Depuis les temps les plus reculés l’homme s’est fixé un objectif: celui de rendre sa vie plus à l'aise et civilisée. Il s ’est attelé à comprendre la nature puis à la changer à son profit. C’est ce que nos ancêtres ont fait à Tarihant.
Situé dans la zone du versant sud de la région côtière et au nord du Sébaou, Tarihant est l’un des plus grands villages de la commune de Boudjima. Elle compte parmi les régions les plus anciennement habitées de la Kabylie. L’homme s’y est installé depuis la préhistoire.
Les vestiges de cette lointaine période retrouvés sur place attestent de l’existence de plusieurs civilisations préhistoriques et d’un enchaînement chronologique presque complet. Lors de missions de prospection, M. Bordes, alors enseignant à Boudjima, a découvert des industries lithiques très riches situées en haut et au nord du village ainsi qu’aux alentours du magnifique rocher d’Azru Imeyazen. Plusieurs outils en quartzite tels que grattoirs et lames marquent la période du Levalloisien ou Paléolithique moyen. Le Moustérien, qui date du paléolithique moyen (40.000 à 25.000 ans av. J.C.), est dominant. Dans sa collection Bordes nous signale des pointes et des lames en pierre. L’homme du Neandertal semble donc avoir habité la région. Il y a trouvé aussi quelques éclats de l’Ibéro-Maurésien (12.000 ans av. J.C. environs) la plus ancienne des civilisations épipaléolithique.
L’homme protohistorique de la région de Tarihant fut quant à lui un artiste. Il avait traduit dans des oeuvres peintes dans des abris ses préoccupations quotidiennes et le génie de sa langue: Le libyque.
On signale à Tarihant cinq abris protohistoriques: Azru T’zizwa, au nord, Azru Allal, Tamda u Qelwac, Azru Uzaghar et le site le plus riche Azru Imeyazen au sud.
Azru Imeyazen est un énorme rocher, situé à environ 1500m au sud du village de Tarihant. Découvert par Bordes en juin 1965, ce site se divise en deux abris. Le premier mesure 13m de long, 3m de haut et 2.5m de profondeur. Le second de forme ovalaire mesure quant à lui 8m de long sur 5m de hauteur et 1m de profondeur.
Azru Imeyazen abrite des peintures très nombreuses: des silhouettes humaines et ithyphalliques, une scène de chasse, des silhouettes animales, des dessins énigmatiques et des inscriptions libyques semblables au Tifinagh. Ce site a été jusqu’à une époque récente vénéré et des cérémonies de la fête de la pluie s’y déroulaient à chaque fois que la sécheresse menaçait l’agriculture et la vie des hommes. Il était aussi un lieu de rencontre des sages d’une partie des villages des Ath Waguenoun afin de régler leurs différends d’où son nom " Azru Imeyazen "(Le rocher des sages).
Les autres abris sont moins importants. Leurs dessins rupestres représentent des inscriptions libyques, des silhouettes humaines et animales ainsi que des dessins énigmatiques. Ils ont tous été l’objet d’une étude plus ou moins complète de MM. Poyto et Musso en 1967(Corpus de peintures rupestres de Grande Kabylie).
Une étude très spécialisée de ces peintures nous renseignera davantage sur l’âge de ces oeuvres ainsi que sur le mode de vie, la densité humaine, la culture de nos ancêtres protohistoriques et leur apport civilisationnel en Algérie et au Maghreb.
A la fin de la protohistoire l’homme a abandonné ses grottes et ses abris pour construire des demeures, puis des villages et répondre à ses besoins de plus en plus croissants.
A Tarihant les témoins de la transition ne manquent pas. On les rencontre sous ses pieds. Ils sont village antique, moulin à l’huile...
Pour se fixer l’homme recherche toujours les lieux abrités des vents, exposés au soleil, riches en eau et en pâturage et surtout facile à défendre. Construit probablement au début de l’ère chrétienne, Lafayar, le village antique se présente comme un lieu idéal. Nous supposons qu’il fut un poste avancé face aux romains installés à Iomnium( Tigzirt). Deux postes de garde orientés vers la mer et non vers l’intérieur nous font supposer que des incursions militaires romaines étaient fréquentes. Sa situation défensive lui a permis de résister aux siècles puisqu’il a survécu aux querelles tribales qui ont marqué l’histoire de la Kabylie. La mémoire collective nous renseigne que c’était suite à une attaque d’une tribu des Iflissen Lebhar que ses habitants l’avaient quitté pour s’installer dans l’actuel village de Tarihant.
La céramique trouvée par nos soins se révèle du 2e et 3e siècles de l’ère chrétienne. Les pierres de taille répondues sur toute l’étendue du site et les ruines ou ce qui reste des habitations nous font penser à un travail archaïque et à une architecture simple et modeste.
Le village a été certainement détruit à plusieurs reprises, puis reconstruit. Il n ’a, donc, pas pu garder son architecture originelle.
Non loin du village deux moulins à l’huile creusés à même le rocher et datent de l’antiquité nous font penser à une riche industrie de l’huile d’olive et à une importante région d’olivier de nos jours disparus. Ils nous font penser aussi à une forte densité humaine dans l’antiquité dont nous ne connaissons presque rien.
Ali Guenoun, Le Pays, 1994(extrait).
Histoire récente de TarihantHormis les sites préhistoriques, au nord du village se situent des vestiges historiques: des ruines d'un village où l'on distingue des pierres taillées à la manière romaine. Il s'agit d'un village nommé Takvilt (ancien nom de Tarihant) avec une entrée appelée les portes de Mach Kfal; s'agit-il de Mas Kval? parfois prononcé Kva, nom d'un site au sud de Takvilt (Takhamt Neldjir aujourd'hui).
Takvilt possède une Kelaâ (forteresse) et Lafayer (sentinelle) comme l'affirme un vers ancien: celui qui veut habiter un palais, la forteresse est à Garura (un lieu de Takvilt).
Après de multiples invasions par Iflissen (phéniciens) et un glissement de terrain, les habitants de Takvilt avaient déménagé pour se rendre à Ait Aissa Mimoun et Blida.
Takvilt s'était vidée, puis arrivèrent trois frères: Moussa Ouali, Kaci Ouali et Yahia Ouali. D'après les dires, ils avaient tué un sultan et pris la fuite pour se réfugier à Tarihant. Ils sont appelés aussi les Ait Vouseltan, d'où certains habitants aujourd'hui portent le nom de Seltani. Ces trois frères s'y installèrent (à coté d'un arbrisseau, appelé la myrthe ou Tarihant en kabyle) et fondèrent leur maison. Puis arriva Meziane N'Ait Meziane pour renforcer les Oualis.
Aujourd'hui Moussa Ouali, Kaci Ouali et Meziane N'Ait Meziane ont fondé le peuple du village Tarihant. Yahia Ouali a fondé les deux villages voisins de Takhamt Neldjir et Tissegouine.
La population actuelle de cette région dépasse 5000 habitants.
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Posté Le : 16/02/2008
Posté par : nassima-v
Source : www.la-kabylie.com