Tlemcen - Tariqa Aissaouia

Les Aïssâoua à Tlemcen 1900. par Edmond Doutté



Les Aïssâoua à Tlemcen 1900. par Edmond Doutté
Tout le monde connaît aujourd’hui, au moins de nom, les Aïssâoua. Il n’est point de touriste qui, ayant visité l’Algérie ou la Tunisie, n’ait assisté à leurs étranges exercices (2). On a moins souvent occasion de voir les processions qu’ils font en corps à diverses occasions et qui sont bien un des spectacles les plus impressionnants auxquels on puisse assister. Ces processions sont fréquentes dans les villes du Maroc, où l’ordre des Aïssâoua est plus florissant qu’en Algérie : dans ce pays, il n’y a guère que Tlemcen où ces [p. 6] cérémonies aient gardé jusqu’à nos jours tout leur caractère. Les lignes suivantes sont extraites de notre registre de notes où elles figurent à la date du 15 février 1899. C’est la relation aussi exacte que possible des exercices des Aïssâoua à Tlemcen à l’occasion de la fête appelée ‘Aïd eç-çeghir qui termine le jeûne du Ramadhân.
« … Dès le matin du deuxième jour de la fête, une animation extraordinaire règne sur la route de Tlemcen à Sidî Boû Mdièn (Sidi Boumédine). Hommes, femmes, enfants, s’en vont en pèlerinage. Ces derniers surtout avec leurs costumes brillants, leurs petits bonnets pointus, leurs vêtements d’étoffes de tulle lamées d’argent, leurs robes aux couleurs voyantes et bariolées, donnent au paysage un aspect véritablement féerique. Les morts ne sont pas oubliés et le cimetière arabe est constellé de h’aïk blancs. Mais la population se porte surtout vers le tombeau du célèbre saint qui a donné son nom au village de Sidî Boû Mdièn. Près de la source dite ‘Aïn Ouenzoûta stationne une foule immense. Là des marchands de gâteaux indigènes, de limonade, de nougat se sont établis en plein vent. Un prestidigitateur marocain émerveille les badauds par ses tours de passe-passe. Un peu plus loin, près de ‘Aïn Boû Ish’aq, se sont réunis les Aïssâoua : de là ils vont monter à pied jusqu’à Sîdî Boû Mdièn. [p. 7]

Voici qu’ils se forment en procession : en avant marchent les porteurs des étendards et, immédiatement derrière, le moqaddem (chef) de l’ordre. Derrière celui-ci, une rangée de khouan (frères) barre le chemin : vêtus tout simplement de longues gandouras blanches, ils se serrent les uns contre les autres en se tenant par les mains et forment une bande de toute la largeur de la route qu’ils remontent lentement et à reculons. A sept ou huit pas, une autre bande semblable les suit, mais marchant en avant, de façon à faire vis-à-vis à la première. Ensuite vient la musique, puis deux autres rangées de khouan semblablement disposées ; derrière enfin des porteurs d’étendards ferment la marche.
Au son cadencé des guellâl et des ghâït’a (3), qui font rage, les khouân exécutent, sans cesser un instant, une sorte de danse qui consiste dans une simple inclination du buste, avec flexion des genoux, répétée indéfiniment au cri de : Iâ llâh, iâ llâh, (ô Dieu, ô Dieu), poussé rapidement et avec force sans s’interrompre une seule seconde pour reprendre haleine. Pendant ce temps, les porteurs d’étendards qui marchent devant et la foule chantent une formule religieuse qui se termine par les mots : Moh’ammed h’abîb Allâh (Mahomet est l’ami de Dieu).
Au devant des groupes de khouân qui chantent sans trêve sur le plus monotone des rythmes : iâ llâh, iâ llâh, le « djemel », le chameau, se livre à ses gambades et à ses fantaisies. Ce chameau n’est autre qu’un des khouan auquel on donne le nom de cet animal et qui ne cesse de l’imiter de toutes les façons. D’autres imitent la panthère, le chacal…., mais ici, c’est le chameau qui fixe toute l’attention (4). [p. 8] Tantôt il s’avance à quatre pattes en se contorsionnant la bouche comme un véritable chameau et en poussant le Cri bien connu de cet animal, tantôt il se lève en faisant des éclats de voix effrayants. Parfois il s’arrête et tape du pied. D’autres fois, il se roule parterre en frottant sa tête contre les pierres. Il porte autour du cou un collier de coquilles d’escargots . On lui jette des feuilles de figuier de Barbarie : il s’arrête et les dévore à belles dents en imitant avec ses joues les mouvements des joues du chameau lorsqu’il mange. Il se précipite sur les assistants et leur vole leurs chaussures en possession desquelles ils ne peuvent plus rentrer qu’après lui avoir donné quelque menue monnaie. Il faut dire ici que, sur le passage de la foule, tous les musulmans retirent leurs babouches : celui qui garderait ses chaussures risquerait d’être plus ou moins maltraité par une foule fanatique.
La procession marche naturellement avec une grande lenteur : nous voici maintenant dans les petites rues du village arabe de Sîdî Boû Mdièn ; les terrasses, les crêtes des murs se garnissent de femmes et de petites filles qui poussent les cris d’acclamation (you, you) bien connus sous le nom de zghârît’, mais qui, dans la ville de Tlemcen, s’appellent exclusivement ouelouâl. On brûle de l’encens sur le passage de la procession. La musique devient plus bruyante et plus rapide. Le chameau pousse des cris assourdissants. De temps à autre, un des khouân se détache et pousse des cris d’animaux en se roulant par terre. L’excitation religieuse est à son comble : c’est un inoubliable spectacle.
Nous voici arrivés à une petite place : les khouân se rangent de chaque côté et deux d’entre eux se détachent [p. 9] des autres et se mettent à danser. Le chameau s’est échappé et, avisant une porte qui est fermée, il se précipite dessus tête baissée en donnant avec son crâne de formidables coups de bélier.
Chemin faisant, nous sommes rejoints par les deux processions des khouân de l’ordre des Qâdriyya et des T’ayyibiyya ; les khouân Aïssâoua s’écartent pour les laisser passer ; les moqaddem de chaque ordre s’embrassent. Est-ce une illusion ? il nous semble voir dans les yeux de quelques membres de ces deux autres confréries un regard quelque peu dédaigneux pour leurs confrères Aïssâoua ; sans doute il y a entre les ordres quelque rivalité ; sans doute aussi les Qâdriyya et les T’ayyibiyya, plus instruits généralement, méprisent quelque peu les Aïssâoua à cause des pratiques grossières et des jongleries de bateleurs auxquels ils s’adonnent.
La procession reprend sa marche. Quelques khouân sont au paroxysme de l’exaltatation et tombent par terre dans une sorte de catalepsie. On leur ouvre la bouche qui semble raidie, pour souffler dedans, et ils paraissent revenir à eux. Enfin nous arrivons à Sîdî Boû Mdièn. Les khouân entrent dans la cour qui précède le tombeau du marabout et s’arrêtent en face de la grande porte qui conduit à la mosquée. Une cinquantaine de fillettes parées des couleurs les plus brillantes garnissent le grand escalier et forment un tableau ravissant. Les musiciens s’accroupissent au pied de l’escalier, les khouân se rangent le long des murs et les iâ llâh, iâ llâh continuent de plus belle. Deux khouân s’avancent et se mettent à danser une danse très animée en se faisant vis-à-vis. Tantôt ils s’accroupissent et se relèvent d’un seul bond; tantôt ils font avec une grande rapidité des tours complets sur eux-mêmes, en relevant un peu avec leurs mains leur gandoura, de façon à la faire voltiger en tournoyant. La danse est souvent gracieuse, parfois avec une pointe de lasciveté. De temps à autre, un des khouan se [p. 10] détache et vient devant l’orchestre se livrer à la danse que nous décrivons plus loin.
