C’est dans un petit village perché sur les cimes du Djurdjura, dénommé Darna, dans la commune d’Iboudrarène, à soixante kilomètres de Tizi Ouzou, éden de mes habituelles vacances estivales, que je suis resté admiratif par un geste devenu civiquement instructif, coutumier et quotidien depuis de longues années d’un natif du terroir.
Da Aomar Aït Sidhoum est âgé de 83 ans, retraité, viscéralement et affectivement attaché aux paysages et à l’environnement des lieux où il a vu le jour, et qui ont couvé son enfance et sa prime jeunesse.
Un véritable pacte moral d’assistance conclut entre cet octogénaire et Dame nature pour s’accompagner à des heures de disponibilité de la journée et parfois le soir en saison hivernale à la lumière d’une torche afin d’œuvrer ensemble pour imposer une leçon de civisme pour que verdoient dans la pureté les crêtes et les vallons de ces majestueuses montagnes de Lalla Khedidja.
Avec un attirail de fortune composé d’une pelle, d’un sceau et d’un râteau Da Aomar mène ainsi une résistance à l’incivisme et à l’ingratitude de l’homme oublieux des bienfaits et de l’esthétique environnemental de la nature.
Aux quatre coins du village et dans toutes ces parcelles végétales, il effectue avec amour et enthousiasme une véritable toilette de l’environnement intégré à la biodiversité ambiante d’alentour.
Aucun immondice ni déchet ne sont épargnés avec sa méthode d’intervention efficace, qui redonne par la propreté le charme de la beauté écologique au village. Ce qui est devenu une passion pour Da Aomar qui, avec sa familière bonne humeur, ne désespère point par la persévérance de son inlassable ténacité civique de voir un jour ses concitoyens adhérer à l’action par la simple retenue comportementale de ne plus jeter des ordures et salir l’environnement dans le respect de la nature qui demeure une source de vie et d’équilibre pour le bien être de la communauté villageoise.
A ce propos, écoutons un instant Da Aomar que nous avons questionné au cours d’une rencontre sur la motivation de cet engagement solitaire érigé ainsi en rite écologique familier au village à la satisfaction de la population appuyée par la reconnaissance de la collectivité et les sages de celle-ci qui constituent la stimulation de son ardeur pour cette noble mission citoyenne de son choix couronnée en ceci par l’attribution d’un diplôme d’honneur et de félicitations de l’Assemblée populaire communale d’Iboudrarène.
«Je suis né dans ce village de Darna où j’ai grandi, et je me souviendrai toujours de sa beauté, par sa nature autrefois respectée et protégée par les citoyens. Point de jets de détritus ou d’ordures dans une organisation sociétale où ceux-ci étaient collectivement collectés pour être brûlés et les cendres ensevelies sous terre.» «C’est cette image qui est ancrée dans ma mémoire et il m’est ainsi impossible de voir la nature souillée sans m’impliquer modestement et passionnément par un geste de salubrité, ce qui me procure intérieurement un grand réconfort moral d’un simple devoir civique accompli à l’endroit de l’environnement de mon village natal.»
- Des valeurs
Une confession de Da Aomar qui nous interpelle quant à la réappropriation de nos valeurs civilisationnelles à dessein de préserver et de sauvegarder le fabuleux et splendide patrimoine écologique de l’Algérie dans la richesse éblouissante de l’écosystème de ses sites paradisiaques, lumineux de beauté et de luxuriance teintées de soleil sonore de Méditerranée.
Ceci à travers l’implication citoyenne effective dont la contribution essentielle s’articulerait autour du comportement moral et civique de l’ensemble de la société dans un élan collectif tramé dans une symbiose de rapprochement et d’amour avec l’éternel univers de la vie constellé par la nature, l’écologie et l’environnement.
Un patrimoine générationnel de toute la nation dont il en constitue le reflet des valeurs civiques et qui doit jalousement et précieusement être conservé et préserver à l’instar de la leçon de quotidienneté pragmatique de Da Aomar porteuse d’émulation car vouée à l’amour de la nature en un lien affectif avec des lieux d’écologie et de paysages édéniques de ces sommets imprenables du Djurdjura.
Que cette exemplarité salutaire se conjugue à travers nos villes et villages à dessein d’une sensibilisation d’éveil citoyen par un renouement avec nos valeurs traditionnelles de propreté, de salubrité, d’hygiène dans l’harmonie de la protection et de la préservation d’une fertilisante écologie.
Une lutte constante menée et soutenue par une participation citoyenne effective s’avère ainsi un impératif absolu dans l’urgence dictée à une étape inquiétante d’incivisme et d’indifférence devenue alarmante par le constat journalier de dégradations et de défigurations croissantes et avilissantes de havres de beauté écologique d’émerveillements jadis légendaires.
- Implication citoyenne
Ce phénomène est malheureusement très répandu sur de somptueux sites, à l’instar du féerique décor des berges de plaisance du barrage de Taksebt, à 6 km de Tizi Ouzou, livré à de véritables agressions de la nature par des jets de bouteilles et autres immondices de répugnantes laideurs générées par un comportement récidiviste, nocif d’ensauvagement.
Une déplorable et sidérante réalité de l’état des lieux de notre patrimoine écologique, environnemental et urbain qui, par bonheur, a suscité une implication de la société civile à travers le mouvement associatif, qui infatigablement et avec motivation se déploie avec abnégation sur le terrain par des actions civiques de salubrité et d’hygiène.
«Cette thérapie» salutaire est certes insuffisante à la dimension de l’ampleur du fléau, mais revêt l’espoir d’un effet psychologique de sensibilisation et de conscientisation auprès de la société susceptible d’amorcer une adhésion citoyenne dans la perspective d’une résurrection du civisme traditionnel, qui hélas fut au passé celui du peuple algérien.
- Une interpellation des consciences liée à la menace récurrente de l’état des lieux d’écologie et d’urbanité de notre pays
Dans ce contexte, la perception, les impressions et les avis des nombreux étrangers visiteurs de l’Algérie concordant par ailleurs avec la régression des classements de médiocrité inacceptables et blâmables de notre pays par des organismes de référence de notoriété internationale en matière d’écologie et d’urbanité s’avèrent à juste titre une interpellation des consciences pour une démarche salutaire de sauvegarde urgente de ce patrimoine à revaloriser au souvenir de son prestige d’antan.
Lounis Aït Aoudia
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Posté Le : 13/12/2019
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Lounis Aït Aoudia
Source : elwatan.com du jeudi 12 décembre 2019