Tlemcen - Mérinides

La mosquée de Sidi-Boumédine



Annexe de la Qoubba construite en 1339.
Le porche est prestigieux. Une grande arcade outrepassée, dépassant 7 mètres, large de 3, encadre la porté. Dans le rectangle qui la chevauche, s'entrelacent des arabesques en faïences blanches, brunes, vertes et jaunes, combinaisons diaprées de palmettes doublés symétriquement affrontées. Au-dessus, une bande de mosaïques déroule une inscription dédicatoire à hampes élancées: « Louange au Dieu unique ! L'érection de cette mosquée bénie a été ordonnée par notre maître, le Sultan serviteur de Dieu, Ali fils de notre seigneur le Sultan Abou Saïd Otman, fils de ....... etc... que Dieu le fortifie et lui accorde son secours - en l'année 739 (1339) », Dominant le ruban épigraphique, une frise de 5 rosaces dont le centre est une étoile octogonale et qui se joignent les unes aux autres, au moyen de chevrons disposés sur quatre bandes verticales. Un auvent à consoles géminées fait saillie sur l'ensemble. A environ 2 mètres du sol, les faces intérieures du porche sont sillonnées d'arabesques et d'inscriptions.

Une lourde porte en cèdre, à deux battants, revêtue de lames de bronze, sépare le vestibule de l'oratoire. Les thèmes décoratifs en sont les suivants: (a) - un polygone à 16 sommets d'où rayonne une grande rosace rectiligne. également à 16 sommets; (b) entre ce groupe géométrique et sa reproduction voisine dans le sens vertical, une petite rosace octogonale; (c) - des remplissages curvilignes et floraux; (d) - de gros clous en dômes cannelés; (e) -­enfin un heurtoir de bronze, de forme à peu près circulaire avec, à l'intérieur, une rosace à huit pointes sertie de palmes trilobées. - Cette belle porte a sa légende. Un captif espagnol détenu à Tlemcen obtint sa libération contre la promesse d'envoyer une porte à la mosquée de Sidi-Boumédine.

Le prisonnier, revenu en Andalousie, confia les deux lourds battants à la Méditerranée. Docilement, la mer latine les déposa sur la colline d'El-Eubbad. Ce miracle géographique a peut-être sa signification. Suivant MM. W. et G. Marçais, il révèle l'origine espagnole des vantaux d'ailleurs en partie confirmée par certaines analogies. Souvenez-vous du rameau de Salzbourg cher à Stendhal : une source le vêt de diamants calcaires. Brisez les cristallisations de la

légende: le petit fait historique qu'avait enrichi l'imagination du peuple apparaît aussitôt dans sa sécheresse dépouillée.

La cour de la Mosquée (10m x 11) est entourée sur trois côtés de galeries: arcades en fer à cheval plein cintre. Le quatrième côté, au sud, s'ouvre sur la salle de prières large de 19 mètres et longue de 15. Cinq nefs supportées par seize colonnes quadrangulaires, la nef médiane large de 3m50, alors que les autres ont seulement 3m10. Des arcs outrepassés relient les colonnes.

Le mihrab ressemble beaucoup à celui de Sidi-Bel-Hassen : arcature en fer à cheval, cintre à claveaux, cadre sculpté d'inscriptions koufiques, etc. Les deux colonnes d'onyx qui le supportent sont coiffées de chapiteaux qui réalisent un grand progrès pour l'époque: meilleure coordination des éléments (tailloir bien lié au reste, fût se fondant plus harmonieusement dans le chapiteau), accentuation des reliefs, chaleur de l'invention ornementale toute en méandres, volutes d'angles, festons floraux, entrelacs géométriques.
Le chapiteau de chacune des deux colonnes d'onyx étale une inscription glorifiant le Sultan Abou-Lhassen qui les fit exécuter. L'une d'elles porte: « Ce qu'il a ambitionné, c'est de se rendre agréable au Dieu tout-puissant et il espère en sa récompense magnifique. Que Dieu, à cause de cette oeuvre, daigne lui réserver ses grâces les plus efficaces et lui donne la place la plus haute. »
Le minaret, d'un galbe élégant, est remarquable à deux points de vue: la délicatesse linéaire des réseaux qui garnissent les façades (arcade festonnée continuée par une série d'arcs brisés, composant des octogones curvilignes allongés et déformés) parfois, palme trilobée; en outre, surtout au sommet, l'éclat de l'incrustation céramique, dans une frise en mosaïque toute scintillante de belles étoiles à vingt-quatre pointes. Sur la face ouest, traces d'ornements peints en brun rouge.

Le décor de la salle de prières est géométrique, floral et épigraphique.
Géométrique : peu important, sauf sur le minaret.
Floral: les types foliacés se simplifient encore alors que la tige croît et meuble les vides. Mais le tout est traité avec une virtuosité, une science des rythmes décoratifs, un sens de l'orchestration sculpturale qui confondent et éblouissent. Nous sommes en pleine maturité de l'arabesque, minée, lisse sans doute, mais d'un envol extraordinaire. Elle s'enroule, se déroule, s'élance, se tord à nouveau, enlace les panneaux, dans un mouvement de ferveur incomparable.
Épigraphie: très développée sur le décor de plâtre. Beaux spécimens de cursif andalou. Du koufique fleuri, enguirlandé d'arabesques et dont les hautes lettres, les alif, les lam, les kaf partent comme de longues fusées verticales qui éclatent en pluies de fleurons et d'étoiles, C'est « l'âge d'or » de cette écriture hiératique qui, à partir du XVème siècle, entrera en décadence.

A signaler, à titre tout à fait exceptionnel dans la décoration épigraphique maghrébine, un exemple de koufique quadrangulaire : les lettres allongées en rectangles s'assemblent en un carré que l'on prendrait pour un simple motif géométrique



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