Le retour s’effectue dans les mêmes conditions que l’aller : seulement le moqaddem et les porte-étendards ne chantent plus les mêmes formules. Nous entendons distinctement leurs paroles :
Iâ l-Meouçoûfou bi-l-kamâl, iâ l-‘azîz, iâ rebbî,
c’est-à-dire : « O toi que caractérise la perfection, ô Dieu cher, ô mon Seigneur !» Et la foule, à laquelle nous sommes mêlés, répond en choeur :
Iâ l- ‘azîz, iâ dzâ l-djelâl, iâ llâh, iâ llâh,
c’est-à-dire : « 0 Dieu cher, ô Tout-Puissant, ô Allah, ô Allah ! ».
A six heures du soir, il y a h’adhra, c’est-à-dire séance, dans la maison de la confrérie, à Tlemcen. Nous y assistons en compagnie de l’administrateur-adjoint détaché à la sous-préfecture pour le service des Affaires Indigènes (5). Les khouân se rangent le long du mur et les iâ llâh, iâ llâh recommencent. Un d’eux s’avance au milieu du cercle et l’on apporte une tige de fer pointue emmanchée dans un manche en bois court, gros et orné de cuivres ; la pointe n’est pas très acérée. Le frère, — c’est un vieux à barbe toute grise, — se déshabille. On passe plusieurs fois l’instrument au-dessus d’un réchaud où brûle de l’encens, et on le lui donne. Il se l’enfonce de plusieurs centimètres sous la peau du ventre, pendant qu’un autre frappe sur la tête de l’outil avec une petite massue de bois : mais on sent qu’il ne donne que des coups modérés. Lorsque le poignard est retiré on aperçoit une plaie, assez grande, mais qui ne saigne pas. — Un jeune homme maintenant s’avance au milieu du cercle et se déshabille : c’est un jeune et beau [p. 11] garçon bien bâti. On lui donne des coups de sabre sur les bras et sur le ventre, coups qui n’entament pas la chair, mais qui laissent, comme traces, de longues zébrures rouges. Notre jeune homme se couche, on lui place la lame de sabre sur le ventre et un des khouân monte dessus. Des cris d’acclamation sortent aussitôt des galeries supérieures et des terrasses voisines, d’où les femmes regardent les exercices des Aïssâoua. — Voici maintenant un autre Aïssâoui qui se présente : on allume des bottes d’alfa, il se les passe sous les bras et se les fait promener dans le dos. Tout cela sent un peu le charlatanisme.
Le jeune homme qui s’est fait donner d’inoffensifs coups de sabre revient et se place dans la musique qui redouble de vigueur : c’est un vacarme effroyable. Là, il commence à danser en rejetant violemment sa tête en arrière et en la ramenant brusquement vers la terre au-dessus d’un petit réchaud d’encens dont il aspire énergiquement le parfum. Ses mouvements deviennent de plus en plus saccadés, sa face se congestionne. On le saisit pour le soutenir par derrière les reins et alors, il redouble ses mouvements désordonnés ; chaque fois qu’il se relève, on dirait qu’il veut lancer sa tête dans les airs. Ce n’est plus seulement sa tête, c’est son corps tout entier qui s’agite désespérément, ses bras qui, à chaque saut, se dressent vers le ciel, sa longue chevelure déployée qui, lancée en avant, puis en arrière vient alternativement battre ses reins et ses genoux. Ses yeux semblent sortir de leurs orbites, il atteint le faîte de l’exaltation et tombe comme une masse, inanimé, les membres raidis. Pendant ce temps la danse du choeur s’est accélérée : les uns se roulent frénétiquement par terre ; d’autres tombent évanouis et on les emporte; c’est un spectacle démoniaque : il se peut qu’il y ait là-dedans de la simulation ; mais il y a aussi de la sincérité et il se produit certainement un grand nombre de phénomènes d’hypnose. D’ailleurs il est impossible de se secouer pendant dix [p. 12] minutes comme l’a fait ce jeune homme sans être anéanti. Si l’on tient compte que ces gens dansent depuis midi, tête nue, sous le soleil,sans avoir pris de repos, on ne s’étonnera pas qu’ils arrivent à se trouver dans des états tout à fait anormaux. Quant aux tours exécutés dans la première partie de la h’adhra, ils sentent un peu trop le bateleur. Somme toute la h’adhra est un spectacle beaucoup moins impressionnant que la procession.
Le troisième jour de la fête, les Aïssâoua, ainsi que les Qâdriyya et les T’ayyibiyya se rendent en pèlerinage à’Aïn cl-H’oût, à 6 kilomètres de Tlemcen. La procession des Aïssâoua se forme près de la source où nagent des poissons sacrés (1) et se poursuit comme celle de Sîdî Boû Mdièn.
Cependant les musulmans semblent être un peu moins tolérants : ils sont plus loin des villes et se sentent plus chez eux, malgré les deux gendarmes qui, pour la circonstance, représentent l’autorité à ‘Aïn el- H’oût. En outre il y a une partie des khouân d’aujourd’hui qui sont originaires du village et sans doute plus fanatiques que leurs confrères tlemcéniens.
Au milieu du chemin, un généreux dévot fait jeter devant les Aïssâoua un bouc égorgé, tel quel, sans être ouvert. Aussitôt quinze ou vingt khouan se jettent à quatre pattes, se précipitent sur le corps de l’animal, se poussant les uns les autres et, avec les ongles et les dents, l’ouvrent et s’arrachent les entrailles sanglantes qu’ils dévorent à belles dents. Les intestins se déchirent, les excréments se répandent sur les viscères, une odeur fade et nauséabonde se répand : rien n’arrête ces forcenés qui s’excitent mutuellement, la barbe sanglante, et déchiquètent à belles dents cette viande souillée par les excréments. Peau, foie, coeur, poumons, trachée, intestins, tout est dévoré en un clin d’oeil : c’est la plus horrible curée que l’on puisse rêver.
Après une visite au marabout de ‘Aïn el-H’oût, le retour s’effectue dans les mêmes conditions. On s’arrête devant la maison où demeurent les descendants du marabout ; les étendards s’inclinent en s’agitant à droite et à gauche en signe de respect. Une nouvelle victime va être offerte à la répugnante et sainte voracité des Aïssâoua ; mais, peu désireux d’assister une deuxième fois à ce dégoûtant spectacle, nous quittons les lieux auparavant, pour rentrer à Tlemcen ».
