics encourageaient les populations à rejoindre leurs villages. Certains ont cru aux promesses de l'Etat et ont pris le chemin du retour. Ce fut le cas de cette minorité de citoyens de Beni-Ghezly qui ont répondu à l'appel de la terre de leurs ancêtres. Ils ont commencé à travailler leurs petits lopins de terre en attendant l'aide promise par l'Etat. Il fallait repartir bien sûr à zéro en reconstruisant les maisons dévastées par les bombardements, rouvrir les écoles, les centres de santé
Et en parcourant à pied les ruelles étroites du village, nous sommes surpris par tant de misère au moment où ailleurs sont investis des milliards... pour rendre la vie plus agréable à ces citadins qui ne risquent pas de se salir les pieds, les trottoirs refaits à neuf arrivent.
La construction d'un barrage, seul espoir de survie
Sur une population de 1 200 habitants, seule une soixantaine de personnes est retournée de cet exil forcé. Parmi ces revenants, certains sont en passe de repartir à nouveau. Un petit fellah nous explique : «Nous sommes au bord de la ruine, l'Etat n'a rien fait pour nous. Regardez autour de vous ces cerisiers et ces arbres fruitiers qui faisaient notre fierté. Toute cette nature est en train de mourir par manque d'eau. Sur les 6000 arbres plantés, plus de la moitié ont disparu.» Pour ces habitants, seule la construction d'un barrage sauverait le village. Une enveloppe de 110 millions de centimes a été dégagée pour l'étude technique de cet ouvrage et depuis, plus rien. Ces braves gens dont on ne peut remettre en cause l'honnêteté ne croient plus en rien. Ils tiennent des propos durs à l'encontre des élus qui sont en partie responsables de leurs maux. «Si dans six mois, les nouveaux élus ne manifestent pas une volonté de faire quelque chose, alors cette fois-ci ça sera un aller sans retour», nous disent-ils. Larbi Chérif nous fait remarquer en passant devant le centre de santé fermé que le médecin ne vient qu'une fois par semaine et en cas d'urgence, il nous ne reste plus qu'à prier. En été, le danger est encore plus grand, la présence des reptiles venimeux est une véritable menace pour les enfants. Quant aux écoliers, ce sont pas moins de 14 km de marche qu'ils font pour rejoindre l'établissement le plus proche. En quittant Beni-Ghezly pour rejoindre la nationale qui mène vers Tlemcen, on a l'impression d'avoir été au bout du monde... L'Algérie profonde, c'est ça, mais qui s'en soucie?
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Posté Le : 02/06/2017
Posté par : patrimoinealgerie
Photographié par : Hichem BEKHTI
Source : Texte de M Zenasni et Faïza B - Publié dans Le Soir d'Algérie le 10 - 12 - 2007