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« Itinéraires interdits » ou comment se sentir « noir avec un cœur blanc », un récit de C. Berriah



« Itinéraires interdits » ou comment se sentir « noir avec un cœur blanc », un récit de C. Berriah
« Depuis ce jour, je me vois noir avec un cœur blanc. Depuis ce jour, j’ai enfourché mon destin vers l’inconnu… » telle est « la conclusion » attribuée à l’auteur dans le prière d’insérer de la quatrième page de couverture du livre-récit du journaliste algérien Chahreddine Berriah, « Itinéraires interdits ». L’itinéraire d’une découverte de soi à ravers la rencontre avec ces « autres » si méconnus, les harragas…

Photo ci-dessus : Chahreddine Berriah, journaliste au quotidien algérien El Watan, et auteur du récit « Itinéraires interdits ». © Alfred Mignot




« Ce jour » ? Lorsque l’auteur entreprend de réaliser un reportage sur les migrants clandestins, ces fameux « harragas » d’Afrique, prêts à prendre tous les risques pour rejoindre le supposé Eldorado européen.
Certains, pour éviter la périlleuse traversée de la mer, essaient de s‘introduire dans ces confetti d’Europe que représentent Ceuta et Melilla, les enclaves espagnoles sur la côte nord du Maroc.

C’est près de Melilla, dans l’oued Jorji où s’entassent plus d’un millier de clandestins subsahariens, que Chahreddine Berriah conduit son lecteur à la rencontre des Harragas. Des personnages contrastés : d’un côté « les nouveaux débarqués, bercés exagérément par leurs rêves inouïs (…) se permettaient même le luxe de fumer des cigarettes américaines et d’en offrir même à ceux qui ne leur en demandaient pas », tandis que « ceux qui étaient là depuis plus d’une année se distinguaient par leurs haillons ».

Ce petit monde que nous décrit le journaliste – Aïssa, le borgne espiègle et péteur, Eva la belle éthiopienne, Camara le bossu lubrique, Abdoullay le narcissique… – est celui de très pauvres gens dont la misère ne semble avoir d’égale que l’obsession radicale de « partir ». En attendant ce jour béni, il ne se passe pas grand chose d’extraordinaire au camp, où les uns et les autres vaquent aux occupations visant à satisfaire les besoins très ordinaires de la malvie quotidienne, et le seul événement « dramatique » qui soit conté est celui du passage de la frontière par notre journaliste, nanti de faux papiers…

Au lecteur européen, qui pourrait s’étonner d’une apparente vacuité des personnages et des situations, habitué qu’il est aux mises en scène clinquantes et romanesques du « main stream » médiatique et littéraire, rappelons qu’il s’agit ici d’un récit, et non d’un roman. C’est tout à l’honneur du journaliste Chahreddine Berriah de s’être efforcé de nous monter la réalité des personnes et des situations, telle qu’il l’a vue : triste, banale, misérable. Une écriture sans fioriture mais efficace, car on finit par se sentir un peu comme l’auteur de ce reportage en immersion non téléguidée : « noir avec un cœur blanc ».





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