Tlemcen - 06- La présidence de Bouteflika

La lettre du Président de la République pour Tlemcen Capitale de la Culture Islamique.



La lettre du Président de la République pour Tlemcen Capitale de la Culture Islamique.
En élisant Tlemcen Capitale de la culture islamique pour l’année 2011, l’Organisation islamique pour l’Education, la Culture et les Sciences a fait le bon choix, pour ce que cette ville recèle de patrimoine riche et de monuments historiques dont le symbole et la réputation expriment la créativité algérienne, témoin de la grandeur de la civilisation islamique en ces contrées.
Nul doute que cet événement revêt une grande importance pour l’Algérie qui s’appliquera à mettre en valeur son apport et son rôle dans l’enrichissement de la culture islamique, et sera un livre ouvert dont nous ferons revenir le souvenir de ses pages éclatantes et les enseignements en elles contenues, et desquelles nous tirerons la force, la détermination et la confiance en nous-mêmes et révélerons le prestige de cette ville séculaire et sa contribution à la pensée, à l’inspiration et à la vaillance à travers les âges.
Ceci, pour renouveler la conscience des générations en leur histoire et les lier aux exemples et aux valeurs nobles afin de préserver notre spécificité et de sauvegarder notre identité, d’abord et, ensuite, pour montrer la dimension civilisationnelle de notre nation aux fins d’apprécier les gloires humaines communes et de les mettre au diapason de l’époque moderne et des défis qu’elle fait naître, parce que le monde nous devancera et nous surclassera si nous ne participons pas activement au façonnement de ses nouveaux traits avec notre passé et notre présent, le génie de nos générations et nos aspirations confiantes en l’avenir.

