Tizi-Ouzou - Parutions de livres de littérature


Bonjour, je m'appelle Mustapha Berkani, je suis de Tizi Ouzou et je viens vous présenter mon premier ouvrage (un ebook), "Une Famille Kabyle dans la Guerre d'Algérie".
Le livre est actuellement en vente sur mon site Internet http://www.mustaphaberkani.com
Il s'agit d'une autobiographie familiale.

Ci-dessous la présentation du livre.

Quatrième page de couverture:

Orphelin de toujours, l’enfant qu’il fut se souvient et la douleur se change en écriture : Mustapha Berkani a été poète avant de devenir enseignant et ce qu’il transmet, au nom des siens, est une vaste chanson de geste dans le style dépouillé comme la guerre qu’il a vécue et que la force des sentiments enrichit de passages poétiques.
L’évènement est présent, dur, voire horrible ; mais la voix qui s’élève sur les ruines et la mort est celle d’un chant de renaissance sans cesse renouvelé dans les travaux et les jours.
Qu’il s’agisse de la montagne, austère nourricière, ou de la mer, découverte avec une sensualité émerveillée, le destin de l’enfant porte le signe de la tragédie et de la simple survie sous le ciel de Kabylie.
L’hommage rendu par Mustapha Berkani aux siens, en particulier aux femmes de deux générations qui ont su résister dans les conditions les plus précaires, s’exprime avec une émotion positive : jamais, après cinquante ans de mémoire enfouie, cette autobiographie familiale ne prend le tour d’un règlement de compte avec la puissance coloniale.
La voix de Mustapha Berkani, obstinée et sereine, retentit comme un hymne à la vie et à la terre des ancêtres.
Philippe Braunstein (historien)

Description:
Récit autobiographique, « UNE FAMILLE KABYLE DANS LA GUERRE D’ALGÉRIE » retrace l’histoire d’une famille de Camp du Maréchal (Tadmaït actuellement), en Kabylie, forcée à l’exil en pleine guerre d’Algérie. Un saut dans l’inconnu et un destin qui bascule soudainement et complètement.

« UNE FAMILLE KABYLE DANS LA GUERRE D’ALGÉRIE » c’est le récit d’une enfance, marquée par le malheur et la souffrance liés à cette guerre.
« UNE FAMILLE KABYLE DANS LA GUERRE D’ALGÉRIE » c’est aussi un témoignage des atrocités de cette guerre tellement stupide.
« UNE FAMILLE KABYLE DANS LA GUERRE D’ALGÉRIE » c’est aussi l’histoire d’une amitié, brusquement interrompue, entre un petit indigène (fils de maquisard) et un petit Français.
Extraits:
« …La conquête de la Kabylie ne débuta qu’après 1840, dix ans après celle du reste de l’Algérie. Face à la farouche détermination au combat des 7 000 à 8 000 Kabyles de Sidi Ali Bounab, qui leur valut le surnom de « Gardiens des portes de la Kabylie », s’invita le maréchal Bugeaud. Le gouverneur général de l’Algérie, qui était à la tête de plus de cinquante mille hommes, menaça : « J’entrerai dans vos montagnes, je brûlerai vos villages et vos moissons, je couperai vos arbres fruitiers et alors ne vous en prenez qu’à vous-mêmes. » Il obtint sa première victoire en Kabylie, en 1844, dans cette plaine de Tadmaït, au pied de Sidi Ali Bounab. Il y établit vite un grand camp militaire, dans la perspective des futures expéditions vers le reste de la région. Le général Randon, qui prit la relève du Maréchal, buta à son tour sur une résistance farouche en haute Kabylie. Défait, en juillet 