Tizi-Ouzou - Contes et légendes d'Algérie

Les aventures de Vèlâjoudh (Conte Kabyle)



Les aventures de Vèlâjoudh (Conte Kabyle)
Vèlâjoudh est un héros des contes kabyles. C’est un jeune enfant espiègle, qui se moque de tout le monde, même de Teriel (l’ogresse). C’est son histoire que nous allons vous raconter aujourd’hui.
Vèlâjoudh, petit garçon facétieux, invente des situations loufoques, rien que pour rire et faire rire ses semblables.
Un jour, il décide de s’attaquer à Teriel (l’ogresse) qui hante sa contrée. Cette dernière devenue vieille est atteinte de cécité (thiderghelte). C’est en tâtons qu’elle cherche sa route et à tâtons qu’elle se sustente.
Vèlâjoudh attend Teriel (l’ogresse) juché sur un figuier qui n’appartient à personne et appartient en même temps à tout le monde. C’est pour cela d’ailleurs qu’on dit à propos d’un tel figuier ce proverbe :
« Am thnoqlets B-ouvrid’
Ouin âdan ad’ ikharef »
(Tout le monde a le droit de manger de ses fruits sans crainte)
La saison des figues est finie depuis longtemps. mais puisque Teriel est aveugle, Vèlâjoudh veut lui jouer un tour. Dès qu’il la voit au loin, il monte au faîte du figuier et se met à crier de toutes ses forces.
– Oui vghan ad’ikharef
Ad iâdi gher d’a
Thanoclets vèlajoudh
Thethour d’elfakia
(Celui qui veut manger des figues hors saison n’a qu’à venir ici, le figuier de Vèlâjoudh regorge de fruits !
Teriel intéressée s’approche, elle tâte les branches, mais point de fruits. Courroucée, elle cherche Vèlâjoudh qui s’était réfugié sur la plus haute branche. Elle l’attrape et le fait entrer dans l’outre qu’elle avait ramenée pour puiser de l’eau. Afin qu’il ne puisse s’échapper, elle ferme le goulot de l’outre avec des feuilles de vivras (oignon sauvage) faute de cordelettes.
Elle dépose l’outre avec Vèlâjoudh dedans, au pied du figuier et s’en va au ruisseau tout proche pour se désaltérer. Sentant l’odeur caractéristique du vivras, Vèlâdjoudh devine que c’est avec les feuilles de cette plante qu’elle a fermé l’outre.
Il se débat un cours instant et l’outre s’ouvre. Avant que Teriel ne revienne, il remplit l’outre « d’-ivaâlalachène » (petites pierres) ramassées sur place et court se mettre à l’abri sur un petit monticule qui donne sur la route et le figuier.
Après s’être désaltérée, Teriel met l’outre sur son dos. Elle est lourde, elle se dit que Vèlâjoudh ferait un très bon repas. Après avoir fait quelques pas, elle sent des douleurs dans son dos, elle demande à Vèlâjoudh de changer de position, afin que ses genoux ne lui fassent pas mal. Comme il ne s’exécute pas, elle se met à crier à haute voix :
– Ekès roukvath ik’
Seg zag’our iou a Vèlâjoudh !
(Enlève tes sales genoux de mon dos Vèlâjoudh!)
Comme il était hors de portée, il lui lance moqueur :
– Mouqel ma ligh d’akhel ouïdid’ !
(Regarde dans l’outre si j’y suis !)
Rageuse elle laisse tomber l’outre d’où s’échappent des pierres.
– Tu m’as eu petit garnement, mais tu ne perds rien pour attendre ! Je t’aurait un jour ou l’autre foi de Teriel !
Sorti indemne, Vèlâjoudh continue à faire des siennes. Il remonte sur le figuier et abuse les gens en leur faisant croire que l’arbre produit des fruits en toutes saisons.
Un jour occupé à déblatérer ses mensonges éhontés, il ne s’aperçoit pas de l’arrivée de Teriel. Elle le prend au collet et le cueille comme un fruit. Le met dans l’outre qu’elle noue cette fois-ci avec ses cheveux, aussi solides que des filins d’acier. Elle le met sur son dos et l’amène chez elle. Il a beau se débattre, il n’arrive pas à dénouer ou à casser les filins d’attache.
Arrivée chez elle Tériel le transborde dans un grand ak’oufi (silo domestique) et tâte tout son corps à travers l’ouverture d’aération. Elle le trouve bien maigre et décide de surseoir à le dévorer. pour l’engraisser elle lui donne :
« Thament d’oud’i
Ih’vouven lâli »
(Miel, beurre et figues triées)
Vèlâjoudh prend du poids, mais veut le cacher à Teriel pour accroître ses chances de survie.
Au bout de quelques jours de gavage, Teriel demande à Vèlajoudh de lui montrer sa main pour voir s’il avait grossi. En guise de main, il lui fait tâter le manche en bois de la cuillère avec laquelle il mange.
– Dyamen theqouredh am sghar !
(Tu est toujours aussi sec que du bois, on dirait que tu ne manges pas !)
Déçue Teriel referme le couvercle (thimd’elt ouk’oufi).
Quelques jours plus tard, elle procède à la même opération. cette fois-ci Vèlâjoudh lui fait tâter un manche en bois
– Daymen theqouredh am qechoudh !
(Toujours aussi sec Vèlâjoudh !) mais cela ne fait rien aujourd’hui même, tu vas servir de repas à mes invités.

