Succédant aux Almohades, les BENI-ZEIYANS ont régné à Tlemcen plus de trois siècles (1235-1554) En déplaise à certains historiens 1, Tlemcen a connu sous la dynastie des BENI-ZEIYANS, une des époques les plus brillantes de son histoire. Rien ne donne une idée plus juste de la splendeur de la civilisation Abd-El Wadide que la prospérité de l’économie et principalement la floraison des œuvres littéraires et scientifiques qui ont marqué cette époque importante de notre histoire. C’est un fait connu, qu’à part quelques troubles sporadiques pour la plupart brefs et sans conséquence, Tlemcen a été une cité prospère sous les BENI-ZEIYANS. On ne peut nier la grande influence que les savants Tlemcéniens ont exercé sur le monde musulman : leurs œuvres étaient dans toutes les bibliothèques de l’Occident et de l’Orient. Combien alors de grandes familles lettrées et pieuses furent-elles la fierté de Tlemcen des BENI-ZEIYANES, principalement sous le règne de YAGHMO-RASAN (1235-1282), de ABOUTACHFIN 1er (1318-1336), de ABOU HAMMOU MOUSSA II (1359-1389) et d’ABOU L’ABBAS Ahmed (1430-1462). Il est absolument impossible de dresser ici la longue liste de ces familles qui ont donné durant la période Abd El Wadide, tant d’hommes illustres à la science et à l’Islam. Bornons-nous à citer quelques unes d’entre elles, en particulier, les IBN MERZOUQ, les EL-OQBANY, SARI, les MEGHILY, les ENNADDJAR, les OULED-FQIH, les Chérifs ABOU-ABDALLAH, les OULED-IMAM, les BENMANSOUR, les ZEROUQ 2, les SENOUCI, les TENESSY, les MAZARI 3 , les BEN-ZAGHOU et bien d’autres. Dans cet ensemble prestigieux de familles de souche Tlemcénienne, on voudrait retracer ici d’une manière brève la biographie de quelques membres de la famille EL-OQBANY. On en connaît six d’entre eux et qui sont : Mohamed Ibn Mohamed El-OQBANY, Saïd Ibn Mohamed Ibn Mohamed EL-OQBANY, Kacem Ibn Saïd Ibn Mohamed Ibn Mohamed EL-OQBANY, Ahmed Ibn Kacem Ibn Saïd Ibn Mohamed Ibn Mohamed EL-OQBANY, Ibrahim Ibn Kacem Ibn Saïd Ibn Mohamed Ibn Mohamed EL-OQBANY, Mohamed Ibn Ahmed Ibn Kacem Ibn Saïd Ibn Mohamed Ibn Mohamed EL-OQBANY 4. Tous les biographes s’accordent à reconnaître que Saïd Ibn Mohamed Ibn Mohamed EL-OQBANY et son fils Kacem sont les représentants les plus marquants de la famille EL-OQBANY 5 . Saïd Ibn Mohamed Ibn Mohamed EL OQBANY on sait par Ibn Mariem que le nom EL OQBANY a été tire du toponyme OQBAN, une petite ville de l’Andalousie 6. Saïd Ibn Mohamed Ibn Mohamed EL OQBANY naquit à Tlemcen en 720 (12 février 1320) sous le règne d’Abou-Tachfin 1er . On s’est peu renseigné sur son père et son grand-père, on sait seulement que son père Mohamed Ibn Mohamed EL OQBANY était un cadi et un professeur réputé. Ibn FARHOUN (m.800-H.1397) écrit dans la notice qu’il a consacré à Saïd EL OQBANY : « Saïd Ibn Mohamed EL OQBANY le Tlemcénien est un grand Imam et un célèbre jurisconsulte malévite. Il est versé dans beaucoup de sciences. Il étudia sous la direction des Ouled-Imam : Abou Zeïd Abderrahmane et son frère Abou MouçaIça. Il apprit les principes du Fiqh auprès du Cheikh Abouabdallah EL ABOLY et d’autres maîtres de grand