Il était originaire de Betioua et demeurait à Tlemcen. Il fut un cheikh vertueux et ami de Dieu, un jurisconsulte, un traditionniste, un soufi, un grand thaumaturge et un homme de conduite irréprochable. Il était très versé dans la science des traditions et dans celle du soufisme. «Quel a été ton maitre en soufisme? lui demanda-t-on un jour. C'est Ibn 'At'aï'llah, répondit il. » Et comme on lui objecta qu'Ibn 'At'aï'llah était mort depuis fort longtemps et que, par conséquent, il ne pouvait avoir été son maître : «Oui, répondit-il, je suis son disciple et il est assurément mon maître, attendu que j'ai lu ses Sentences et le commentaire qu'en a fait Ibn Abbad . » Le trait qui précède m'a été raconté par notre ami, le jurisconsulte sidi Ahmed Ben Mouça El
Mediouny.
Voici ce que nous a dit sidi Mohammed ben Iça : « Il n'y a qu'un saint, ou celui que l'on espère voir le devenir un jour, qui puisse retenir de mémoire les Sentences d'Ibn 'At'âi'llàh. » Telles sont les paroles que je lui ai entendu prononcer. C'était, en effet, un très grand saint. Il ne cessait, nuit et jour, de réciter les louanges de Dieu et de prier pour le Prophète. Ses prières étaient exaucées et sa conduite était à l'abri de tout reproche. II était, en outre, favorisé de célestes révélations. Voici ce qu'il écrivit à notre professeur Saïd Et-Maqqary qui était le fils de sa tante maternelle : « Rejette Tlemcen avant qu'elle te rejette. » Dans une des lettres qu'il adressa à ce dernier, il disait encore ceci: « Je jure par Dieu, après qui il n'y a point de divinités, qu'il ne se passe ni jour ni nuit sans que l'esprit du Prophète vienne nue visiter dans ma demeure. »
Il connaissait parfaitement le livre d'El-Bokhary, qu'il lisait aux fidèles dans la grande mosquée. Son père et lui entreprirent le pèlerinage de La Mecque en emmenant chacun toute sa famille. « Une des gràces que Dieu m'a octroyées, disait-il à sidi Saïd El-Maqqary, c'est celle de m'avoir permis d'ensevelir mon père dans le cimetière d'El-Baqi', à Médine. »
Mohammed ben Mohammed ben Iça était un homme de bien et d'une parfaite honorabilité, modeste, chaste, réservé, simple dans sa mise, aimant avant tout la modération, vivant à l'écart du monde ; n'offensant personne, ni par son langage ni par ses actes; ne s'occupant que de ses affaires et de ce qui le regardait ; se conduisant avec droiture et sincérité; loyal et équitable dans la discussion; plein de zèle pour instruire les autres et s'instruire lui-même; appliqué à l'étude et à l'enseignement de la science ; tolérant au point de ne pas dédaigner ceux qui lui étaient inférieurs; pétri de sincérité, de. virilité et de courtoisie. Il occupait le rang le plus élevé dans la hiérarchie des saints et possédait des connaissances assez étendues dans plusieurs sciences rationnelles et traditionnelles. Il lisait, écrivait et méditait beaucoup. On lui doit une grande quantité d'oudhifa (Office qu'on récite journellement ou périodiquement), d'oraisons et de biographies de saints. Il passait ses nuits à veiller et à prier, et jeûnait toute la journée. Il cheminait tout le jour sans que personne sût où il allait. 11 passait le matin devant l'école où j'instruisais les, petits enfants, dans le quartier de Bab-Ali, à Tlemcen, et ne revenait que le soir,.
