Le cimetière connu sous le nom de Sidi Yaqoub occupe, à quelque distance à l'Est de la ville, un bois de vieux et robustes térébinthes, sur un plateau en saillie qui domine le cours de l'oued Metchkâna; des débris de vieux remparts suivent le bord de l'escarpement. En réalité, les tombes anciennes qui en bossèlent le sol ont dû se grouper autour du tombeau de Sidi Wahhâh placé, comme nous l'avons vu, auprès d'une porte du vieil Agadir.
La Qoubba de Sidi Wahhâb(1) peut donc passer pour le plus ancien des sanctuaires qui peuplent cette terre sacrée ; c'est aujourd'hui encore le plus populaire et le plus fréquenté. Il s'ensuit, que les embellissements ont dû peu l'épargner. Jusqu'à quel point le plan primitif a-t-il été modifié? De quand date l'ordonnance actuelle? Ne s'est-on borné qu'à l'entretenir par le périodique passage à la chaux? Il est difficile de rien affirmer à son sujet. L'enfoncement très visible du sol, à l'endroit qu'occupe l'édicule, montre qu'on a conservé le niveau des premières constructions. Trois élégantes arcades en fer à cheval brisé, portées sur des pieds-droits et dont les écoinçons sont décorés d'ajoures géométriques, s'ouvrent sur la façade. Un toit abrite l'entrée, flanquée de deux petites galeries surélevées. La chambre sépulcrale est couverte par une coupole octogonale établie sur les demi- voûtes d’arêtes habituelles. A l'extérieur, cette coupole s'indique par un dôme.
Également beaucoup en dessous du niveau actuel, se trouve le tombeau de Sidi Yaqoub, simple quadrilatère à ciel ouvert de petits murs en pierre, ornés aux angles de merlons. Un autre mur, plus vieux, et maintenant ruiné, l'entoure à 1m ,50 de distance. Il offre cette particularité que dans la face méridionale s'ouvre la niche d'un mihrâb, orienté en plein Sud, et qui révèle la présence d'un ancien oratoire(2).
Au milieu île ce cimetière s'élèvent les ruines d'un autre monument funéraire (PI. XXVII); c'est celui que l'on désigne sous le nom de « tombeau de la sultane ». Sur la foi de ce nom, et d'une tradition populaire qui désignait le cimetière de Sidi Yaqôub, comme recelant des tombes royales, Brosselard entreprit à l'intérieur de ces ruines des fouilles(3) qui amenèrent la découverte d'inscriptions sur pierre. L'une était l'épitaphe d'une petite princesse, arrière-petite fille de Yarmoràsen morte en 1112 (815 de l'hégire). Il pensa que l'inhumation d'une enfant justifiait mal l'importance de ce tombeau, et la consécration des souvenirs populaires. Les fouilles poursuivies mirent au jour un fragment d'épitaphe plus ancienne, malheureusement sans nom, mais dont le texte se rapportait évidemment à une femme de sang royal. « Il est certain, dit-il, qu'elle mourut antérieurement à l'année 815 de l'hégire (1412) et que le monument élevé en son honneur existait à cette date, puisque la petite princesse dont l'épitaphe a été relatée plus haut put y être enterrée(4). » L'examen archéologique du monument vient corroborer cette ingénieuse supposition. Les trois quarts à peine sont parvenus jusqu'à nous. Maintenant en contrebas du terrain a voisinant, il était établi sur plan octogonal et formé d'arcades, découpées chacune en neuf grands lobes. La coupole à huit pans reposait directement sur les arcs, et n'était vraisemblablement pas abritée par un toit. Peut-être une enceinte moins élevée isolait-elle l'édicule. C'est le seul exemple que nous ayons de qoubba sur plan octogonal. Les monuments établis sur arcades ouvertes ne se rencontrent guère que dans le cimetière d'Eubbàd es-Sefli, qui, nous l'avons vu, fut l'Eubbàd primitif. De plus, la présence de cintres Lobés, dont à Tlemcen la Grande Mosquée seule nous offre des exemples, permet d'attribuer a celte ruine un âge assez reculé, peu éloigné de la deuxième moitié du XII siècle.
NOTES :
1- Cf, sur ce personnage, suprà, p. 11.
2- Le Bostan, qui consacre une notice à l'histoire légendaire de ce personnage, l'appelle du nom sous lequel il est encore connu à Tlemcen, Sidi Yaqoub et-Tifrisi. D'autre part, l'épitaphe qui existe dans son haouch le nomme Abou- Yaqoub Yousef-ben-Abdallah (Cf. Complément de l'histoire des Beni-Zeiyân, p. 96). Cette épitaphe sera prochainement publiée par M. Bel dans sa traduction de la Baghyat-er-Rouwâd. Il aurait vécu à l'époque de l'abd-el-wàdite Abou-Tàchfin 1er. Peut-être le mihràb ruiné qu'on remarque dans le mur Sud de la deuxième enceinte de son tombeau faisait-il partie d'une mosquée où il enseignait d'ordinaire et où il fut enterré (« il enseignait aux hommes et au jinn dans sa mosquée » Bostan, notre manuscrit, p. 599, 600). — Cf. encore, sur Sidi Y'aqoub, Doutté, les Marabouts, p. 69; de Lorral, Tlemcen (p. 318, où la sépulture de Sidi Yaqoub est confondue avec celle de Sidi Wahhàb (fig. 319. et W. Marçais, Algerian Jews dans Jewish Encyclopedia.
3- Cf. Tombeaux des émirs Beni-Zeiyân, p. 9.
4- Cf, id, p. 140 et suiv,
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Posté Le : 07/10/2011
Posté par : tlemcen2011
Ecrit par : Georges et Wiliam Marçais
Source : Les monuments arabes de Tlemcen - 1903