renom » 7 . Saïd Ibn Mohamed Ibn Mohamed EL OQBANY était âgé de 32 ans lorsque le Sultan Mérinide Abou Imam FARES succédant à son père Aboul-Hassan, occupa Tlemcen. A peine Abou-Inan s’était–il installé à Tlemcen qu’il remarqua Saïd EL OQBANY. Au moment où il nommait les dignitaires de son administration, il le chargea des fonctions de cadi de Bougie. Tous les jurisconsultes du royaume rendirent hommage au nouveau cadi de Bougie pour sa nature essentiellement bonne et ses sentences rendues avec justice et souvent avec équité. Quelques temps plus tard, Saïd EL OQBANY fut nommé au poste éminemment important et disputé de cadi de Tlemcen 8 . Auparavant, sous Abou-Tachfin 1er , c’était l’éminent chérif Abou Ali Hassan Ibn Mohamed EL HUSSAYNI qui avait occupé ces fonctions. Le moraliste français « LA BRUYERE » a écrit quelque part : « Les postes éminents rendent les grands hommes encore plus grands ». Comment alors Saïd EL OQBANY n’eut-il pas gagné incontinent la considération et l’estime d’Abou-Inan ? Abou-Inan qui aimait du reste à s’entourer de savants ne tarda pas à solliciter par de nombreuses fois Saïs EL OQBANY à donner des conférences destinées aux dignitaires de sa cour. C’est ainsi qu’un jour, dans le charmant oratoire de Sidi-Bel-Hassan, Saïd EL OQBANY expliqua en présence d’Abou-Inan, d’une manière brillante, le recueil de Hadites le « Sahih » d’EL BOUKHARI et la MUDA-WANA de Malik Ibn ANAS . Près avoir été l’un des plus grands, sinon le plus grand cadi de Tlemcen, Saïd EL OQBANY a été également cadi d’Oran et de Marrakech. Partout, il a exercé la judicature comme un sacerdoce. Il est l’auteur d’innombrables consultations juridiques (Fetwa). Il composa un commentaire sur le traité des successions d’El Haoufi, un commentaire sur la logique d’El Khoundji, un autre commentaire sur l’ouvrage d’Ibn-Yasmin qui traite l’Algèbre et l’équation (El Djebr ou El Mokaabala). Il a donné des explications détaillées du Telkhis d’Ibn BENNA. Il a rédigé un commentaire exégétique des sourates EL-ANAAM et EL-FATIHA. Parmi ses disciples les plus distingués, on connaît surtout son fils Kacem, l’Imam Ibn MERZOUQ El Hafid, Sidi Ibrahim EL MASMOUDY, Abou-El-Abbas Ahmed Ibn ZAGHOU et Mohamed Ibn OQAB EL DJOSHAMY. Après une brillante carrière et tant de gloire, Saïd EL OQBANY mourut saintement dans sa quatre vingt-huitième année. Sur son épitaphe que Charles BROSSELARD a retrouvé au cimetière du Cadi ont lit : « Ce tombeau est celui de l’éminent seigneur, le jurisconsulte très illustre, l’interprète du Livre de Dieu fort et puissant : Sidi SAÏD, son fils du seigneur, le jurisconsulte versé dans la tradition, le professeur éloquent et accompli, Mohamed EL OQBANY Que DIEU lui donne pour demeure le Paradis, qu’il étende sur lui la miséricorde et le pardon, et le maintienne en joie et en bonheur ! Il est décédé (Dieu lui fasse miséricorde !) vers l’heure de la prière d’El Asr le mardi 22 de Dou El Hidja de l’année 811 – (8 mai 1408) »9 . Kacem Ibn Saïd Ibn Mohamed Ibn Mohamed EL OQBANY. On ne connaît pas la date de naissance de Kacem Ibn Saïd Ibn Mohamed Ibn, Mohamed EL OQBANY. Il