Tlemcen - Autres scientifiques

Les arabisants et la France : Ben Abderrahman dit Abderrahman, Mohamed [‘Abd ar-Raḥmān, Muhammad] (Lauriers-Roses, département d’Oran, 1879 – Oran [?], 1957) – professeur de lycée




C’est un des rares musulmans de sa génération qui accède au professorat – son frère Miloud fera carrière dans la magistrature musulmane. Encouragé par Auguste Mouliéras, qui loue à sa mère, veuve, une pièce dans sa maison des jardins Welsford à Oran, il poursuit ses études au lycée d’Oran. Bachelier de l’enseignement moderne (lettres mathématiques, 1896), il alterne entre 1897 et 1906 les fonctions de répétiteur (au collège de Médéa, puis aux lycées d’Alger – au petit lycée, comme le proviseur craint que les grands élèves n’acceptent pas d’être placés sous son autorité – et d’Oran) et des suppléances comme professeur d’arabe (au collège de Blida). Diplômé d’arabe en 1899, il est nommé à la chaire du collège de Tlemcen (1902-1906). Marié avec une musulmane, Aïcha bent Mohamed ben Seghir Zenaki (1902), il porte en cours burnous et turban en poils de chameau, ce qui suscite une remarque de l’inspecteur d’académie, réaction que le recteur Jeanmaire juge déplacée, considérant qu’il faut laisser aux musulmans la plus grande liberté pour le costume et pour la nourriture. Après avoir publié un manuel scolaire (Lectures choisies pour la classe, 1906, rééd. en 1913), bientôt au programme des cours publics institués au Maroc, il est admis premier au nouveau certificat d’aptitude à l’enseignement de l’arabe dans les lycées et collèges (1907) et promu au lycée d’Oran, dans l’espoir que sa présence attirera des élèves musulmans. Longtemps, il ne cherche pas à accéder au statut de citoyen français (en 1900, il indique à la rubrique « nationalité » de sa notice individuelle : « arabe (sujet français) ») et la sincérité de son « loyalisme » envers la France est encore dans les années 1920 l’objet de débats entre ses supérieurs – il est alors membre de la Ligue des droits de l’homme et de la loge maçonnique Aurore sociale africaine. De fait, en contact avec les Jeunes Algériens d’Oran, il a participé en 1911 à la fondation du journal El Hack oranais et y a publié sous le pseudonyme de Salah-Djeha des articles contre les revendications assimilationnistes visant à généraliser le statut français chez les Musulmans. Sa position, combattue par les républicains radicaux, trouve un appui chez les héritiers de Jules Ferry, modérés, bien représentés aux échelons supérieurs de l’Instruction publique (Jeanmaire, W. Marçais*…). En 1913, on trouve son nom parmi les membres du comité de La France islamique, organe parisien « des intérêts franco-indigènes dans l’Afrique du Nord » qui parvient à assurer une publication hebdomadaire pendant un peu plus d’un an. Abderrahman est généralement bien noté, et sa méthode appréciée (il se concentre en particulier dans les petites classes sur l’apprentissage de la langue parlée). Selon William Marçais qui l’inspecte en 1936, « ses élèves ne quittent pas le lycée sans emporter, touchant l’histoire des peuples musulmans et la civilisation islamique, un bagage de connaissances modeste mais solide ». Il semble avoir adhéré à l’Union socialiste républicaine, fondée en 1935, et avoir participé au Ier congrès musulman à Alger en juin 1936. Il a peut-être intégré l’Association des Oulémas musulmans

algériens

. Après 1954, il s’affirme en faveur de l’indépendance de l’Algérie.
Sources :
ANF, F 17, 24.549, Abderrahman ;

Introduction de Mohamed Soualah à sa traduction du Chant de guerre de Mostapha Ould Kaddour Tabti, Revue africaine, vol. 60, 1919, p. 498 ;

M. Ghalem, « La résistance à la conscription obligatoire en Oranie », thèse de 3e cycle sous la dir. de René Galissot, université Paris VII, 1984, 2 vol. ;

Entretien avec Valentine George, petite-fille d’Auguste Mouliéras, décembre 2009 ; correspondance avec Claire Marynower, juillet 2012.


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