Voici ce que j'ai entendu dire à notre professeur sidi Saïd El-Maqqary : «Sidi Mohammed ben Mohammed ben Iça m'a raconté le fait suivant : « J'étais, dit-il, dans notre maison qui est située plus bas que la grande mosquée, quand un inconnu vint à moi et me prit par la main. Je me levai et nous sortîmes ensemble en nous tenant par la main. Arrivés à la grande mosquée, nous y entrâmes et fimes quelques pas dans la cour de ce temple. Alors cet homme s'arrêta, grimpa sur la terrasse de la mosquée, et, me tendant la main, il me hissa jusqu'à lui. Nous nous assimes sur la terrasse et nous mimes à causer. « La lecture du livre intitulé : Et-Tenouir fi asgat el-7'edbir (Vive lumière projetée sur les erreurs contenues dans le livre intitulé: Le discernement) te conviendrait, me dit-il. » J'étais sur le point de lui demander comment il s'appelait et d'où il était, mais j'eus honte de lui poser ces questions. Puis il ajouta : « Je t'ai envoyé une lettre, il y a quelque temps. » D'après la lettre, me dis-je en moi-même, je saurai bien comment il se nomme et d'où il est; mais les recherches que je fis pour retrouver cet écrit restèrent sans résultat. »
On rapporte que sidi Mohammed ben Mohammed ben Iça, sidi Mohammed Azouggagh (le rouge, en berbère) et sidi Mohammed ben Merzouq allèrent ensemble visiter le tombeau de sidi Soleïman. « Les prières qu'on adresse à Dieu sur cette tombe, dirent-ils, sont exaucées; implorons donc le Ciel. » Chacun demanda alors ce qu'il désirait. Sidi Mohammed ben Azouggagh exprima le désir de mourir en martyr de la foi : il fut tué par les Bédouins en combattant dans les rangs de l'armée commandée par Ibn El-Aoura; Ibn Merzouq demanda la science: il mourut savant ; quant à sidi Mohammed ben Mohammed ben Iça, il souhaita de terminer sa carrière mortelle dans l'une des deux villes saintes : son voeu se réalisa. Que le Très-Haut leur fasse miséricorde et les agrée ! L'amour de Dieu était le lien qui unissait ces trois amis et compagnons.
On rapporte aussi ce qui suit: Tous trois s'étaient imposé de réciter quotidiennement un nombre déterminé de fois cette prière
« Que Dieu bénisse notre seigneur Mohammed et le salue ! » et étaient convenus que si l'un d'eux venait à mourir, les deux autres se partageraient la part de prières du décédé en en attribuant le mérite à ce dernier, et que si deux d'entre eux mouraient, le survivant réciterait leurs parts de prières en en reportant le mérite sur eux. Or, Mohammed ben Mohammed ben Iça ayant survécu à ses deux compagnons, c'est lui qui chaque jour récita sa propre part de prières et celle de chacun de ses amis.
Dans les premiers temps de sa vocation religieuse, il adorait Dieu dans la chapelle de Lalla Setti El-Ouacila (Notre Dame aux
fausses nattes de cheveux) (1): puis il se retira dans les cavernes de Bou Hennaq (2). Il accomplissait de nombreux
actes de dévotion, jeûnait fréquemment et récitait journellement une quantité d'oraisons. Quant à ses sermons, ils étaient persuasifs et faisaient frissonner d'épouvante. Tous ceux qui y assistaient disaient : « C'est moi que vise le prédicateur, oui, c'est bien moi. » La plupart des sujets qu'il traitait roulaient en effet sur la nécessité de craindre Dieu et de l'observer constamment, ainsi que sur ce qui nous attend dans l'autre monde. Il ne manquait jamais, dans toutes ses conférences, de faire une admonition. Ses paroles avaient une douceur qu'on ne trouve pas dans celles des autres hommes. Il donnait à chacun des conseils en rapport avec sa situation. Je l'ai toujours vu remuant les lèvres pour célébrer les louanges de Dieu. Il craignait tellement le Seigneur et l'observait avec tant de constance, que sa poitrine laissait échapper des soupirs et des gémissements. « On n'est vraiment pieux, lui ai-je entendu dire, que lorsqu'on obéit aux ordres et aux défenses de Dieu avec une humilité et une soumission parfaites. » Il fut le disciple du cheikh, le jurisconsulte, l'imam, le savant et muphti de Tlemcen, l'homme vertueux et ami de Dieu, sidi Mohammed ben Mouça El- Ouedjdijeny. Il assistait aux conférences que faisait le cheikh sidi Mohammed ben Yahia Abou's-Sadat sur l'unitarisme, c'est-à-dire sur l'Article de foi majeur d'Es-Senousî. C'était l'homme vertueux et ami de Dieu, sidi Mohammed ben 'Zaïd El-Qabaly El-Gadiry (d'Agadir) qui, dans ces conférences, faisait l'office de lecteur. Mohammed ben Mohammed ben Iça ne manqua jamais, jusqu'à sa mort, d'assister, tous les ans, à une, deux et même trois lectures complètes de cet ouvrage. Il décéda à Médine et fut inhumé à El-Baqi', cimetière de cette ville.
Notes1 Cette chapelle se trouve sur le plateau du même nom, au sud de Tlemcen.
2 C'est le nom d'une rivière et d'une montagne située à 10 kilomètres environ à l'O-N-O de Tlemcen.
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Posté Le : 10/09/2008
Posté par : nassima-v
Source : Ouvrage "El Bostan" d'Ibn Maryam, trad par F. Provenzali