Tizi-Ouzou - Bijouterie


Plus riche sont les bijoux et parures du Maghreb rural. Dans toutes les campagnes et montagnes, les parures, qui atteignent parfois des dimensions gigantesques, sont en argent, remplacé parfois à l´époque contemporaine par du métal blanc, maillechort ou autre alliage dont l´éclat compense la médiocre qualité.
Longtemps, les bijoutiers se contentèrent de fondre des monnaies d´argent pour obtenir la quantité du métal nécessaire, mais plus fréquemment encore on refondait d´anciens bijoux en récupérant les cabochons de corail, des pierres semi-précieuses et de verroterie. Cette pratique constante a empêché la conservation des bijoux anciens. Cependant la technique s´étant fidèlement maintenue, les bijoux conservent, tout comme les poteries, les tissages et les meubles en bois, un aspect très archaïque.
A la suite des travaux de H. Camps-Fabrer, on peut facilement reconnaître dans l´orfèvrerie maghrébine deux grands ensembles techniques qui donnent des produits assez différents, bien que le fonds soit commun : ce sont la bijouterie moulée et à découpage ajouré et la bijouterie émaillée.
La première est connue partout, elle est, peut-on dire, pan-maghrébine, la seconde, au contraire, est très étroitement limitée à quelques minuscules cantons quand ce n´est pas à un groupe de villages spécialisés.
Au XIXème siècle et dans la première moitié du XXème, l´orfèvrerie émaillée était pratiquée en Kabylie chez les Aït Yenni, en Tunisie, dans le bourg de Moknine et dans l´île de Jerba, au Maroc, dans l´Anti-Atlas et plus précisément à Tiznit.
Actuellement les ateliers de Moknine et de Jerba ont cessé de produire ces bijoux, et la production a considérablement diminué au Maroc. Seule la Kabylie maintient, difficilement, la fabrication de bijoux émaillés.

Dans l´orfèvrerie kabyle le corail occupe une place importante; les parties les plus épaisses servent de cabochons, sertis sur toutes sortes de bijoux. Perforés dans le sens de la longueur, les brins deviennent des perles tubulaires et des pendeloques.
Mais la grande originalité réside, bien entendu, dans l´émaillage. cette opération est précédée de la soudure de filigranes torsadés ou de fils épais qui compartimentent le décor. Dans les espaces ainsi cloisonnés sont déposées des poudres d´émaux différents : jaune, vert et bleu, puis le bijou est placé dans le foyer de charbon, que l´artisan active à l´aide d´un soufflet ou d´un chalumeau. A Moknine et à Jerba, où l´argent est souvent doré, l´émail rouge est également utilisé. Dans le Sud marocain et à Moknine, des pierres semi-précieuses et de la verroterie remplacent le corail.
Effectivement, la bijouterie kabyle et celle des centres moins importants du Sud marocain et de Tunisie appartiennent à la grande famille des orfèvreries cloisonnées ou filigranées émaillées qui, apparue en Orient, quelque part dans le nord de l´Iran, connut son plein développement en Europe dans les royaumes barbares : franc, lombard, wisigothique, du Haut Moyen age.
Les Vandales, autre peuple germain, ont donc pu introduire cette technique en Afrique. Mais il paraît difficile de croire que les Vandales, peu nombreux, et dont la domination fut limitée à la partie orientale de l´Afrique romaine pendant tout juste un siècle, eurent assez d´influence pour que cette technique ait pu se maintenir en des régions (Kabylie, Anti Atlas) qui échappèrent totalement à leur contrôle.
Ainsi plusieurs auteurs, G. Marçais, D. Jacques-Meunié et H. Camps-Fabrer, tout en ne rejetant pas une première introduction à l´époque vandale, ont songé à une nouvelle pénétration à la fois plus récente et plus massive.
Tout près du Maghreb, en effet, s´est maintenue chez les Musulmans d´Espagne une orfèvrerie filigranée émaillée qui a pu servir de modèle aux productions africaines. Postérieurement, l´art mudéjar se maintient jusqu´à l´expulsion définitive des Morisques au début du XVIIéme siècle. Ceux-ci vinrent, sous le nom d´Andalous, s´établir dans les régions littorales du Maghreb. Leur arrivée se fit par vagues successives, depuis l´achèvement de la Reconquête jusqu´aux expulsions de 1609-1614, qui amenèrent en Afrique plus de 200 000 personnes. Or nous savons qu´au Maroc des Andalous s´établirent à l´intérieur des terres, jusqu´à Marrakech et Taroudant aux portes de l´Atlas; en Algérie centrale ils constituèrent une partie notable de la population d´Alger et de Vgayeth (Béjaïa), de part et d´autre de la Grande Kabylie. En Tunisie, les villes de Tunis, Sousse et Mahdia en reçurent en grand nombre.
Il est donc tentant de leur attribuer l´introduction, ou la réintroduction au Maghreb, d´une technique que les Wisigoths avaient fait connaître à l´Espagne et que les Arabes avaient maintenue et enrichie au cours des siècles.
Au Maroc et en Tunisie, l´orfèvrerie émaillée, comme tout le travail des métaux précieux, était aux mains des Juifs. Ceux-ci auraient été les intermédiaires entre orfèvres andalous, eux-mêmes juifs pour la plupart, et la clientèle maghrébine. Mais le rôle est plus difficile à admettre en Kabylie où ce sont les Kabyles eux-mêmes qui, actuellement, fabriquent leurs bijoux. Ce ne fut cependant pas toujours le cas; dans certaines tribus, il y´eut des orfèvres juifs, qui n´existent plus en ce moment.
La spécialisation des Aït Yenni ne semble guère antérieure à deux siècles, et paraît avoir été provoquée par l´installation d´artisans Beni Abbès, venus de Petite Kabylie, qui étaient eux-mêmes en relations suivies avec Vgayeth.


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