Les waadate, des scènes pour les cultures locales

Les origines et l’histoire des waadate remontent à la nuit des temps et il est difficile, pour ne pas dire impossible, de situer dans le temps la «1re édition» de telle waada ou de tel mawssim.

Ethnosociologues et historiens s’accordent cependant à dire que ces fêtes populaires, dans la majorité des cas, marquent un événement important de la vie de la population de la région. Cet événement peut être le jour d’une cueillette (fête agraire), la victoire sur une tribu ennemie, la réconciliation entre tribus (fêtes pastorales), la naissance ou la mort d’un érudit (généralement le saint patron de la région, el wali).

Aujourd’hui, Tlemcen fête, elle, essentiellement des anniversaires de saints hommes, tels sidi Yahia, sidi Tahar, El Wassini… Ces célébrations ou mawassim sont organisés tous les ans sur les sites où sont enterrés el walya ou el woulate (pl. de wali). C’est l’occasion d’effectuer un pèlerinage au tombeau du saint patron. La waada sera organisée aux alentours du tombeau et sera l’occasion de réjouissances et de méditations.

Grâce aux dons des plus nantis, de grands plats de couscous et viande seront servis aux milliers de visiteurs alors que les cavaliers regroupés en «gafla» (groupe de 8 à 10 cavaliers) s’alignent pour la fantasia. Les religieux, de leur côté, se rassemblent pour organiser une hadra, réciter le Coran et prier. Le son du baroud et de la cavalcade se mêle aux litanies des récitants. Le religieux s’imprègne du folklore.

Mais la waada est aussi un rendez-vous commercial que beaucoup rentabilisent. Le rassemblement de milliers de personnes est l’occasion pour les artisans de la localité et de la région de dresser leurs étals pour vendre leurs produits. On trouve burnous, selles, tapis, et l’incontournable apothicaire qui vous proposera herbes médicinales et remèdes miraculeux.

C’est dans cette partie commerçante de la waada que les conteurs constituent leurs halqas (rondes). Un de ces rendez-vous traditionnels de fête et de recueillement à Tlemcen est le mawssim de sidi Yahia. Entre les monts El Abada, Boughadou, Rougine, et Nif el Ogab s’étendent les terres qui abritent le mausolée du saint homme.

Chaque année, les tribus de Ouled Nhar, Ouled sidi Mohamed, Ouled Belaabesse, El Ghraba, Echaraga… célèbrent el mawssim de Sidi Yahia qui attire des milliers de personnes venant de toutes parts. On retrouve le même décor : tentes et étals dressés, fumets et fumées emplissent l’air chargé de poussière soulevée par les piétinements et les cavalcades alors que le baroud couvre par intermittence le brouhaha des discussions et les mélopées des religieux.

Des marchants itinérants venus des quatre coins du pays exposent leurs marchandises pendant que des halkate se forment autour des gouals (conteurs) qui captivent leur petite assistance avec ces contes populaires et légendes qu’ils véhiculent comme une mémoire vivante et ambulante (jusqu’à quand ?). Non loin, un groupe de danseurs donne une représentation de danse aalaouie. Les visiteurs, ne voulant rien rater, vont d’un îlot d’activité à un autre.

Mais la station principale, après le plat de couscous, est certainement l’esplanade où se déroule el goum (la fantasia) qui est une scène de démonstration. Les cavaliers se font concurrence par le biais des harnachements des montures et leur dressage. Ainsi, à tour de rôle, chaque cavalier fera ses démonstrations avant que le chef de file donne le signal du rassemblement. Les chevaux sont alignés en bout de piste et, au signal, sont éperonnés pour une course au triple galop. En fin de course, les cavaliers se dressent sur leurs étriers et, sur l’ordre du chef, tirent la salve de baroud en essayant de réussir un parfait accord.

La waada de Sidi Yahia, que le ministre des Ressources en eau, en visite dans la wilaya la semaine dernière, a eu l’occasion de découvrir, n’est en fait qu’un rendez-vous parmi tant d’autres, à Tlemcen comme partout ailleurs en Algérie, où s’exprime la culture du terroir dans toute sa richesse et sa diversité.