Au Nord de Tlemcen, à deux kilomètres de Negrier, sur l’ancienne route romaine qui relit Pomaria à la côte par Albulae (Aïn-Temouchent), se trouve le village d’Ouzidan. Limité au Sud-Ouest par l’oued Saf-Saf qui le contourne et le sépare d’Aïn-el-Hout, au nord par l’oued Boughrara, petit affluent de l’oued Sikkak, à l’Est par une haute colline que prolongent les plaines de Béni-Ouazzan, au Sud-Est par le djebel-el-hadid, Ouzidan a occupé jadis le centre de ce cadre géographique, un bas-fond à l’abri des vents violents de l’Ouest et du Sud. C’est en effet, au pied d’un monticule d’une attitude moyenne de 500 m d’où jaillissent de nombreuses sources encore intarissables, en face de paysages verdoyants, que - dit-on - les premiers habitants d’Ouzidan, les Chorfa d’origine mekkoise, avaient élu leur demeure. Les circonstances de leur venue restent entourées de légende ; selon toute vraisemblance, leur arrivée remonterait au XVIe siècle (Xe siècle de l’hégire) époque marquée par la décadence du règne zayyanide et par des querelles de dynasties qui firent passer Tlemcen successivement des mains des espagnols à celles des turcs, puis à celles des chérifs saâdiens. D’après la légende locale, Ouzidan serait le nom d’un prince (Zidane) qui aurait choisi ce coin enchanteur pour lieu de villégiature. Toutefois, il n’y a aucune confirmation historique de cette origine. A ma connaissance, El Bostan (Recueil des biographes des saints et des savants de Tlemcen), d’Ibn Maryem-El Mliti, écrit au début du XVIIe siècle (XIe siècle de l’hégire), est le seul ouvrage qui mentionne accidentellement le nom d’Ouzidan, à propos des miracles de Sidi-el-Kalai (Saint mort au début du Xe siècle de l’hégire) : « Un pauvre meunier, adepte de Sidi-el-Kalai, lui demanda la cession d’une parcelle d’un habous pour en faire un verger ; mais le saint la lui refusa, lui ordonna d’acheter un terrain et de le planter d’arbres fruitiers, après avoir imploré pour lui la grâce divine. Le meunier, qui n’avait que trois veaux, s’en alla ; mais avant de rentrer chez lui fut interpellé par son voisin, propriétaire d’un jardin. « Tes bovins m’ont souvent endommagé, je te vends mon jardin ». Le meunier n’avait pas d’argent, mais le jardinier consentit une vente à terme au prix de vingt dinars, le meunier engraissa ses bêtes et les vendit en janvier au prix de vingt dinars chacune, aux habitants de Saf-Saf, d’Ouzidan et d’Hennaya. (Voir Bostan, p. 271-272). Il y’avait donc, dès le début du XVIe siècle, un groupe d’habitants à Ouzidan, groupe qui n’a cessé d’être grossi par l’apport de nouveaux venus qui arrivaient des plaines environnantes, des monts de Tlemcen, de l’Est et de l’Ouest oranais, du Sahara ou du Touat. Les terres encore en friche servaient alors de pacage à un grand nombre de pasteurs - semi-nomades ou sédentaires - qui s’associaient souvent avec des citadins fournisseurs de capitaux. Certains d’entre eux cultivaient les céréales, l’orge surtout, et les conservaient jalousement dans des silos pour les années de disette. Mais, c’est dans le jardinage que ces premiers habitants montrèrent leur savoir-faire. En effet, Ouzidan toute entier n’est qu’un vaste verger de figuiers et oliviers. Autrefois, la vigne sauvage tressait ses lianes de chaque côté de la route et dissimulait les maisons entourées de jardins. De nos jours, la culture maraîchère a pris de l’importance ; le sol, à l’abri du vent du Sud, produit les légumes propres à la région ; les maraîchers d’Ouzidan approvisionnent les marchés de Tlemcen, d’Aïn-Temouchent, de Sidi-Belabbès et des centres environnants. Les jardins ainsi exploités constituent de petites propriétés, certains d’entre eux portent des ruines de tabiya (murs en pisé). Ces murs avaient pour mission de les protéger contre les bêtes et contre les incendies. Tous ces jardins conservent encore leur vieille dénomination d’origine berbère (Oughal, tadmaïa, taghzout), arabe (Moussa, M’Hammed, El-Mouden, Ben DjacFar) ou turque (Bey Yacqoub, Fandi, Ben-Eulj). Ils sont souvent propriétés de citadins. Comme on le voit, les habitants d’Ouzidan sont pour la plupart pauvres. Un grand nombre d’entre eux habitent de modestes maisons groupées sur les terrains communaux (haouch el Wacar, el-Homri, Sidi-Yahia et L’Salla) et sont employés comme journaliers dans les fermes et les usines voisines. Quelques-uns sont marchands de légumes, épiciers ou meuniers. D’autres enfin quittent le sol natal et vont en France à la recherche du travail. La commune de Tlemcen, dont dépend Ouzidan, n’a pas cessé de répandre le confort parmi cette population rurale depuis une vingtaine d’années. La construction d’une belle école, l’installation de fontaines publiques et d’une cabine téléphonique, l’électrification du centre, l’empierrement des routes, la plantation d’arbres sur le bord des fossés, les facilités de communication avec la ville grâce à un service de cars, ont contribué à l’accroissement de la population (près de 3000 habitants actuellement) et à la transformation de son genre de vie. Les écoles coraniques - au nombre de trois - forment de jeunes tolba. Les « ouada » en l’honneur de Sidi Boukhadra (Saint patron d’Ouzidan), de Sidi-Yahia, de Sidi-Aïdouni et de Sidi-Malek sont pour les villageois une occasion de se recueillir devant les tombes de leurs parents, la vie de ces saints reste entièrement inconnue, faute d’inscription sur les pierres tombales. Sidi Mohammed Ben Mendil, au Sud-Ouest d’Ouzidan, est le seul saint qui nous a dévoilé la date de sa mort (988 de l’hégire, 1580 de l’ère chrétienne).
Posté Le : 09/05/2007
Posté par : hichem
Ecrit par : BELMIMOUN Bénali, Professeur au lycée Franco-musulman de Tlemcen
Source : Bulletin de la Société : Les Amis du Vieux Tlemcen (1956)