Les processions des Aïssâoua de Tlemcen ne sont cependant qu’un pâle reflet des cérémonies analogues qui ont lieu au Maroc. A Méquinez, par exemple, ville où est enterré le fondateur de l’ordre, Sîdî Mh’ammed ben ‘Aïssa. les Aïssâoua sont, dans ces circonstances, les maîtres absolus de la ville et leurs manifestations fanatiques constituent, [p. 14] paraît-il, le spectacle le plus diabolique qui se puisse imaginer. On s’en fera une idée par la description suivante, due à la plume habile d’un artiste observateur, d’une procession d’Aïssâoua à Tanger, où ces sectaires sont cependant beaucoup moins farouches que dans l’intérieur du pays :

« Il y avait deux files d’hommes, se faisant face les uns aux autres, vêtus de manteaux et de longues chemises blanches, se tenant par les mains, par les bras et par les épaules et sautant sur les pieds en cadence, se balançant, remuant la tète en avant, en arrière ; et il s’élevait de cette foule comme un murmure sourd et haletant et ininterrompu de gémissements, de râlements, de souffles et d’interjections d’épouvante et de rage. Seuls, les démoniaques de Rubens, les Morts ressuscités de Goya, et le Moribond galvanisé de Poë pourraient donner une idée de ces figures. Il y avait des faces livides et convulsives, avec les yeux hors des orbites et la bouche souillée d’écume ; des visages de fiévreux et d’épileptiques ; quelques-uns illuminés par un sourire indéfinissable, d’autres qui ne montraient que le blanc des yeux, d’autres contractés par un spasme atroce ou pâles et immobiles comme la figure d’un cadavre. De temps à autre, se faisant les uns aux autres un geste étrange avec les bras ballants, ils j’etaient tous ensemble un cri strident et douloureux, comme quelqu’un qui recevrait un coup mortel. Puis ils s’avançaient de quelques pas et recommençaient la danse, gémissant, soufflant avec colère, et alors on voyait une ondulation de capuchons, de grandes manches, de tresses, de « houppes, de chevelures désordonnées, séparées en longues mèches bouclées, qui semblaient des têtes coiffées de serpents. Quelques-uns, plus inspirés, allaient entre les deux files, titubant comme des ivrognes, battant les murs et les portes. D’autres, comme ravis en extase, marchaient droit, graves, le visage levé, les yeux à demi fermés, les bras abandonnés. Quelques-uns, harassés, qui ne pouvaient plus ni crier ni se diriger, étaient soutenus [p. 15] sous leurs bras par leurs compagnons, et ballottés comme des cadavres à travers la foule. La sarabande devenait de plus en plus désordonnée et les cris plus assourdissants C’étaient des balancements de tête à se luxer les vertèbres du cou et des râlements à se rompre la poitrine. De tous les corps, ruisselant de sueur, montaient des émanations nauséabondes, comme d’une ménagerie. Chaque fois qu’un de ces visages contorsionnés se levait vers notre terrasse et fixait ses yeux hagards sur les miens, je détournais la tête instinctivement. . . . . . . . . . . Et ils continuaient à passer, serrés, pâles, échevelés, prononçant d’une voix suppliante des mots entrecoupés, dans lesquels s’exhalait leur vie. Un vieillard chancelant, une image du roi Lear en démence, se détache de la file et se précipita, comme pour se briser le crâne contre la muraille ; ses compagnons le retinrent. Un jeune homme tomba raide, privé de ses sentiments. Un autre, avec ses cheveux pendant sur les épaules, la figure cachée dans ses mains, marchait à grands pas, courbé jusqu’à terre, comme un maudit de Dieu. Il passa des bédouins, des maures, des berbères, des nègres, des géants, des momies, des satyres, des faces de cannibales, de saints, d’oiseaux de proie, de sphinx, d’idoles hindoues, de furies, de faunes, de diables. Ils pouvaient être trois ou quatre cents. En moins d’une heure ils défilèrent tous ; les dernières étaient deux femmes (car les femmes aussi peuvent faire partie de l’ordre), deux figures d’enterrées vives qui ont soulevé la pierre de leur tombe, des squelettes animés, vêtus de blancs, avec les cheveux retombant sur le visage, les yeux grands ouverts, la bouche blanche d’écume, à bout de forces, mais encore animées d’un mouvement inconscient , et qui se contortionnaient, hurlaient et retombaient épuisées ; et, avec elles, un vieillard gigantesque, une figure de nécromancien, centenaire, vêtu d’une longue chemise et qui, allongeant deux longs bras cadavériques, posait la main sur la tête, tantôt de l’une, tantôt de [p. 16] l’autre, en signe de protection, et les aidait à se relever. Derrière ces trois spectres se précipitait une foule d’Arabes armés, de femmes, de mendiants, d’enfants ; et toute cette barbarie, cette fureur, cet horrible mélange de misère humaine, arriva sur la place puis disparut (7) ».
On comprend en lisant la description de semblables scènes qu’un grave ecclésiastique comme l’abbé Godard, à qui l’on doit d’estimables travaux sur le Maroc, ait été jusqu’à écrire les mots suivants : « Il est possible, du reste, que les démons se mêlent quelquefois et dans une mesure que déterminent les théologiens, à ces fêtes d’Aïssâoua, d’un aspect vraiment diabolique (8) ». La description suivante, oeuvre d’un distingué fonctionnaire des Affaires indigènes (9) qui a bien voulu la rédiger à notre intention, eût sans doute été de nature à confirmer l’abbé Godard dans ses soupçons. Il s’agit des danses auxquelles se livrent les khouâtât (10) de Sidi Mh’ammed ben ‘Aïssa, c’est-à-dire les femmes affiliées à l’ordre, à l’occasion de la oua’da (11) de Si Moh’ammed ben Belqâcem, dans la commune mixte de Boghari (sud du département d’Alger).
« Sur un petit mamelon roux resplendit, dans sa blancheur de lait de chaux, laqoubba (12) dédiée au vénéré marabout [p. 17] d’El H’amel (13), le cheikh Si Moh’ammed ben Belqâcem La fête bat son plein. Dans ce coin, hier désert, s’agitent, s’entre-croisent, s’interpellent des milliers d’hommes et de femmes ; fourmilière joyeuse, bruyante et affairée. Devant, l’immensité flamboyante de la plaine aride ; l’atmosphère lumineuse vacille vers l’horizon et,çà et là, dans le lointain, çjsst des lacs imaginaires, des arbres fantômes s’agrandissent, se transforment, disparaissent pour frapper de nouveau, sur un autre point, les yeux clignotants, étonnés.
Les cavaliers s’enivrent de galops furieux, et de coups de fusil. Le t’a’âm (couscous) se prépare, qu’on servira dans d’immenses plats en bois autour desquels tous les malheureux accourus en grand nombre seront invités à s’asseoir Au milieu d’un groupe, des fillettes, un grand voile sur la tète, dansent discrètement, mettant infiniment de grâce dans les mouvements ondulés des bras en croix à l’extrémité desquels se balancent, avec des frémissements d’ailes, les mains rougies de henné (14).
Mais derrière la qoubba, c’est un bruit assourdissant de bendaïr et de derboûka (15) ; la foule est si compacte qu’il nous faut grimper sur un petit mur pour satisfaire notre curiosité. Le spectacle est poignant.
Une, puis deux, puis trois vieilles femmes de la confrérie des Aïssâoua, à face parcheminée, les vêtements ouverts, [p. 18] livrant aux regards des seins flétris, secoués sur le torse amaigri, dansent. . . non, s’agitent, s’élèvent en cadence sur la pointe des pieds et retombent lourdement sur les talons, imprimant au corps, de bas en haut, une secousse qui fait ballotter toutes les chairs jusqu’à la tête lourde, abandonnée, roulant sur les épaules comme celle d’un cadavre. Les musiciens précipitent leurs battements sourds, excitant les vieilles. Elles, suivent le mouvement devenu désordonné. L’une perd sa coiffure et, brusquement, des cheveux gris, collés en mèches huileuses, balayent un visage horriblement figé dans une expression terrible. Oh ! les yeux de cette vieille, yeux de folle, démesurément ouverts, qu’on aperçoit par instants sous la chevelure balancée !…
Et toujours, un grand frisson qui la fait vibrer. Ses vêtements glissent, son torse hideux, bronzé, zébré de cicatrices plus pâles, ruisselant de sueur et subitement nu. Une femme se détachant du cercle formé par les spectateurs lie solidement les hardes dégrafées autour des reins de la vieille qui, toujours secouée des pieds à la tête, n’a pas un mouvement de pudeur pour retenir ses vêtements sur le point de glisser à terre.