1854, il repartit avec de grands renforts, à l’été 1857, pour éviter la neige hivernale. Cette fois, l’héroïne kabyle fut vaincue, puis arrêtée. « Voilà donc la Jeanne d’Arc du Djurdjura ! » s’écria Randon, quand la prisonnière se retrouva face à lui dans sa tente. Elle fut alors placée en résidence surveillée à Béni Slimane, à plus de cent cinquante kilomètres de sa terre, qu’elle avait défendue si vaillamment. Elle mourut six ans après, à l’âge de 33 ans, trop éprouvée par son isolement et la mort de son frère. La prise de la Kabylie s’acheva ainsi, 27 ans après le débarquement des Français à Sidi Ferruch. Si elle valut à Randon le bâton de maréchal, elle fut, en revanche, une véritable dévastation pour les Autochtones. Des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants, furent massacrés et des centaines de villages brûlés. Pour affamer et affaiblir les Kabyles, des milliers d’oliviers, d’arbres fruitiers et d’hectares de cultures furent réduites en cendres. Pour couronner le tout, Randon exila des centaines d’hommes, les plus rebelles, à Madagascar, à Cayenne et en Nouvelle-Calédonie… »
« … Jusqu’à, soudainement et brusquement, cette nuit du 27 octobre 1956. Alors que nous dormions insouciants, l’armée française encercla notre maison, avant de l’investir au petit matin. Pendant que les soldats cognaient à la porte, ma grand-mère, qui s’était réveillée pour sa prière, ne savait que faire. Alerté par les bruits, mon oncle paternel Saïd se leva pour s’enquérir de ce qui se passait. Après un moment d’hésitation, sentant que la porte allait fendre, il l’ouvrit. Un premier soldat s’engouffra en renversant ma grand-mère au passage, suivi de deux autres, qui s’immobilisèrent au milieu de la cour. L’un d’eux plaqua mon oncle contre le mur.
— Où est-il ?
— Qui ?
— Ton frère Mohamed !
— Il n’est pas là, il n’a même pas passé la nuit ici.
— C’est ça, il l’a passée avec les fellagas. Et Hocine, où est-il ?
— Il est parti approvisionner l’épicerie en céréales. Nous sommes justement inquiets qu’il ne soit pas rentré.
— C’est ça, bien sûr, vous êtes très inquiets ! En attendant leur retour, embarquez-moi celui-ci !
On l’emmena, alors que d’autres militaires, dont deux ou trois Sénégalais, s’engouffraient dans les chambres. Ils nous réveillèrent à coups de pied, et nous poussèrent dans un coin de la cour. J’étais encore plus terrorisé, tout comme les autres petits, à la vue pour la première fois d’hommes noirs. Jusque-là, je croyais que tous les êtres humains étaient blancs. De plus, ils avaient l’air plus méchant que les soldats français ; ou peut-être faisaient-ils mine de le paraître ? J’enfouis ma tête sous le bras de ma mère. Je ne comprenais pas encore pourquoi tous ces militaires étaient là.
— Restez là et ne bougez pas ! ordonna le chef. Vous, fouillez-moi cette maison de fond en comble
— Ils ne sont pas là, laissez-nous tranquilles, protesta ma grand-mère en se levant. Vous ne voyez pas que vous faites peur aux enfants ?
Un Sénégalais se rua sur elle, la jeta sur nous en la sommant de ne plus bouger.
— Si vous restez tranquilles, nous ne vous ferons aucun mal, fit le lieutenant, d’un air plutôt apaisant. Nous allons juste attendre, tous ensemble, le retour de Hocine et Mohamed. Après ça, nous partirons… »

