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ORAN ET L'ESPAGNE AU XXº SIECLE: Contacts linguistiques et culturels



ORAN ET L'ESPAGNE AU XXº SIECLE: Contacts linguistiques et culturels


Je recommande la lecture de ce livre de Lamine Benallou dans lequel Catherine Dib trouvera quelques références aux hispanismes utilisés par son père dans son œuvre.
Ma grand-mère Heintz étant originaire d’Oran, son père devant être dans le millier d’Allemands recensés dans cette ville vers la fin du XIXème siècle, je ne pouvais qu'être intéressé par la survie d'une langue qu'elle parlait mais que je ne l'ai jamais entendue dire.
Ma plus grande surprise a été de constater l’existence dans mon propre parler d’hispanismes principalement apportés par mon père et d'un peu plus d’hispanismes apportés par ma grand-mère bien que traduits en français tels que ”mauvaise tête”. Parlons d'un ”Trago”, ”boire”, que mon père utilisait sous la forme ”Trago, trago” renvoyant à la fois à celui ou celle qui boit trop sans s’arrêter, indifférent au type de boisson, qu'à l’ivrogne, au Koulo. Je note aussi ”boliche” et ”boulicht”, le filet et l’appât, qui, dans mon environnement arrivent à se confondre chez des gens qui vont à la mer, qui pêchent mais sans être professionnels. D'autres termes de pêche comme ”palangre” sont communs, ce qui pose question. Pourquoi, pour la pêche, est-ce que le vocabulaire hispanique qui est dominant et non un vocabulaire arabe, français ou italien si ce n'est ottoman? Est-il un reste de la Lingua Franca qui fut dominante dans les livres et instructions nautiques Ottomans jusqu'à leur remplacement par la langue ottomane (cf Calvet) ou faut-il envisager une autre filiation ?
Les différentes observations sur l’usage, l’adaptation des hispanismes dans le parler arabe d’Oran sont passionnantes mais l'on peut regretter l’accent moindre porté sur l’éventuelle persistance de formes syntaxiques ou grammaticales bien que la remarque sur le ”que” espagnol soit importante car ce ”que” fut exporté jusqu'à à Alger, puisque je suis encore capable de l’utiliser et de transmettre son usage.
J'ai aussi fortement apprécié l’évocation d'un formidable monde de variétés linguistiques en Oranie éradiqué par les tenants d'une langue unique, tant Français qu’Algériens, tenants qui ont fait des ravages jusqu'en Tunisie, éliminant littérature et poésie maltaises qui s’y développaient au XIXème siècle. Mais il faudrait toute une étude sur la croyance en la nécessité d'une seule langue car elle a plusieurs généalogies.
L’imposition du français comme langue d’éducation a eu plusieurs conséquences dont je ne citerai que deux. D'une part le français de l’instituteur a eu tendance à devenir une langue idéalisée et, d’autre part, pour se distinguer des sonorités environnantes, certains de ses sons, son phrasé, ont été accentués comme le montre par exemple Jean Amrouche dans les interviews qu'il a menées.
Un livre donc que je recommande pour sa richesse et ses possibilités de développement.



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