Entre le XIIIe et le XVe siècle, Tlemcen fut la capitale du Maghreb central, un empire improbable dont le territoire, à son apogée, recouvre celui de l’Algérie actuelle (moins le Constantinois, plus le Maroc oriental), et se rétrécit à ses heures sombres aux limites de ses remparts. A l’origine de la dynastie des Zianides, une tribu du Sahara attirée par les sources limpides et la verdure de la région, et un homme, Yaghmorasan Ben Zayan. Ce farouche guerrier berbère régna pendant quarante-sept ans et donna à sa capitale, peuplée, dit-on, de cent vingt-cinq mille habitants, la prospérité économique et le rayonnement d’un grand centre intellectuel et religieux. « Après la défaite de Las Navas de Tolosa (Al-Iqab) en 1212, où les musulmans ont perdu leur flotte, la Méditerranée occidentale est devenue une mer chrétienne. Pour circuler entre l’ouest et l’est du Maghreb, il ne restait que la route terrestre, qui passe obligatoirement par Tlemcen », explique le professeur Negadi Sidi Mohamed, chef du département d’archéologie à l’université de la ville.
Objet de convoitise, Tlemcen affronte alors des dangers venus de l’ouest comme de l’est. Les Mérinides, depuis Fès, les Hafsides, issus de la lointaine Tunis, s’attaquent tour à tour à la cité. En 1299, le souverain mérinide Abou Yacoub Youssef commence un long siège de la capitale zianide. Il dure huit ans. En face de Tlemcen, l’assiégeant construit une véritable ville baptisée Mansourah (« la victorieuse »), tant il est sûr de son triomphe. Elle possède ses remparts, son palais — le Mechouar —, encore visible aujourd’hui, sa mosquée, ses bains, son fondouk (« auberge ») des Aragonais. « De jour en jour,nous dit le célèbre historien Ibn Khaldun, qui enseigna à Tlemcen, elle vit sa prospérité augmenter, ses marchés regorger de denrées et de négociants venus de tous les pays ; aussi prit-elle bientôt le premier rang parmi les villes du Maghreb. »L’assassinat d’Abou Yacoub Youssef et l’appui des Hafsides, hostiles à une suprématie mérinide, sauvent Tlemcen in extremis.
Au XVIe siècle, Espagnols et Ottomans prennent la ville en tenaille. Les divisions au sein de la dynastie entre prétendants au trône et le lâchage des tribus alliées précipitent le déclin de la « perle du Maghreb », qui abrite aujourd’hui 75 % du patrimoine architectural musulman de toute l’Algérie, avec ses édifices de style andalou contemporains de ceux de Grenade et de Fès. Vainqueurs à l’usure, les Ottomans la punissent cruellement en la déclassant ; Mazouna, entre Relizane et Chlef, puis Mascara, enfin Oran, reprise aux Espagnols au XVIIIe siècle, la remplacent comme capitale de l’Ouest algérien. En 1837, l’émir Abd El-Kader en fait à nouveau une de ses capitales avant qu’elle soit conquise en 1842 par les Français. Revanche sur l’histoire, en juillet 1962, c’est à Tlemcen que se noue l’alliance entre M. Ahmed Ben Bella, qui deviendra le premier président de l’Algérie indépendante, et Houari Boumediène, qui le renversera le 19 juin 1965 — alliance qui fonde l’Etat algérien moderne.
Jean-Pierre Séréni
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Posté Le : 25/01/2011
Posté par : fakhri
Ecrit par : Jean-Pierre Séréni
Source : Mone Diplomatique Février 2010