Agadir, Pomaria, Tagrart, Mansourah, Tlemcen… Autant de noms que portent ces espaces habités par les civilisations, témoins de l’histoire et de son exhalaison, étreinte du temps et de l’espace. Le chemin y menant est un éveil qui regorge d’exploits et de leçons.
Tlemcen fut, au fil des temps, un forum d’interaction entre les différentes nations. Où que nous nous tournions, nous sommes accueillis par le temps dans toute sa densité et ses accumulations à travers les nombreux vestiges qui constituent la morphologie générale de la ville, avec toute sa présence dominante formant un tissu architectural unique réparti sur ses quartiers, ses mosquées, ses zaouïas (confréries), ses médersas et toutes les spécificités du jaillissement spirituel qui s’est réalisé à travers le savoir, l’épreuve et la dévotion pour arriver aux sources de la vérité.
L’histoire de Tlemcen remonte à la préhistoire et n’a pas commencé au IIIe siècle de l’ère chrétienne, avec l’occupation romaine. L’histoire de Tlemcen a commencé avec ses habitants amazighs.
La ville a subi, à travers les siècles, les campagnes féroces des envahisseurs qui firent acquérir à ses habitants le courage, la résistance et la capacité à supporter les rudesses. Dès lors, Tlemcen a toujours résisté, debout, sculptant ses jours avec le ciseau du temps et la volonté de l’homme.
Tlemcen est passée par plusieurs étapes depuis qu’elle fut conquise par Abû Al Muhâjir Dînâr, puis Okba Ibn Nâfa’ et ceux qui les ont suivis. Elle a joué plusieurs rôles et fut la capitale des Bani Abd Al Wâd dont la domination dura trois siècles, outre le règne des Idrissides, des Fatimides, des Morabitine, des Almohades et des Mérinides. Cet encombrement historique tire son origine de sa situation géographique importante et de la richesse de ses ressources économiques. En effet, Tlemcen fut une halte pour les caravanes de passage et un débouché pour l’or africain, selon les récits de vieux historiens, comme Al Bakri et Ibn Khaldûn.
Durant l’ère islamique, Tlemcen fut marquée par une vie intellectuelle exceptionnelle et le développement de plusieurs sciences et connaissances dont la luminescence atteindra jusqu’aux grandes cités islamiques du Machreq et du Maghreb.
Tlemcen a profité de l’immigration des savants en provenance de Cordoue et de Grenade, au lendemain de la chute de l’Andalousie. Aussi, la cognition s’approfondit et les courants philosophiques et soufis s’animèrent, ce qui permit l’émergence de la pensée d’Al Ach’arî dans les croyances et du rite malékite dans la jurisprudence.
Tlemcen fut, à juste titre, une base politique et scientifique au Maghreb central.
Parmi les savants qui ont illuminé la vie culturelle dans cette région, par leur pensée, Ahmed Abû Al A’bâss, Ahmed Ben Yahia, Ali Al Wancharîssî, le notable Sidi Boumediene Al Ghouth, Al Hassan Abû Ali Aberkân, Choâïb Ben Al Hassen Al Andalussi, Afif A’dîn A’tilimçâni, Ahmed Al Moqri A’tilimçâni, Mohamed Ben Ibrâhîm Al Âbdari, Mohamed Ben Omar Al Houâri, Mohamed Al Imâm Al Senoûci, Mohamed Benmarzoûq, Mohamed Ben Abdelkrim Al M’ghîli, Mohamed Ben Mériem A’tilimçâni et tant d’autres.
La présence de ce grand nombre de savants, d’écrivains et poètes et de légistes, n’est pas le fruit du hasard, mais trouve son explication dans l’action des émirs et des sultans, adeptes des belles lettres et férus de savoir, qui ont parrainé les différentes sciences et les arts, à l’image du sultan Ibn Tachfîn, Abou Hamou A’ziyâni II, auteur de l’ouvrage intitulé Le juste milieu dans la politique des monarques, le sultan Ighmûrâcen qui fit de Tlemcen la Mecque des disciples venant de différents lieux. Ces gouvernants gratifiaient les savants, encourageaient la production littéraire et l’acquisition des livres et veillaient à assister personnellement à des cercles et à des conseils scientifiques où étaient animées des discussions et des confrontations d’idées. Cela eut pour conséquence le rayonnement des connaissances, telles que la jurisprudence, la logique, le soufisme, la géométrie, l’arithmétique, l’astronomie, la musique, l’agronomie, etc.
L’impact de cette prospérité sociale et économique se répercuta sur la vie publique des gens qui apprirent les métiers, excellèrent dans la création musicale et architecturale, créèrent des promenades, érigèrent des châteaux et construisirent des forts et des ponts, suite logique d’une coexistence positive entre les différentes races et confessions, rompues à une vie faite d’entente et de tolérance, partagée par les Musulmans, les Juifs et les Chrétiens qui se réfugièrent à Tlemcen, s’y établirent, se fondirent dans son projet civilisationnel indulgent et ouvert à autrui et s’intégrèrent tous dans ses traditions et sa culture.
Parmi les nombreux vestiges qui continuent à résister aux aléas du temps avec majesté et solennité, nous citerons Al Jamaâ Al Aâdham (la plus grande des mosquées), la Mosquée de Sidi Boumediene, Al Machouar, le faubourg d’Agadir, Al Mansourah, Al Jamaâ Al Kabîr (la grande mosquée) à Nedroma, les mosquées de Sidi Al Halwâ, Sidi Ibrahim, Sidi Belahcen et tant d’autres monuments.
Posons-nous cette question maintenant : rappeler quelques noms de personnages distingués et d’édifices classés suffit-il pour que Tlemcen révèle tout ce qu’elle cache en son sein ? Evidemment non, parce que les cumuls du temps sont trop grands pour pouvoir être contenus dans quelques lettres ou quelques mots. Mais, au moment où nous nous dressons devant ces réalisations qui paraissent à perte de vue au-dessus de ses reliefs et de ses plaines, nous ne pouvons que fusionner avec son entité marchant audacieusement vers le renouvellement de ses chroniques, car la conscience historique commence par l’enracinement des éléments identitaires, loin de l’enfermement et du repli sur soi infécond.
Voici le visage de la ville qui reprend son charme grâce à la restauration de nombreuses vieilles bâtisses aux traits modestes en apparence mais qui éclairent par leurs lignes et leur profondeur, aujourd’hui qu’elles côtoient les nouveaux bâtiments, faisant s’enlacer passé et présent dans une harmonie féerique.
Cette manifestation est un autre rendez-vous avec l’histoire et l’homme, pour que nos peuples islamiques puissent se réconcilier avec eux-mêmes et conduire la locomotive du développement culturel qu’il faudra transformer en des échanges actifs qui ne devront pas se contenter de superficialité. Cette manifestation devra, au contraire, être une voie illuminée par l’essence de notre démarche qui déborde d’espoir et d’optimisme pour renforcer notre sécurité culturelle.
Aussi, cet événement sera-t-il l’occasion de contempler les détails historiques décisifs pour en adapter les valeurs de la liberté, de l’amour et de la tolérance, et de les élever vers les voies de la citadinité tracées par notre civilisation islamique éternelle.

Abdelaziz BOUTEFLIKA
Alger, le 5 Décembre 2010




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