«Etre dans l'air
du temps, c'est l'ambition des feuilles mortes». M. Kundera
Toutes les
rentrées se sont finalement faites, avec un air du déjà vu depuis des lustres
pour des millions de foyers qui ont pris les mêmes habitudes frappées du sceau
d'un fatalisme oriental, spécifique à l'Algérie sinon un mixte tout à fait
original mais résolument anti-production et productivité et surtout du travail
exécuté à la perfection du début jusqu'à la fin. Les villes et villages, les
cités et quartiers offrent le même hideux visage d'un lendemain d'émeutes
destructrices. Il faut sans cesse le répéter pour que, peut-être,
éventuellement les maires et les walis daignent voir sur le terrain et agir.
Partout des tonnes d'ordures, des restes de «chantiers», des herbes folles, des
arbustes secs arrachés par les services compétents sont entassés n'importe où,
au gré des saisons, du temps qui passe. Du sable, des briques, des planches, du
ciment qui ont sûrement coûté de l'argent à l'Etat sont oubliés après des
travaux réalisés pour des conduites d'eau, de gaz, pour le téléphone. Le privé,
les individus font exactement de même pour des travaux sans protection aucune,
provoquant des risques certains pour des piétons qui descendent sur la chaussée
à cause des trottoirs privatisés par les commerçants, des constructeurs de
garages plus deux ou trois sinon plus, selon le bon vouloir des propriétaires,
sans qu'aucune autorité se manifeste. L'odeur de la corruption ne serait pas
étrangère à un laisser-faire national. Envahis par les ordures et les
broussailles arrachées et laissées sur place, des citoyens n'hésitent pas à y
mettre le feu. Ce qui explique ces incendies «sous contrôle» et les multiples
volutes de fumée qui agrémentent les soirées d'un si beau pays, devenu si
repoussant de saleté que le fait d'évoquer le seul mot de tourisme relève du
gag de mauvais goût.
Toutes les rentrées se sont faites. Les
dégâts, les séquelles, les frustrations, les colères sont tels qu'il faut
rendre grâce au fatalisme, à la démission généralisée parce que les émeutes ne
sont qu'épisodiques et que le feu reste, pour le moment sous la cendre. Les
rentrées se sont faites, précédées et accompagnées par une forte canicule, qui
a fait chauffer les climatiseurs (honnis par Sonelgaz alors qu'ils sont une
demande), les dépenses du Ramadhan, celles de la rentrée scolaire, l'annulation
du crédit automobile pour les débris des couches moyennes et les autres salariés
du public et du privé. Toutes ces escortes des rentrées sont passées au-dessus
de la tête des riches, des corrompus, des gens bien placés pour leur valeur
d'usage et parce qu'ils participent du laisser-aller qui conforte des rentes de
situation, mais aussi une clochardisation avancée des esprits, de
l'environnement, de la qualité de vie de millions de familles. Là où l'Etat, à
juste raison, investit dans des autoroutes, à côté des cités, des quartiers
sont devenus définitivement des routes à grande circulation, des raccourcis
dangereux, sous l'oeil impavide de la wilaya, de la mairie et des résidents
devenus tous docteurs ès fatalisme, qui ne croient plus aux principes de
l'association, en l'action des autorités, en aucune gouvernance.
Le Ramadhan dernier, après tant d'autres, et
la rentrée scolaire, après tant d'autres, ont démonté pour la énième fois la
fiction plutôt comique de l'Union des commerçants et artisans qui entretient
des illusions. Dès sa création aussi fictive que d'autres, les autorités
s'adressent à elle pour réguler les prix, pour ne pas saigner les pauvres gens
qui vivent leur foi entre les besoins du corps humain, l'embrigadement
intégriste et celui de mosquées spécialisées dans le lynchage des femmes et les
bûchers dressés pour elles, pour les «casseurs» du carême et les amoureux
transis sous les taillis ou derrière un immeuble. Mais que peuvent faire
ensemble dans une même association un artisans plombier au volant d'une R4
interdite, théoriquement, de circulation depuis des décennies, et un
propriétaire de quelques superettes qui collectionne en famille les 4x4 et les
R plus plusieurs ? Strictement rien, tant leurs mondes sont différents, séparés
et parallèles pour l'éternité. Celle-ci est superbement oubliée par les
vampires de la prédation et les loups-garous des produits de large
consommation.
Des sommes considérables, qui feraient rêver
de nombreux pays, sont investies dans des infrastructures lourdes, dans
l'éducation et la formation, dans le logement. Les résultats sont régulièrement
brocardés par le Premier magistrat lui-même. Mais la bureaucratie tout aussi
fataliste que les administrés continue au rythme d'un sénateur dont personne,
strictement personne, en bas, ne voit l'utilité, comparée au rapport
qualité/prix. L'argent coule à flots, parfois disparaît en fumée, se nourrit de
rallonges et de RAR plus nombreux que les réalisations à livrer. Et pendant ce
temps-là, comme dirait le conteur, les exercices récurrents font écran,
occupent ceux qui ont du temps à «tuer», c'est-à-dire la majorité.
Les plus devins croient dur comme fer à un
remaniement ministériel, du genre tsunami. C'est rêver à voix haute dans une
presse qui, selon la conjoncture, les ordres reçus par l'imprimeur, les jours
fériés, les inondations, paraît tantôt six fois par semaine, tantôt cinq et
parfois quatre s'il y a un Aïd encadré par deux week-ends avec au milieu un
vendredi décrété sacré par l'hydre intégriste précieusement aidée par des
journaux et des prêches officiels récités par des apprentis théologiens en mal
de grade dans le clergé islamiste, salafiste, wahabiste ou simplement
affairiste.
Mais il y a quelques bonnes nouvelles qui ne
font sûrement pas un printemps, mais faute de grives... Le ministre de
l'Education nationale, à Tizi Ouzou, entre deux cours sur les effets bénéfiques
de la couleur d'un tablier d'écolier, a souhaité que le dialogue se fasse aussi
avec les syndicats autonomes. Il apparaît donc que ces OSNF (Objets syndicaux
non formatés) existent, peuvent être fréquentables et fréquentés ! A la bonne
heure ! Dissolution ou pas de l'APN ? Y aura-t-il un remaniement, petit, gros
ou moyen ? La communication et l'audiovisuel seront-ils à l'ordre du jour pour
être aux normes modernes, démocratiques et universelles ? Un peu de patience,
si toutes les rentrées sont faites, il y aura peut-être des sorties imprévues.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 24/09/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abdou B
Source : www.lequotidien-oran.com