«Cela fait des jours que je remets ça, je croyais que tu allais grossir, mais puisque tu ne veux pas devenir gros, on ne va pas faire la fine bouche, on va te dévorer comme ça !»
Teriel sort de chez elle et va ramener sa fille.
« M-eth vaâlouchte » à l’œil blanc de chez sa tante (khaltes).
De retour chez elle, elle donne des instructions à sa fille. Vélâjoudh prisonnier entend tout.
Elle ordonne à sa fille de rouler du couscous, de sortir Vélâjoudh de l’ak’oufi, de l’égorger et de le débiter en morceaux.
Tout doit être prêt, quand sa mère rentrera, accompagnée de ses invités.
Dans sa prison Vélâjoudh est angoissé. Sa fin est arrivée. Il va servir de repas à Teriel et aux membres de sa famille. Les propos de Teriel sont effrayants.
Après avoir préparé tous les ingrédients nécessaires, elle ouvre le grand couvercle du dessus de l’ak’oufi qui était bien scellé. Elle se saisit de Vélâjoudh.
Il la mord, elle lâche prise et se met à crier.
Profitant de ce moment de répit, Vélâjoudh se saisit de la lame qu’elle avait laissé tomber et lui tranche la gorge. Une fois l’adversaire terrassé, il la débite en morceaux qu’il met à cuire dans une grosse marmite (thaqd’irth ou thasilte thamoqrante).
Vélâjoudh se déguise ensuite pour prendre les apparences de la fille de l’ogresse. Il met ses habits et s’affuble d’un bandeau sur l’œil pour donner l’illusion. Une fois le repas prêt, il le sert à l’avance aux invités. Il ne reste plus qu’à saucer.
Il sort dehors, et met près de l’entrée de la grotte des fagots de bois, qui lui serviront à allumer un feu, au moment voulu.
Puis, il fait le guet en montant sur un arbre.
Dès qu’il voit Teriel et ses invités, il entre dans l’antre, et les reçoit en contrefaisant sa voix, et en se cachant le visage avec un foulard.
Teriel est aux anges. Sa fille (Vélâjoudh déguisé) s’est acquittée avec brio de toutes les tâches, dont elle l’avait chargées. Elle la remercie de vive voix.
En mangeant, une invitée trouve un œil blanc dans son plat, elle s’écrie :
– Ats ghiled tsavaâloulte
N-illi-m a khalti Teriel !
(On dirait l’œil de ta fille, tante ogresse !
Tout le monde s’arrête de manger.
Les invités examinent un à un l’œil et déclarent à l’unanimité, que ça ressemble effectivement beaucoup à l’œil malade de sa fille.
Teriel appelle sa fille, et court vers elle. Craignant de se faire prendre, Vélâjoudh se débarrasse des habits de la fille de l’ogresse et se précipite vers la sortie de la grotte, tout en criant :
– Teriel thetcha Illi-s
– Teriel thetcha illi-s !
(Teriel a mangé sa fille !
Teriel a mangé sa fille !)
Teriel le poursuit en tâtonnant, elle trébuche et tombe. Dès qu’il sort de la grotte, il allume un feu de brindilles, qui s’enflamment aussitôt.
Il enfourne ensuite plusieurs fagots qui prennent feu.

En un clin d’œil, l’entrée de la grotte devient un brasier.

Teriel et ses invités suffoquent. Ceux qui tentent de sortir sont brûlés vifs.
C’est ainsi que Vélâjoudh met fin pour des années, à tous les ogres et ogresses de la contrée, et assure sa renommée.
« Our kefount eth’houdjay i nou our kefoun ird’en tsemz’ine. As m-elâid’ ametch ak’soum ts h’em’zine ama ng’a thiouanz’iz’ine. »
(Mes contes ne se terminent, comme ne se terminent le blé et l’orge.
Le jour de l’aïd nous mangerons de la viande avec des pâtes, jusqu’à avoir des pommettes rouges et saillantes).




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