La ville de Tlemcen dispose, à elle seule, plus de 70% du patrimoine historique et culturel arabo-musulman en plus de magnifiques sites naturels à l’image des cascades d’Al-Ourit, les grottes d’Aïn-Fezza, le parc naturel de Motass et le plateau de Lalla Setti.
Malgré cet énorme potentiel, le tourisme demeure en léthargie depuis des lustres et n’arrive pas à décoller. Le nombre de visiteurs nationaux se compte par centaines et les étrangers par dizaines et occasionnellement. Lors de la manifestation internationale «Tlemcen, capitale de la culture islamique» , l’Etat a mobilisé des centaines de milliards pour restaurer tous les monuments historiques et dans la réalisation d’imposantes infrastructures culturelles dont on peut citer le palais de culture Abdelkrim Dali, «le centre d’études andalouses, le théâtre de verdure et le palais des expositions d’Al-Koudia», le musée d’art et d’histoire et enfin le musée d’arts islamiques. Plus d’une centaine de délégations internationales, venues
des cinq continents, y ont participé à cet événement. Elles étaient unanimes à affirmer «l’exceptionnalité de cette richesse et de cette diversité du patrimoine historique et culturelle». L’ambassadeur des USA de l’époque avait affirmé que «la ville de Tlemcen est unique en
son genre sur tous les plans et dans tous ses aspects. Le peuple américain ignore tout de ces richesses par manque d’informations». Celui d’Espagne, lors de son inauguration de la semaine culturelle ibérique à Tlemcen a reconnu que «Tlemcen est le centre de la civilisation arabo-musulmane au Maghreb, mais aussi en Andalousie» et cela après avoir fait visionner un film documentaire sur cette civilisation et son apport sur la culture en Andalousie. C’est lors de cette manifestation que le rendez-vous a été raté par tous ceux qui
ont à leur charge le secteur du tourisme. Il n’a été organisé aucune manifestation culturelle au niveau des sites historiques pour davantage de valorisation et encore moins une approche opportuniste afin de créer des ponts touristiques avec tous les pays participants. On s’est contenté d’organiser des conférences thématiques et des expositions statiques agrémentées par du folklore et des soirées musicales. L’opportunité a été donnée aussi à ce secteur lors de cette manifestation pour valoriser tout le patrimoine culturel national dans toute sa diversité. Toutes les Wilayas ont eu droit à leur semaine culturelle en marge de cette manifestation internationale qui était mal réfléchie et ses objectifs très mal définis. Un tel événement ne se mesure uniquement par la qualité de son organisation mais par son impact sur tous les secteurs. Le palais d’Al-Méchouar et son vaste espace historique tout comme le minaret et la mosquée de Mansourah, la grande mosquée et celle d’Agadir, le mausolée et la mosquée de Sidi Boumediene, la mosquée de Nédroma, les vestiges historiques de Honaine et tant d’autres sites historiques que renferme la wiilaya de Tlemcen n’ont rien à envier à ceux de Cordoue , Séville et d’Alhambra. Sauf que de l’autre côté de Méditerranée le tourisme n’est pas un vain mot et tous les acteurs s’activent et coordonnent leurs efforts pour vendre «le produit» à l’internationale. Le résultat est connu de tout le monde. A titre indicatif l’église de Notre Dame de Paris, à elle seule, draine 30 000 visiteurs par jour. Le palais du Méchouar et Mansourah, avec une histoire millénaire et un patrimoine architectural historique hors du commun et dépassant de loin celle de cette église, n’arrivent pas à enregistrer une centaine de visiteurs nationaux par jour.