naquit à Tlemcen et portait les surnoms d’Abou-Lfadl et d’Abou-KACEM. Pour ne pas déroger à la tradition familiale, Kacem EL OQBNY fit des études approfondies du Fiqh et toutes les sciences religieuses. Son principal professeur fut son père Saïd EL OQBANY. Il suivit également les cours de l’Imam Abou-Othman Saïd, d’Ibn HADJAR et du savant égyptien EL BEÇATY. A l’instar de son père, il acquit très jeune une vaste culture qui embrassait toutes les sciences enseignées à son époque. Nommé Mufti de Tlemcen, il ne tarda pas à succéder à son père comme cadi de Tlemcen. Son œuvre fut considérable. On en connaît surtout les gloses sur le précis de jurisprudence d’Ibn EL HADJEB, un commentaire sur le livre d’Ibn EL ABBAD, un Mokhtasar sur les fondements de l’Islam et une célèbre prière que les soufis récitent avec le Dikr. Il eut beaucoup de disciples dont certains furent des savants célèbres comme EL TENESSY, Abou Zakaria EL MAZOUNY, EL OUEN-CHERICY, Abou-Barakat En-Naily. Il eut aussi pour élèves son fils Mohamed Ibn Ahmed Ibn Kacem Ibn Saïd EL OQBANY. Ces deux personnages exercèrent eux aussi les fonctions de cadi de Tlemcen. Il semble que Kacem EL OQBANY mourut à un âge très avancé. Il est décédé en Dhou-l-quieda de l’année 854 (Décembre 1450). Selon Ibn Meriem, son tombeau est situé dans la grande mosquée de Tlemcen à côté de celui d’Ibn-MERZOUQ. Le Petit Tlemcénien n°5 1. A la page 163 du tome second de son «histoire de l’Afrique du Nord» Charles André Julien écrit : « l’histoire du royaume de Tlemcen est bien celle d’un échec à peu près complète ». L’Abbé BARJES s’est montré aussi bien que Charles ANDRE JULIEN quelque peu partial à l’endroit des BENI-ZEIYAN 2. Sidi ZAROUQ Ahmed EL BORNOUSSI (mort 1493) fut une des gloires de son époque. 3. Les MAZARI sont originaires de Mazara en Sicile. Certains d’entre eux vivaient en même temps en Tunisie et à Tlemcen. C’étaient d’éminents juristes malékites. A l’instar des Mazari, d’autres familles tlemcéniennes vivaient dans les autres pays du Maghreb notamment les El Manjra qui s’étaient établis à Fes. Cette famille a donné de grands jurisconsultes. 4. Ces six membres de la famille EL OQBANY ont tous été cadis de Tlemcen et auteurs de nombreux ouvrages. 5. Charles BROSSELARD: Les Inscriptions arabes de Tlemcen – Revue africaine N°30, pages 414 et 415. 6. Ibn Mariem : El Bostan ou jardin des biographies des saints et des savants de Tlemcen Trad. F-Provenzali – Alger Fontana p.114. 7. Ibn Farhoun –Edibadj El Modahhab fi-maarifat aujan ulama El Madhab – Dar et Tourat – Le Caire tome II p.394. 8. A la page 325 de son ouvrage « Les Etats de l’occident musulman aux XIIIe-XIVe et XVe » Atallah Dhina écrit : « Le cadi de Tlemcen prenait figure de premier fonctionnaire civil et exerçait dans sa circonscription une véritable royauté morale ». 9 Le cimetière du cadi aujourd’hui inexistant, était situé près de la porte de Sidi-Boumediène à quelques encablures de la nécropole de Sidi-Senouci.
Posté Le : 28/02/2008
Posté par : hichem
Ecrit par : Maître Rachid Benblal, Avocat et Historien
Source : membres.lycos.fr/ptlemcenien