...Le jour même, les autorités coloniales étaient informées de la tenue de cette réunion, et de la présence de mon père. Le lendemain, son nom était sur toutes les lèvres. Les autres, qui parlèrent très peu, n’avaient pas en revanche été identifiés. Sauf si les gens avaient tu leurs noms, feignants de ne pas les avoir reconnus. De nouveau le maire appela mon oncle Hocine :
— Tu vois, son nom est fiché là sur ce tableau !
— Pourquoi encore ?
— Hocine, tu ne vas pas me dire que tu n’es pas au courant !
— Au courant de quoi ?
— Ton frère était là-haut hier avec sept autres, ils étaient tous encagoulés.
— S’ils étaient encagoulés, comment a-t-on reconnu mon frère et pas les autres ?
— Les témoins sont formels. En plus, il avait le premier rôle. Normal, c’est le seul qui soit lettré et assez intelligent pour cette mission.
— Quelle mission ?
— Expliquer, convaincre les gens. Tu n’es pas informé de la réunion d’Ifri, dans la Soummam ? Si ces témoignages s’avéraient fondés, ce serait sa fête et la vôtre à tous, tu peux me croire...

« … Le nuage de fumée s’étirait maintenant vers le sud, dans notre direction, poussé par une brise venant du Nord. Il arrivait au-dessus de nous, alors que nous étions encore au pied de la montagne. Il nous plongea, soudainement, dans une totale obscurité, répandant une odeur insupportable de tabac. Tout le monde toussait et nous avions du mal à respirer. Mon oncle Rabah s’empara de mon petit frère Boualem et de ma cousine Baya, les plus jeunes d’entre nous. Il s’engouffra dans la forêt pour les mettre à l’abri de la fumée, nous entraînant tous avec lui. Tout en bas au village, des voix s’élevaient encore dans la nuit ; des silhouettes allaient et venaient. Ce fut la dernière image que j’emportais avec moi, avant de m’enfoncer avec les autres dans le massif forestier. Une procession de vingt personnes, menées par la grand-mère, commença l’escalade, à tâtons. Vingt personnes, qui s’acheminaient vers un autre destin, un destin qu’elles n’avaient absolument pas choisi. Au-dessus de nous, la fumée finit par se dissiper entièrement ; le ciel ainsi dégagé scintillait, de nouveau, de milliers d’étoiles. Nous entrevoyions même, entre les branches des arbres, un croissant de lune au-dessus de la montagne. Ce fut avec un « ah », de soulagement, que la famille accueillit ses rayons de lumière, venus éclairer légèrement notre chemin. Nous pouvions même distinguer les silhouettes des uns et des autres ; ce qui nous rassurait.
Même si elle n’était pas loin de la soixantaine et assez menue, ma grand-mère tirait bien le reste des grimpeurs. Elle tenait par la main El Vey, mon grand frère de quatre ans. Le mouton, qui s’était attaché à elle depuis sa naissance, la suivait de près. On aurait juré qu’il la poussait avec ses cornes, pour l’aider à avancer. Agrippé à ses jupons, alors qu’elle portait sur son dos mon frère Boualem de quatorze mois, ma mère me tirait presque. De temps à autre, oncle Rabah venait à mon secours. J’étais alors bien ravi de faire un bout de chemin, bien perché sur ses épaules. Derrière nous suivait la femme de mon oncle Saïd. Enceinte, elle avançait péniblement. Son fils Amar, de six ans, et sa fille Malika, de quatre ans, lui emboîtaient le pas. Ahmed n’Saïd, son aîné, portait sa petite sœur Baya, âgée de deux ans. Suivait na Sadia, la femme de mon oncle Hocine, enceinte également. Elle tenait par la main Voussad, son dernier de quatre ans. Mon oncle Rabah, Ahmed et Ali l’Hocine, fermaient la marche. Nous avancions en silence, alors qu’une forte et singulière odeur de plantes et d’arômes sauvages, qui nous revigorait, se dégageait dans la fraîcheur de la nuit. Les feuilles des arbres, qui tapissaient le sol, crissaient sous nos pieds… »
« …Repue, ma grand-mère se leva la première pour aller s’adosser à son mur, tout près du foyer qui diffusait encore une douce chaleur. Tous les enfants lui emboîtèrent le pas. Elle trouva, comme d’habitude et malgré tout, les ressources nécessaires pour nous sourire. Son visage était légèrement éclairé par cette lumière encore rougeâtre du foyer. Elle savait ce que nous attendions d’elle et elle nous l’offrit. Le monde merveilleux des contes hypnotiques kabyles s’ouvre toujours par la formule : « Amachahou, écoutez que je vous raconte une histoire, que Dieu fasse qu’elle soit belle, longue et se déroule comme une longue corde ». L’auditoire doit répondre « Mahou », c’est-à-dire, ainsi soit-il, nous sommes tout ouïes. Et le conte s’achève par la formule : « Que mes contes ne s’épuisent pas, comme ne s’épuisent pas le blé et l’orge. Les jours de fête, nous mangerons de la viande et des pâtes, jusqu’à avoir des pommettes rouges et saillantes. » Nous étions là, muets, accrochés à ses lèvres et impatients de découvrir un nouveau conte, l’histoire de « La vache et les orphelins ». Au loin, des piaulements de chacals, tout près, des hululements de hiboux, emplissaient le silence de la nuit… »