Un lambeau d’étoffe est jeté sur ses épaules, elle écume, ses jambes vacillantes cèdent sous le poids du corps, c’est fini. A bout de forces, elle tombe comme une masse, les traits crispés, continuant à agiter ses membres dans un tremblement convulsif, loque informe qu’un indigène tire par les pieds en dehors du groupe, et là, lui jette dans la bouche une pincée de poudre de chasse qu’elle semble mâcher avec délices, lui chuchote à l’oreille des paroles dont l’effet est magique, car le tremblement du corps diminue, les traits se détirent, le regard devient extatique, et la vieille enfin repose.
Une autre a pris sa place devant les musiciens, plus âgée encore ; ses sourcils blancs mal dissimulés sous le kh’ol, sa bouche sans dents dont les coins sont abaissés lui donnent [p. 19] une expression sinistre. Aux tresses de laine brune qui simulent des cheveux au-dessus de ses oreilles, sont fixés deux énormes anneaux d’argent qui frappent ses joues chaque fois que, dans les mouvements rythmiques, ses talons heurtent le sol ; et la tête, comme trop pesante, roule perpétuellement, le menton frappant la poitrine. Tout à coup, elle sort de son sein une couleuvre fraîchement tuée, elle la brandit au-dessus de sa tête, au bout d’un bras décharné, bientôt rougi du sang du reptile et elle frotte cet animal repoussant sur son visage, que le sang colore aussi. Elle s’anime, pousse des cris inarticulés, des rugissements de bête et roule à terre frémissante, imprimant au serpent le tremblement qui l’agite. . . »
Le fondateur des Aïssâoua habitait, nous l’avons dit, Méquinez (en arabe Miknâsat ez-zîtoûn) ; il s’appelait Aboû ‘Abdallah Mh’ammed (16) ben Aïssa el-Fahdî es-Sofiânî el Mokhtârî. Sa filiation était, d’après le Salouat el-Anfâs (17) : Mh’ammed ben ‘Aïssâ ben ‘Amir ben ‘Omar ben ‘Amr ben H’arîz ben Mah’roûz ben ‘Abd el-Moûmin ben ‘Aïssa Abou s-Sebâ’, le chérif qui descendait lui-môme par Idrîs,de H’asan es-Sibt’ le petit-fils du Prophète. « Il y a , disait-on, trois cheikhs sans rivaux dans le Maghrib, Mh’ammed ben Aïssa, Aboû Moh’ammed ‘Abdallah el Ghezouânî (18) et Aboû Moh’ammed Abdallah el Hebt’î (19) ». La confrérie qu’il [p. 20] fonda dérive de celle des Djazouliyya et des Châdzilyya (20). Il eut pour maîtres, d’après l’auteur du Salouat el-Anfâs, le cheikh Aboû l-‘Abbas Ah’med ben’Omar el H’âritsî esSofiânî le cheikh Aboû Moh’ammed ‘Abdel’azîz etTebbâ’ (21), et aussi Eç-Ceghîr es-Sahli et surtout El Djazoûlî (22). 11 mourut en l’an 914 de l’Hégire (1508-1509 de J.-C.) d’après les uns (23), vers 940 (1533-1534 de J.-C, d’après les autres (24). Il est enterré en dehors et à l’ouest de Méquinez : son tombeau est extrêmement fréquenté et attire chaque année, à l’occasion de la fête de la Nativité du Prophète un immense concours de pèlerins (25).
La légende a naturellement orné la biographie de Sidî Mh’ammed ben ‘Aïssa des détails les plus merveilleux. Il était si pauvre qu’il n’avait même pas de pain à donner à sa famille. Sa piété y pourvut : suivant la remarque spirituelle de Von Maltzan, les saints musulmans aiment mieux louer Dieu que de travailler (26). Tous les jours pendant . qu’il priait à la mosquée, un inconnu portait à manger à sa famille ; plus tard sa femme, tirant de l’eau, retirait du puits des pièces d’or. Il avait rapidement formé dans Méquinez cent disciples : voulant les éprouver, il les convoque le jour de la fête de ‘Aïd-el-Kebir (27), époque à laquelle il est d’usage, dans chaque famille arabe, de sacrifier un mouton. Il leur annonce qu’il va les égorger cette fois euxmêmes en sacrifice : l’un d’eux s’offre, Sîdî Mh’ammed ben ‘Aïssa l’entraîne dans sa maison et égorge un mouton ; les autres qui voient le sang ruisseler au dehors croient que leur frère a été égorgé. Trente-huit autres disciples, plus un juif qui se convertit à cette occasion, s’offrent à leur tour en holocauste, et pour chacun d’eux Sîdî Mh’ammed use du même statagème. C’est ainsi que le cheikh reste avec quarante disciples éprouvés. Cependant il portait ombrage au sultan qui se nommait alors, dit-on, Moûlay Ismâ’il (28) et qui l’exila de la ville. Alors le saint propose au sultan de lui acheter un royaume ; celui-ci croyant la chose impossible accepte en fixant comme prix une somme énorme qu’il croit Ben ‘Aïssa incapable de payer. Mais, ô prodige, celui-ci fait tomber des branches d’un arbre une pluie de pièces d’or qui représentent le triple du prix convenu. Cependant [p. 22] le saint rend au sultan son royaume en stipulant seulement que tous les ans, à l’occasion de la fête d’El Moûloûd (29) les seuls ‘Aïssâoua auront le droit de circuler dans les rues de Méquinez pendant plusieurs jours. Cette convention n’a cessé, dit-on, d’être observée et tous les habitants de la ville se seraient faits ‘Aïssâoua pour se soustraire à la défense qui leur était faite : il est certain qu’encore aujourd’hui lors de leurs grandes processions, les ‘Aïssâoua sont, pendant plusieurs jours, les maîtres de Méquinez (30). Naturellement Sîdî Mh’ammed ben ‘Aïssa s’adonna pendant toute sa vie aux pratiques les plus ascétiques : on dit que son seul luxe était de coucher sur une peau de panthère. Cette précieuse dépouille existerait encore : la zâouia (couvent des ‘Aïssâoua du douar-commune Ouzâra (commune mixte de Berrouâguia), au sud d’Alger, serait actuellement en possession de cette relique (31).