Si Tlemcen m’était contée
Autrefois, avec peu de moyens, le site historique de Mansourah abritait annuellement des soirées musicales andalouses. Le minaret et l’enceinte de la mosquée brillaient de mille couleurs et des milliers de personnes y assistaient. On organisait la fête du tapis et des produits artisanaux. Le tapis de laine Tlemcenien s’exportait en grande quantité en Allemagne et en France. Il y avait la fête des cerises, les soirées nocturnes à El-Ourit. Un lieu qui a fait les beaux jours des grands noms de la chanson algérienne mais aussi du haoufi, du chaâbi et de l’andalou. De grands maîtres ont fréquenté ce havre de paix et ce site paradisiaque réputé par ses cascades et son pont d’Eiffel. Toutes ces activités drainaient des visiteurs internationaux comme nationaux. Ce lieu a toujours passionné et inspiré les poètes, les artistes-peintres et les chantres de la musique populaire. A la grande place «Emir Abdelkader», attenante à la grande mosquée, il existait un kiosque à musique où les soirées d’été étaient agrémentées par les troupes musicales. Ce kiosque a malheureusement disparu et l’on ignore à ce jour sa destination. Tlemcen était une ville très commerçante. On y venait des quatre coins du pays pour l’achat des tapis, des chaussures et divers produits artisanaux qui faisaient sa réputation. Tous ces métiers ont disparu à la faveur d’une industrialisation irréfléchie. La médina, cette ville ancestrale abritait toutes sortes de métiers artisanaux. L’activité y battait le plein et beaucoup de jeunes y apprenaient les métiers artisanaux transmis de maîtres à élèves. Presque dans chaque domicile existait un métier à tisser .Les femmes et jeunes filles s’assuraient un revenu conséquent, destiné essentiellement à l’achat des bijoux et de leur dote nuptiale. Aujourd’hui la vieille Médina n’est que l’ombre d’elle-même. Elle se meurt dans l’oubli depuis l’attentat terroriste à la bombe qui l’a dévastée. Depuis elle est en ruine et aucun programme de restauration n’a été initié pour préserver la mémoire de ce valeureux pan de l’histoire de la capitale des zianides. Tlemcen aurait pu devenir un réel pôle touristique multiforme. On y pouvait développer le tourisme religieux .Elle dispose de plus de 70% du patrimoine islamique national. Le tourisme culturel et scientifique afin de valoriser le patrimoine romain et arabo-mauresque qu’elle renferme. Le tourisme balnéaire au vu d’un littoral encore vierge et environnementalement très attractif. Il existe aussi des sites naturels telles les merveilleuses grottes d’Aïn-Fezza et Ghar Boumaâza, les parcs naturels et les stations thermales. Faudrait-il que le secteur du tourisme soit sérieusement pensé pour qu’il devienne un réel produit économique et participera au développement durable par la création de richesses inestimables. Le secteur est otage de la médiocrité et d’une gestion administrative inappropriée. Toutes les activités qu’organise le secteur n’ont aucun impact sur le développement du tourisme. Ce sont des manifestations ponctuelles sans aucune incidence sur la valorisation de tout ce vaste patrimoine. Ils doivent s’inspirer, à titre d’exemple, du festival du rire de Marrakech lequel, avec peu de moyens, draine des milliers de touristes étrangers.
Pour qui roulent les agences de voyages ?
La promotion de la destination Algérie est l’objectif primordial pour lequel les agences de voyages et les tour-opérateurs ont été créés. En pratique la réalité est toute autre. Toutes les agences, que nous avons visitées à Tlemcen, sont devenues des relais touristiques
pour d’autres pays comme l’attestent les affiches publicitaires de ces destinations internationales et autres dépliants et prospectus. Aucune affiche locale ou nationale n’existe sur les devantures ou à l’intérieur de ces agences .On fait la promotion de la Turquie, la
Tunisie, le Maroc, la Malaisie etc. mais point de destination nationale. Donc, leur mission est à l’opposé des objectifs pour lesquels elles ont été agrées. L’une de ces agences dispose même de représentations à Montréal, Canada, et New-York, USA, mais fait de la promotion de ces deux destinations au lieu de promouvoir le produit local ou national et ramener des touristes de ces deux pays. Certaines agences ont des conventions avec la Turkish Airlines et certains hôtels turcs. Elles bénéficient d’un bonus très conséquent pour chaque groupe de voyageurs à destination de la Turquie. Elles activent à l’encontre des intérêts économiques du pays et aucune de ces agences, au nombre d’une cinquantaine, n’ont ramené le moindre touriste à Tlemcen. Par ailleurs aucune d’entre-elles n’a à ce jour organisé des voyages touristiques à l’intérieur du pays comme le font certaines agences à Alger. Les destinations nationales et locales ne manquent pas mais les affinités pour les gérants de ces agences sont autres. Leur bonus leur est versé en devises et ne sont donc pas intéressés par des gains en dinar. Il existe pourtant d’innombrables opportunités pour valoriser la destination locale et nationale à moindre coup pour le client. Il suffit d’exploiter les milliers de chambres universitaires, disponibles en période estivale, et permettre à des milliers de jeunes de profiter de séjours économiques. Une simple convention avec le ministère de l’enseignement supérieur suffira à faire profiter aux jeunes des merveilleux sites dont dispose le pays, mais aussi permettre de valoriser les cités universitaires. Cela se fait outre-mer. Enfin, il est temps pour ce secteur de se refonder sur des bases rationnelles et pragmatiques tout en l’assainissant de ces pseudo-professionnels dont leur seul souci demeure le gain facile et certainement pas le développement du tourisme en Algérie.
Posté Le : 10/08/2018
Posté par : tlemcen2011
Ecrit par : B. Soufi
Source : letemps-dz.com