Hommage à l'abbé Alfred Berenguer : un homme d'Église au cœur des luttes pour l'Algérie

Hier, dans le cadre solennel du monastère Saint-Benoît de Tlemcen, un vibrant hommage a été rendu à l’abbé Alfred Berenguer, une figure marquante de l’histoire algérienne et de l’Église. Par son engagement pour la liberté, la justice et l’humanisme, cet homme aux multiples facettes a laissé une empreinte indélébile dans les cœurs et les mémoires.

Une vie au service des autres et de la justice

Né le 30 juin 1915 à El Amria, dans une famille modeste d’immigrés espagnols, Alfred Berenguer est ordonné prêtre en 1940. Animé par une foi profonde et une volonté de servir, il s'engage volontairement dans l'armée durant la Seconde Guerre mondiale, participant à des campagnes cruciales telles que la bataille du Mont Cassin en Italie. Malgré les blessures et les épreuves, il poursuit son engagement militaire jusqu'à la libération de l'Europe, avant de reprendre son service religieux en Algérie.

Son parcours prend un tournant décisif avec la montée des tensions en Algérie. À travers ses écrits, comme l'article "Regards chrétiens sur l'Algérie" publié en 1956, et ses interventions publiques, il dénonce les injustices coloniales. En 1958, sa conférence à Cannes dénonçant les atrocités françaises en Algérie lui vaut la persécution des autorités françaises. Contraint à l'exil, il continue son combat pour l’indépendance algérienne en représentant le Croissant-Rouge algérien en Amérique latine. Là-bas, son lobbying politique rallie de nombreux pays à la cause algérienne, contribuant à isoler la France sur la scène internationale.

Une figure de la révolution algérienne

Son engagement aux côtés des révolutionnaires ne se limite pas à la diplomatie. Cofondateur du Croissant-Rouge algérien, il joue un rôle humanitaire clé en soutenant les victimes du conflit. Condamné par un tribunal militaire à dix ans de prison pour « atteinte à la sûreté extérieure de l'État », il n’abandonne jamais son soutien indéfectible au peuple algérien.

Après l’indépendance, Alfred Berenguer est élu député de Tlemcen à l’Assemblée constituante. Fidèle à ses principes, il refuse de voter la constitution de 1963, s’opposant à la discrimination entre citoyens musulmans et non musulmans. Proche de Ben Bella, il tente en vain de prévenir le président des ambitions de Boumediène, avant de se retirer définitivement de la vie politique après le coup d’État de 1965.

Un homme de foi, d’éducation et de dialogue

Loin de se limiter à son rôle politique, Alfred Berenguer continue à œuvrer pour le rapprochement entre les cultures et les peuples. Curé de plusieurs paroisses, professeur de français et d’espagnol, il incarne un pont entre différentes communautés, prônant le respect et la compréhension mutuelle.

À la fin des années 1990, pour des raisons de sécurité, il quitte l’Algérie mais reste profondément attaché à son pays d’adoption. Jusqu'à son dernier souffle, il œuvre pour les idéaux de justice et de fraternité. Il décède en 1996 à Aix-en-Provence, mais selon sa volonté, il repose aujourd'hui au cimetière chrétien de Tlemcen.

Un héritage qui résonne encore aujourd’hui

L’hommage rendu hier à Alfred Berenguer rappelle que cet homme d’Église était bien plus qu’un prêtre : il était un militant pour la liberté, un humaniste convaincu et un bâtisseur de ponts entre les cultures. Son histoire inspire non seulement ceux qui l’ont connu, mais également les générations futures.

Cet hommage, qui a réuni des témoignages poignants, invite à poursuivre l’œuvre de mémoire et à porter cet héritage à travers le monde. Car, comme l’a prouvé Alfred Berenguer, le véritable combat pour la justice et la dignité humaine ne connaît ni frontières, ni époques.