Après Sîdî Mh’ammed ben ‘Aïssa, la confrérie eut pour grand maître le célèbre Aboû r-Rouaïn el Mah’djoûb, cet extraordinaire illuminé qui morigénait les sultans eux-mêmes et que ceux-ci ménageaient obligés qu’ils étaient de tenir compte de la vénération en laquelle le peuple le tenait. Actuellement le chef de la confrérie se nomme El H’âdj Abdelkheir : il réside naturellement à Méquinez (32). En Algérie la confrérie compte, d’après Depont et Coppolani, 3,600 affiliés. Les ‘Aïssâoua sont également nombreux en Tunisie : ils ne sont presque pas répandus en Orient. [p. 23]
Leurs adhérents se recrutent surtout parmi les classes inférieures de la population : à Tlemcen, nous connaissions de vue la plupart des individus qui figuraient dans les cérémonies des ‘Aïssâoua. Ce n’étaient point des vagabonds ou des gens sans moyens d’existence : tous étaient pourvus d’un métier qu’ils exerçaient journellement (33). Il y avait parmi eux des cafetiers, des garçons bouchers, des cordonniers Ces natures simples finissent par se complaire dans les extases où les amènent inévitablement les exercices de danse et de chants auxquels ils se livrent et qui sont du reste merveilleusement combinés pour amener ceux qui s’y appliquent dans des états plus ou moins voisins du sommeil hypnotique : aussi appelle-t-on ces pratiques en arabe idjdzâb, c’est-à-dire « entraînement à l’extase » (34). Non seulement les femmes, mais des enfants peuvent faire partie de la confrérie. Pendant la h’adhra que nous avons décrite plus haut, nous avons pu voir des enfants de cinq à six ans qui prenaient part à l’idjdzâb, et c’était pitié de voir ces jeunes corps se trémousser, ces figures d’enfant se contracter à côté des vieux ‘Aïssâoua d’aspect vraiment satanique.
Ce n’est pas ici le lieu de décrire l’organisation de la confrérie, ses doctrines mystiques, le dzikr (oraisons surérogatoires) que doivent chaque jour réciter les affiliés (35). Nous n’osons dire que tous Ies khouân récitent exactement toutes ces prières qui comprennent pour chaque jour plus de 4,000 bismillah (36), 3,000 çalât ala n-nabî (37), 2,500 taouh’id (38), [p. 24] 2,000 h’aouqala (39), 3 à 4,000 autres formules analogues, 2,000 récitations de la fâtih’a (40), 2,000 récitations de la sourate qui commence par : « Dis: il est le Dieu unique » (41) et 5 longues prières spéciales ! En cela, du reste, les ‘Aïssâoua offrent les plus grandes analogies avec les autres confréries mystiques de l’Afrique du Nord.
Les ‘Aïssâoua sont surtout connus par leurs jongleries ; celles que nous avons décrites plus haut ne sont pas les seules auxquelles ils se livrent et ils font souvent plus fort que cela. Leurs exercices les plus habituels consistent : à manier impunément, à manger du verre pilé, des tessons de bouteilles, des clous, des feuilles de figuier de Barbarie avec leurs épines; à s’enfoncer un poignard dans la peau du ventre ou des joues ; à mettre un fer rouge sur leur langue ou sur leurs pieds. Ils se vantent aussi de manger sans danger tous les poisons et s’attribuent la puissance de guérir les personnes empoisonnées ou mordues par des animaux venimeux et, en général, tous les malades. Ils racontent à cette occasion, qu’un jour Sîdî ‘Aïssa était en course avec ses disciples : comme ils n’avaient rien à manger et qu’ils se plaignaient de la faim, le saint leur dit : « Mangez du poison ». Aussitôt ils se mirent à chercher des vipères et des scorpions et avec eux ils apaisèrent impunément leur faim. Depuis cette époque les ‘Aïssâoua ont gardé le privilège d’être insensibles à tous les venins et à tous les poisons.
Les ‘Aïssâoua ne sont pas la seule confrérie religieuse qui attire par des jongleries la curiosité des foules ; il faut encore citer à côté d’eux, dans l’Afrique du Nord :
En Tunisie, les ‘Aroûsyya, confrérie qui date d’un siècle à peine et qui a aussi quelques représentants dans l’Est de [p. 25] l’Algérie (42) ; dans le département de Constantine, les Boû Allyya, relativement peu importants (43).
En Algérie, les ‘Ammâryyîn ont été connus de tout temps pour les émules des ‘Aïssâoua (44).
Au Maroc enfin, à côté des ‘Aïssâoua, pullulent des confréries qui se livrent à des pratiques analogues : les H’amadcha (45), qui se frappent la tête avec des hallebardes et des haches de diverses formes ; les Deghoûghiyyîn, descendus d’un marabout apparenté aux H’anadcha reçoivent des boulets de canon sur la tête ; les Djennâoua, confrérie de nègres fondée par un certain Sîdî Mîmoûn (sans doute de Djenné), se livrent aux danses échevelés familières à leurs compatriotes ; les Ghâziyyîn, du Tafilelt, qui sont assez nombreux à Rabat, avalent des charbons ardents ; les Meliâiyyîn, de Méquinez, se livrent aux mêmes exercices ; les Çâdiqiyyîn, des oasis du Drâ, se frappent violemment la tête les uns contre les autres ; les Riâh’in s’enfoncent dans le ventre des couteaux sans que le sang coule (46)
. . . . . . . . . . Enfin, il faut mentionner surtout les célèbreseacrobates connus sous le nom d’Oulâd Sîdî H’ammed Ou Mousâ, dont les troupes parcourent non seulement l’Afrique du Nord, mais encore les capitales européennes. Répandus dans le Soûs marocain et surtout dans le Tazeroualt, ils forment une sorte de confrérie placée sous le patronage de Sîdî H’ammed Ou Mousâ, l’ancêtre des souverains [p. 26] du royaume de Sîdî Hichâm (47). Ce s’ont des artistes ambulants qui ont fourni en Allemagne à M. Stumme les éléments de ses remarquables travaux sur le dialecte chelh’a du Tazeroualt.
On tombe généralement d’accord que les explications des tours des Aïssâoua relèvent le plus souvent du prestidigitateur et parfois du pathologiste. Il n’est pas douteux en effet qu’il n’y ait là des faits d’insensibilité que l’hypnotisme seul peut expliquer. Telle est en particulier la conclusion d’un récent article du Dr Lemanski, pour ne citer que le plus récent, qui conclut « qu’il y a jongleries très souvent et que, le reste du temps, c’est de l’anesthésie hystérique». Il explique en particulier l’absorption de clous, de verre pilé, tessons de bouteilles et autres objets dangereux pour le tube digestif, par le mêrycisme ou faculté bien connue qu’ont certains individus de se faire vomir à volonté. Les ‘Aïssâoua qui se livrent à cet exercice se débarrasseraient ainsi, après la séance, de ces aliments indigestes (48). [p. 27]
Les tours des Aïssâoua ont été spécialement étudiés par le célèbre Robert-Houdin qui a donné de chacun d’eux les explications les plus plausibles et les plus autorisées puisqu’il était lui-même un mail re en la matière (49). Il est bien certain que les Aïssâoua ne manient les serpents et les scorpions qu’après les avoir privés de leur dard ou de leurs dents venimeuses : tout au moins épuisent-ils leur venin en les faisant mordre à plusieurs reprises dans une étoffe.
A propos de Robert-Houdin, c’est un fait peu connu qu’il reçut du Gouvernement général de l’Algérie une sorte de mission à l’effet de convaincre les indigènes que les miracles opérés parleurs marabouts n’étaient que des impostures et des tours puérils auprès de ceux qu’il accomplissait en se jouant. « On espérait, dit-il dans ses mémoires, faire comprendre aux Arabes, à l’aide de mes séances, que les tours de leurs marabouts ne sont que des enfantillages et ne peuvent plus, en raison de leur naïveté, représenter les miracles d’un envoyé du Très-Haut ; ce qui nous conduirait aussi tout naturellement à leur montrer que nous leur sommes supérieurs en toutes choses et que, en fait de sorciers, il n’y a rien de tel que les Français » (50). Le 28 octobre 1856, Robert-Houdin donna, au théâtre d’Alger, sa première représentation officielle : la salle entière était remplie d’Arabes de tous les points de l’Algérie, convoqués spécialement, avec leurs caïds, aghas et bach-aghas. Jamais prestidigitateur n’opéra devant une salle semblable.