« …Il ne faisait pas encore jour quand nous prîmes la direction de l’oliveraie, tout en bas dans la vallée. Nous n’étions pas les seuls à être réveillés ; la cueillette des olives mobilisait les efforts de tous les membres de la famille. Des femmes et des hommes, de tout âge, et des enfants, quittaient le hameau en direction du nord, du sud, comme nous, et de l’ouest. Khalti Ouezna, qui était une habituée, menait la marche. En traversant les oliveraies, où des familles étaient déjà à l’œuvre, elle ne pouvait s’empêcher d’engager des brins de causette par-ci, par-là. Comme elle nous mettait en retard, la méchante na Baya n’arrêtait pas de râler. L’oliveraie de jedi Omar nous apparut enfin. Le sol était jonché d’olives toutes noires, arrivées à maturité. Le vent avait fait son œuvre pour contribuer à la récolte, en soulageant, quelque peu, les gauleurs de leur éreintante tâche. Le ramassage était manuel, en position inclinée ou accroupie, l’échine courbée sur les genoux ; sinon assise, pour ceux et celles qui, malgré leur âge, tenaient à se rendre utiles. Une fois les olives tombées au sol récupérées, on passait aux olives des branches que l'on pouvait atteindre. Malgré tout, la récolte se passait toujours dans la gaieté. De chaque oliveraie montaient des chants, à la gloire de l’huile d’olive et des ramasseurs. Ils étaient entonnés par les vieilles, qui les tenaient de leurs mamans. Les vieux, pour leur part, étaient de bons blagueurs ; des fous rires fusaient de temps à autre. Étant donnée la pénibilité de la tâche, tous avaient besoin d’une atmosphère stimulante… »
« … Je m’émerveillais plus encore, une fois au bord de la mer. L’eau faisait de grands creux, avant de venir se jeter lourdement et bruyamment sur le rivage. Je restais pensif, sans chercher de réponses auprès de personne. Mon cousin Ahmed l’Hocine s’approcha de moi, comme s’il avait deviné mes questionnements.
— Tu sais, Mustapha, la mer n’est pas toujours comme ça. Quand il fait beau et qu’il n’y a pas de vent, les vagues sont bien plus petites, alors que l’eau est plus claire et d’un magnifique bleu turquoise.
— C’est quand les gens se baignent ?
— Oui. Tu vois là-bas, de l’autre côté de la mer, il y a la France, le pays des Français.
— Oncle Saïd et oncle Rabah sont donc là-bas, derrière cette mer !
— Rezki aussi. Mais c’est loin, il faut presque deux jours en bateau pour arriver.
— Dis-moi, puisqu’ils ont un pays, pourquoi sont-ils ici ?
— Tu parles de qui ?
— Des Français, voyons.
— Tu ne peux pas encore comprendre.
— Mais ce n’est pas leur pays, puisqu’il y a la guerre !
— Pour ça, tu as raison ! … »
« … Dès le lendemain, le vieux nous emmena, mon frère et moi, à la découverte de son univers. Nous marchions à ses côtés, pendant que son chien nous précédait, en se trémoussant et en agitant sa queue. Il me rappelait Pinou, notre chien de Camp du Maréchal, mort de chagrin. Il s’immobilisa devant une énorme porte en aboyant. Une véritable symphonie de « Bêeee ! » et de « Mêeee ! » répondit à ses aboiements. Le vieux tira de sa poche une grosse clé, qu’il glissa dans la serrure. Il avait du mal à pousser la lourde porte en bois ; toutes les bêtes se tenaient derrière, se bousculant pour passer en premier. Fox les rappela à l’ordre, en aboyant d’un air autoritaire. La porte s’ouvrit et le chien s’écarta pour laisser passer les bêtes. Moutons et chèvres avançaient maintenant devant nous, sûrs d’eux, et le chien cessa de manifester son autorité. Soudain, je me sentis raidir, lorsque je vis des militaires, en fraction devant la porte d’une caserne. Je m’accrochai à la djellaba du vieux.
— Je veux retourner à la maison !
— Ne crains rien, mon petit.
— J’ai peur des soldats, ils nous ont chassés de notre maison et de notre village.
— Tu ne voudrais pas que mes bêtes meurent de faim, n’est-ce pas ?
— Non, je ne veux pas. Mais moi, je n’ai plus envie de t’accompagner.
Je mis le vieux dans une situation embarrassante et j’en étais désolé. Il ne pouvait pas abandonner son troupeau, pour accéder à ma requête.
— J’ai une idée. Cache-toi dans ma djellaba, ils ne te verront pas. Tu veux bien que nous essayions ?
— Je n’aime pas les soldats, ils ont tué mon père !
Il s’accroupit, m’entoura de ses gros bras et me serra très fort.
— Ne dis pas ça. Tu as plein de papas, voyons ! Il y a tes oncles Hocine, Saïd, Rabah et peut-être bien d’autres.
« … Dès que j’ouvris les yeux, mes pensées allèrent encore vers mon ami français. Il ne faisait pas encore jour et j’avais du mal à me rendormir. Allongé dans l’obscurité, j’imaginais la suite des événements. Des coqs se mirent à chanter et des moutons à bêler. Pendant ce temps, ma grand-mère marmonnait, tout au fond de la pièce, quelques prières à propos de l’avenir de l’Algérie. Je me rendormis au moment où mon oncle Hocine s’apprêtait à sortir ; il discutait bruyamment avec sa femme. Quand ma mère me réveilla pour l’école, je bondis.
— Maman ! Yves est parti. Je l’ai vu monter à bord d’un bateau, avec ses parents.
— Et après ?
— C’est mon ami, maman ! En plus, je ne connais même pas sa famille !
— Tu ferais mieux d’oublier, tout cela fait désormais partie du passé.
— Maman, il pleurait. Il ne voulait pas embarquer.
— Je ne comprends rien à ce que tu racontes.
— Il ne voulait pas monter sur le bateau, en partance pour la France. Il criait, « c’est l’Algérie mon pays ! »
— Ce n’était qu’un cauchemar, voyons, tu verras qu’ils sont encore là.
— Tu crois !… »











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