Il faut lire dans le livre que nous avons cité le récit de [p. 28] cette séance pour se rendre compte de l’impression diabolique que produisit Robert-Houdin devant ces mulsulmans [sic]. Nous ne pouvons résister au plaisir de citer la fin :
« A la sollicitation de quelques interprètes, un jeune Maure d’une vingtaine d’années, grand, bien fait et revêtu d’un riche costume, consentit à monter sur le théâtre. Plus hardi ou plus civilisé sans doute que ses camarades de la plaine, il s’avança résolument près de moi.
Je le fis approcher de la table qui était au milieu de la scène, et lui montrai ainsi qu’aux autres spectateurs qu’elle était mince et parfaitement isolée. Après quoi, et sans préambule, je lui dis de monter dessus, et je le couvris d’un énorme gobelet d’étoffe ouvert par le haut.
Attirant alors ce gobelet et son contenu sur une planche, dont mon domestique et moi nous tenions les deux extrémités, nous nous avançons jusqu’à la rampe avec notre
lourd fardeau et nous renversons le tout L’Arabe
avait disparu ; le gobelet était entièrement vide (51) !
Alors commença un spectacle que je n’oublierai jamais.
Les Arabes avaient été tellement impressionnés par ce dernier tour, que, poussés par une terreur indicible, ils se lèvent dans toutes les parties de la salle et se livrent instantanément aux évolutions d’un sauve-qui-peut général, La foule était surtout compacte et animée aux portes du balcon et l’on peut juger à la vivacité des mouvements et au trouble des grands dignitaires qu’ils sont les premiers à vouloir quitter la salle.
Vainement l’un d’eux, le caïd des Béni Çâlah’, plus courageux que ses collègues, cherche à les retenir par ces paroles :
« Arrêtez! Arrêtez ! nous ne pouvons laisser perdre ainsi l’un de nos coreligionnaires ; il faut absolument savoir [p. 29] ce qu’il est devenu et ce qu’on en a fait ; arrêtez ! arrêtez ! »
Bast ! les coreligionnaires n’en fuient que de plus belle, et bientôt le courageux caïd, entraîné lui-même par l’exemple suit le torrent des fuyards.
Ils ignoraient ce qui les attendait à la porte du théâtre. A peine avaient-ils descendu les degrés du péristyle qu’ils se trouvèrent face à face avec le Maure ressuscité.
Le premier mouvement d’effroi passé, on entoure notre homme, on le tâte, on l’interroge ; mais, ennuyé de ces questions multipliées, il ne trouve rien de mieux à faire que de se sauver à toutes jambes.
Le coup était porté ; dès lors les interprètes et
tous ceux qui approchèrent les Arabes reçurent l’ordre de travailler à leur faire comprendre que mes prétendus miracles n’étaient que le résultat d’une adresse, inspirée et guidée par un art qu’on nomme prestidigitation, et auquel la sorcellerie est tout à fait étrangère » (52).
Ceux qui entreprirent cette tâche réussirent-ils ? Nous nous permettrons d’en douter. Robert-Houdin passa tout simplement pour un sorcier extraordinaire et nous ne croyons pas que ses séances eurent un autre résultat. Ceux qui avaient organisé cette mission n’avaient évidemment pas suffisamment réfléchi que les peuples enfants, comme le sont les indigènes algériens, sont beaucoup moins choqués que nous par les choses surnaturelles. Ou pour mieux dire ils ne font pas la distinction que nous faisons entre le naturel et le surnaturel : la notion de l’immutabilité des lois de la nature ne leur est pas familière. La sorcellerie est pour eux une chose admise, et dès lors il devient bien plus simple pour eux d’attribuer un phénomène qui les étonne à quelque puissance occulte que d’en donner une explication scientifique : il faut dire aussi que dans beaucoup de cas [p. 30] ils seraient impuissants à comprendre cette dernière. D’autre part les croyances populaires, chez les musulmans de l’Afrique du Nord, nous représentent comme des magiciens, ou même des sortes de génies. Ajoutons enfin que les indigènes algériens ont aussi leurs prestidigitateurs : mais ils passent ici pour des sorciers de bon aloi ; c’est surtout au Maroc que cette prétendue science qui consiste à opérer des métamorphoses et des escamotages est répandue. On l’y appelle, comme en Algérie du reste, la khanqat’îra (53). Le Maroc pour les Algériens a toujours été la terre des sorciers, comme la Thessalie pour les Grecs. Souvenons-nous de ce qu’était à cet égard notre Moyen-Age, et nous serons indulgents pour les Africains d’aujourd’hui.
Oran, 20 mai 1900.
EDMOND DOUTTÉ.
Châlons, imp. Martin frères.

ADDITION ET CORRECTIONS.
L’inexpérience des typographes châlonnais est cause que quelques confusions se sont introduites dans la transcription des mots arabes; ‘les orientalistes les corrigeront d’eux-mêmes sans difficulté, et voudront bien nous excuser. D’antre part, cette imperfection ne sera point sensible aux personnes non arabisantes.
Page 14, I, 13, au lieu de : « dans », lisez « devant ».
Page 14, I, 5, Au cours d’un récent voyage au Maroc, les Aïssâoua nous ont paru être moins dangereux qu’il n’est coutume de le dire.
Page 17, I, 7, au lieu de : « c’est », lisez « vers ».
Page 20, I, 2, au lieu de : « ‘Allyya », lisez « Alyya ».
Ibidem I, 6, au lieu de : « H’amadeha», lisez « H’anadcha ». D’ailleurs l’orthographe de Quedenfeld signalée dans la note est la véritable.
Ibidem n°5, I, 2, lisez « Deghoûghiyyia ».

NOTES
(1) Il faudrait, pour être correct, écrire « ‘Isaoua »; mais nous respectons l’usage.
(2) Cat, L’Islamisme et les Confréries religieuses au Maroc, in Rev. des D.-M., LXVIIIe ann.. 4e pér. t. CXLIX, 2e livr., 15 sept. 1898, p. 400, donne sur les Aïssâoua quelques bonnes indications bibliographiques, auquelles nous renvoyons pour ne pas les répéter ici. Les descriptions d’Aîssâoua sont innombrables. La plus brillante est celle qu’a donnée Masqueray dans ses Souvenirs et visions d’Afrique, 1 vol. in-18 jés., Paris, 1894,p. 123-151 et 153-167, où il raconte avec ses rares qualités d’imagination, comment il faillit se faire Aïssaouî. Les touristes pourront consulter la description donnée par Desprez, L’Hiver à Alger, 4e édit., 1 vol. in-18 jés., Alger, s. d., p. 193-208 et celle, plus scientifique, de Delphin, Les Aissdoua, in Oran et l’Algérie en 1887, notices historiques, scientifiques et économiques (A. F. A. S.), 2 vol., Oran, 1888, t. I, p. 329-339. Mais le travail qui a servi de point de départ a tous les autres est celui du capitaine de Neveu, dans son volume remarquable intitulé Les Khouan, ordres religieux chez les musulmans de l’Algérie, Paris, 1866, p. 67-110. Pour l’organisation do la confrérie, on consultera Rinn, Marabouts et Khouan, 1 vol. Alger, 1884, p. 303-334 et Depont et Coppolani, Les Confréries religieuses musulmanes, 1 vol., Alger, 1867, 349-354. Pour les Aïssâoua du Maroc, l’intéressant chapitre XXI du t. iv do Von Maltzan, Drei Jahre im Nordwesten con Afrika, p. 264-280, et a lire ainsi que Quedenfeldt, Abergl. u. relig. Brudersch. b.d. Marokk., in Z. f. Etbno t. XVIII, 1886, p. 687.
(3) Guellâl : cylindre en terre à l’extrémité duquel est tendue une peau de chèvre munie d’une double chanterelle et sur laquelle on frappe. Ghâït’a : sorte de musette à anche. Cf. Delphin et Guin, Notes sur la poésie et la musique arabes dans le Maghreb algérien, 1 vol. in-16, Paris, 1886, p. 39 et 47.
(4) Il ne nous semble pas, jusqu’à plus ample informé, qu’il y ait lieu de soupçonner là quoi que ce soit se rapportant au totémisme.
(5) M. Venisse, à qui nous sommes redevable d’intéressantes communications.
(6) Voici la naïve légende de ces poissons telle que la rapporte
l’abbé Barges, Tlemcen, 1 vol., Paris, 1859 : « Djafar, fils d’un roi de Tlemcen, courant un jour une gazelle, parvint jusqu’à la délicieuse oasis d’Aïn-el-Hout. La fille du seigneur de l’endroit se baignait en ce moment sur le bord de l’Etang. Surprise et poursuivie par Djafar, c’est en vain qu’elle lui demandait grâce, Djafar ne voulait écouter que la passion qui le transportait. Aïcha, c’est le nom de la jeune fille, se voyant sur le point d’être saisie, plongea sans hésiter dans les profondeurs de l’onde où elle resta métamorphosée en poisson aux couleurs mélangées d’or, de nacre et d’argent. Telle est l’origine du nom que porte la localité (et qui signifie fontaine des poissons) ». On trouvera d’autres exemples de sources contenant des poissons sacrés dans Mouliéras, Maroc Inconnu, II, p. 187, p. 403. — Sur les marabouts de ‘Aïn el-H’oût, cf. Brosselard, Les inscriptions arabes de Tlemcen, in Rev. Afr., VIe ann., n° 31, janv. 1862, p. 11 seq.
C’est ici le lieu de rappeler les fameux poissons sacrés qui vivent dans la piscine de la mosquée d’Edesse, transformée en église. On sait aussi le rôle considérable que le poisson a joué .comme symbole du christianisme et l’espèce de vertu cabalistique attribuée si souvent au mot ίϰθύς dont chaque lettre est la première d’un des mots de l’expression : ἰησονς Χριστδς Οεού υίός Σωτηρ Cf. la mention du poisson fourni par Nestis à Aberkios dans l’inscription de ce nom où l’on hésite encore à voir un monument chrétien on gnostique (Dieterich, Die Grabschrift des Aberkios, Leipzig, 1895, in-12.
(7) De Amicis, Le Maroc, 1 vol., Paris, 1882, p. 56 seq.
(8) Godard, Description et histoire du Maroc, 2 vol. in-8, Paris, 1860; t. i, p. 102 et ap. Delphin, loc.cit., p. 330.
(9) M. Chambige, administrateur de commune mixte, chargé des Affaires Indigènes à la Préfecture d’Oran, que nous aimons à remercier ici de sa gracieuse communication.
(10) Depont et Coppolani, Les Confréries religieuses musulmanes, 1 vol. Alger, 1897, p. 353, recensent seulement 33 femmes affiliées aux ‘Aïssâoua en Algérie. Mais il est évident que le nombre doit en être plus élevé.
(11) Repas en l’honneur d’un marabout.
(12) Qoubba, coupole blanche qui surmonte les sanctuaires des marabouts. Prenant la partie pour le tout, on emploie le mot qoubba lui-même pour désigner le sanctuaire.
(13) Sur ce célèbre marabout, chef actuel d’une zâouia très influente de l’ordre des Rah’mâniyya, voy. Depont et Coppolani, op. laud., p. 406, et A. Robert, L’Arabe tel qu’il est, 1 vol. Alger, 1900, p. 65. Le catalogue des manuscrits de la zâouia a été donné par R. Basset, in Giorn. d. Soc. asiat. ital., dec. 1897, p. 43-97.
(14) Il faut, qu’on sache bien qu’en dépit des exhibitions tapageuses qui se font dans les capitales d’Europe, « la danse du ventre » reste pour l’immense majorité des algériens une danse de mauvais lieu. Elle est l’apanage d’une minorité de citadins.
(15) Bendaïr, tambour de basque sur lequel est tendue une chanterelle ; derboûka, cylindre en terre ronflé, tendu d’une peau de chèvre. Cf Delphin et Ginn, opt. laud., p. 37 et 43.
(16) Les lettrés musulmans et l’administration algérienne écrivent Mah’ammed (Cf ma note in Rev. Hist. Roi., XXIe ann., t. XLL, n° 1 Janv.-Févr. 1900, p. 42, n. (1).
(17) Moh’ammed ben Dja’far ben Idrîs el Kettânï, Kitàb Salouat el-Anfâs oua mah’ddits el-akyâs biman ouqbirafî l-‘oulamâi oua ç-coulah’àï bi-Fâs, 3 vol. in-4°, Fez, 1316 H. ; t. i, p. 186.
(18) Cf sur ce personnage, mort en 935 H (1528-1529 de J. C.) et enterré à Maroc, Ah’med ben Khâlid en-Nâcirî ‘s-Slâouî, Kitàbel-istiqçâ li-akhbâr douwal elmahrib el-aqçâ, 4 vol., Caire, 1304, t. n, p. 172 et 182.
(19) Cf sur ce cheikh, mort en 963 H (1555-1556 de J. C.) et enterré aux environs d’Ech-Chaoun (Chefchaouen des auteurs arabe, Che chaouen des Européens) et sur son fils Aboû ‘Abdallah Moh’ammed el Hebt’î, Moh’ammed ben et-Tayyib et Qâdirî, Nachr el Matsanî, 2 vol. Fez, 1310 ; t. i, p. 18 et le Salouat el-anfâs, t. i, p. 268, ainsi que le Kitbâ el-Isiqçâ, t. 3 p. 41.
(20) Cf sur ces confréries Depont et Coppolani, Confr. rel. mus., p. 443 et 455.
(21) Probablement le même qui est appelé Aboû Fâres dans le Kitâb el Istiqçâ, t. n, p. 172 et qui est donné comme disciple d’El Djazoûli et enterré à Maroc. Il mourut en 912 H (1506-1507 de J. C).
(22) Aboû ‘Abdallah Moh’ammed ben Soleïmân ben Aboû Bekr et Djazoûli, mort d’après le Kitâb el-Istiqçâ, t. n, p. 161, en 870 H (1465-1466 de J. C), auteur du célèbre recueil de prières intitulé : Dalâîlet Kheirât. Sur ce personnage et son œuvre, voy. R. Basset. Notice sommaire des manuscrits orientaux des deuse bibliothèques de Lisbonne, Lisbonne, 1894, in-8°, p. 8, où l’on trouvera des références.
(23) Salouat el-anfâs, loc. cit.
(24) Kitâb el Istiqçâ, n, p. 172, in fine.
(25) Une biographie assez étendue de Sîdî Mhmmmed ben ‘Aïssa se trouve dans le Douh’at cn-nâchir li-mah asin man kâna bi-lmaghrib min machâikh el-qam el.’âchir, F’ez, 1309, in-8° par Aboû Abdallah Moh’ammed ben Mesbâh’, surnommé Ibn ‘Asker.
(26) Von Maltzan, Drei Jahre im Norclwesten von Afrika, iv, p. 265.
(27) C’est la fête qui s’appelle en Orient Beïràm. On l’appelle encore ‘Aid el- Adhh’a, ‘Aïd el-Qorbân, c’est-à-dire la fête du sacrifice, parce que ce jour-là, qui est le 10 du mois de Dzoû 1H’iddja, les pèlerins de la Mecque sacrifient une victime à Mina. On fait de même ce jour-là dans tout l’Isla’m.
(28) Il ne peut s’agir ici du chérit généralement connu sous ce nom et qui régnait à la fin du XVII siècle. Rinn, Marabouts el Khouan, p. 305, dit qu’il s’agit d’un souverain mérinide, mais nous n’en connaissons pas de ce nom.
(29) Régulièrement « Maoulid en-nabî », la nativité du Prophète qui tombe le 12 du mois de Rabî’ el-awwal, que les Africains appellent mois d’El Moûloûd.
(30) La légende de Sîdî Ben ‘Aïssa est rapportée en détail dans l’ouvrage du capitaine de Neveu, Les Khouan, p. 67-85, que tous les auteurs postérieurs ont mis à contribution. Malheureusement il ne cite pas la source de ses informations.
(31) Depont et Coppolani, Confréries religieuses, p. 351-352.
(32) Voy. sa biographie dans le Douhât en-nâchir, p. 60 seq.
(33) Contra : Depont et Coppolani, Confréries religieuses, p. 352.
(34) Von Maltzan, Drei Jahre, IV, p. 276.
(35) On trouvera sur tout cela de longs détails dans Rinn, Marabouts et Khoaan, chap. XXI.
(36) Formule : « Au nom du Dieu clément et miséricordieux ».
(37) Formule : « Que Dieu bénisse et sauve notre Seigneur Moh’ammed ».
(38) Formule : « Il n’y a de divinité que Dieu, et Moh’ammed et son prophète ».
(39) Formule : « Il n’y a de force et de puissance qu’en Dieu ».
(40) Première sourate du Coran.
(41) CXII* sourate du Coran.
(42) Depont et Coppolani, op. laud., p. 339 seq.
(43) Id., id. op., p. 354.
(44) Coppolani, Confrérie religieuse de Sidi ‘Ammâr ben Senna, 1 vol. Alger; Depont et Copp., op. laud., p. 356 seq.
(45) Telle est l’orthographe donné par Mouliéras, Maroc inconnu, il, 128; Quedenfeldt, loc. cit., dit H’amadcha (sing. H’amdoûchi) et leur donne pour patron Sidî ‘Ali bel H’amdouch, du Djebel Zerhoûn.
(46) Quedonfeldt, loc. cit., Depont et Coppolani, Confr. rel., p. 367, citent seulement les H’amadcha et les Doghoûgiggîn.
(47) H’ammed est ici pour Ah’med. Cf Stumme, Handbuch des Schilhischen von Tazeroualt, p. 184. Cf sur les Oulâd Sidi H’ammed Ou Moûsâ, Quedenfeldt, in Verh. d. B. anth. ges., 1889, p. 572 seq. Depont et Coppolani, Confr. relig., les mentionnent p. 367.11 est inexact, si l’on en croit de Foucauld, Reconnaissance au Maroc, 1 vol. Paris 1888, que Sidi H’ammed Ou Mousa soit enterré à Merrakech. Il reposerait au Tazeroualt d’après ce voyageur (p. 342) ; ce que Quedenfeldt, loc. cit., confirme d’ailleurs.
(48) Dr Lemanski, Hypnotisme et Aissoâua, in Revue Tunisienne, organe de l’Institut de Carthage, 5e ann., n° 19, juillet 1898. L’auteur a visiblement démarqué par endroits, l’article précité de Delphin. Ainsi on lit, page 329 : « Le chœur vocifère dans un hurlement continuel : « Mon appui est en toi, ô ben ‘Aïssa. — Mon cœur attristé ne saurait t’oublier ». Dans ce passage, le D’ Lemanski a reproduit purement et simplement une traduction donnée par Delphin, loc. cit., p. 337; mais il ne s’est pas douté que cette traduction est une inexactitude échappée à son auteur. Le texte a traduire est en effet : « ‘arî ‘aleik yâ bnou Isâ galbi maridh lâ tensa » ce qui ne saurait vouloir dire que : « Mon appui est en toi, ô ben ‘Aïssa, — mon cœur est malade, ne m’oublie pas » Delphin ajoute que c’est le mètre ouâfir (mofà’alatoun et non mafd’iloun). : il ne nous semble pas qu’il y ait là un mètre classique. Delphin donne du reste des conclusions analogues à celles du Dr Lemanski.
(49) Robert-Houdin, Confidences d’un prestidigitateur, une vie d’artiste, 2 vol., Paris, 1859 ; II, p. 328 seq.
(50) Robert-Houdin, op. laud., p. 249-250.
(51) Ce tour est aujourd’hui bien connu du public.
(52) Robert-Houdin, op. laud., p. 273-275.
(53) Cherbonneau, Définition lexicographique de plusieurs mots usités dans le langage de l’Afrique septentrionale, in Journ., Asiat., 1849, I. Sur la Khanqat’ira, voy. d’intéressants détails dans Mouliéras, Maroc inconnu, I, p. 53-54


Edmond Doutté. Les Aïssâoua à Tlemcen 1900. par Edmond Doutté. Impr. de Martin frères (Châlons-sur-Marne), 1900. 1 vol. in-8°, 30 p. Texte intégral.
Doutté Edmond (1867-1926). Sociologue et ethnographe arabisant dont l’éclectisme surprendra ceux qui se pencheront plus précisément sur sa vie et ses travaux. Nous renvoyons à l’article que lui consacra Marccl Mauss dans l’Année sociologique en 1927. Quelques publications:
— Magie et Religion dans l’Afrique du Nord. La société musulmane du Maghrib. Réédition : Paris, Editions J. Maisonneuve et P. Geuthner, 1984. 1 vol. 13.5/21.5, 3 ffnch., 617 p. EAN : 978-2720010200. Réédition de : Alger, Ad. Jourdan, 1909.
— En tribu : missions au Maroc ; avec 128 photographies prises par l’auteur et 6 plans dont 4 exécutés par ses levées par M. Saladin,… et 2 d’après M. Bernaudat ; orné de 8 reproductions en couleurs des toiles originales d’A. Corson . Paris, Geuthner (Paris) 1914.
— L’Islam algérien en l’an 1900. Alger, 1900.
— Notes sur l’islâm magribin : les marabouts. Paris, E. Leroux, 1900
Les [p.] renvoient aux numéros de la pagination originale de l’article. – Nous avons gardé l’orthographe, la syntaxe et la grammaire de l’original.
 – Nous avons renvoyé les notes de bas de page en fin d’article. – Les images ont été rajoutées par nos soins. – Nouvelle transcription de l’article original établie sur un exemplaire de collection personnelle sous © histoiredelafolie.fr
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