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biographie d'Ait-Menguellet
Né le 19 janvier 1950, Lounis Abdendi Aït Menguellet est originaire d'Ighil Bouamas (le "coteau du milieu"), un petit village kabyle de la chaîne montagneuse de la Djurdjura. Il est le dernier né d’une famille de six enfants ( il a trois sœurs et deux frères ).

« J’ai eu la chance de naître, et grandir dans une famille un peu particulière mais très enrichissante. En fait, j’ai eu le privilège d’avoir quatre grands-mères. Mon grand père que je n’ai pas connu s’est marié avec trois femmes qui ont toujours vécu ensemble jusqu’à leur disparition. Ce qui fait que j’ai plusieurs oncles issus des trois liaisons. Ma quatrième grand-mère est celle maternelle de ma propre mère ». (la dépêche de Kabylie, 25 avril 2005).

Ce grand-père est décédé en 1945, soit cinq ans avant la naissance de Lounis. Les hommes de la famille, dont son propre père, sont presque émigrés dans la région oranaise. « Ma famille avait pour tradition le commerce. On avait une sorte de ferme et des magasins dans l’Oranais, à Rahouia. Les hommes y allaient à tour de rôle pour faire marcher les commerces. Les femmes et les enfants restaient en Kabylie » (Ibid).

Il fait à peine sa rentrée à l’école à Ighil Bouamas, en pleine guerre d'Algérie. « J’y été pendant une année, avant que l’école ne soit détruite, brûlée par les Moudjahiddine. Je me dis que je lui ai porté chance » (Ibid). «[la suite] a été un peu compliquée. J’ai tenté de reprendre les études au village, et j’ai fait quelques années encore avant l’indépendance. Puis, après 1962, je suis parti avec mes frères sur Alger ou j’ai repris le cursus primaire dans une école aux Champs de Manœuvres, et de là, j’ai atterri au collège d’enseignement technique ou j’ai fais trois ans » (Ibid).

Il y reçoit un formation d'ébéniste. Durant sa dernière année s'étude, il doit tout abandonner : son grand frère qui l’avait à sa charge, et avait un travail, meurt dans un accident de circulation. Son autre frère étant parti de son côté, Lounis doit se retrousser les manches pour assumer son rôle de tuteur de ses soeurs, le père étant souvent absent après s’être remarié à Oran.

« Je me suis fait embaucher au ministère des Travaux publics comme secrétaire subdivisionnaire. J’étais là pour la réalisation de la première tranche du complexe du 5 Juillet. Après, j’ai été admis sur concours dans la dernière banque française qui était encore installée en Algérie. J’ai fait une année avant de me retirer pour rentrer au village, en 1970. » (ibid). Parallèlement, Lounis Aït Menguelet commence une carrière musicale. Son début dans le domaine remonte, en fait, à 1967 au sein du groupe "Imazighen" avec Lamara Boukhalfa, El Hachemi N’Aït Kaci, Djaffar Fettouchi de Souamâa, Malik, et son frère M’hena. Dalil Omar se joint par la suite à la troupe.

« On était des débutants, on a beaucoup bourlingué, fait des galas, des fêtes un peu partout en Kabylie. Je me rappelle bien de ce gala qu’on avait fait à la salle des fêtes de Tassaft. Elle était archicomble, j’en garde un très bon souvenir. C’était là notre premier gala réussi, ça nous a vraiment galvanisé. Les gens nous avaient bien accueillis et encouragés. Ce jour là, il y avait avec nous Ramdane Metref qui jouait du violon, Ahcène de Souamâa à la mandoline que j’ai d’ailleurs retrouvés, il y’a deux ans à Souamâa. Ça m’a fait vraiment plaisir de les revoir avec les anciens copains ».

De cette période, Lounis se rappelle aussi de ce jour où son cousin Ouahab l’a pris presque de force pour l’emmener subir l’incontournable et très redouté passage à l’émission « Nouva Ihafadhen » (« Chanteurs de demain ») sur la chaîne 2 en langue kabyle de la radio télévision algérienne animée par Cherif Kheddam. Il y arrive la guitare à la main et interprète un morceau de sa composition "Ma trud" ("Si tu pleures") qui le fait connaître.

Lorsque qu'il évoque Cherif Kheddam, il dit : « C’est lui qui m’avait vraiment poussé à y aller. Dans le temps, il était au groupe comme un manager, il nous débrouillait des galas, le transport. Il était très actif avec nous jusqu’en 1970. Moi, je suis rentré au village, les autres se sont dispersés, et le groupe a fini par disparaître. Mine de rien l’expérience a quand même durée près de 3 ans ». De retour chez lui à Ighil Bouamas, Lounis se fait recruter comme secrétaire à la Kasma de la région, et se marie. Mais il a doit quitter son poste après seulement quelques mois d’exercice, pour aller sous les drapeaux. Sa première fille vient au monde alors qu’il accomplit l’instruction à Blida avant d’aller faire dix huit mois de service militaire à Constantine.

C’est aussi à cette période qu’il s’élance véritablement dans la chanson sous l'égide d'un autre grand nom de la chanson algérienne : Kamel Hamadi. « Kamel Hamadi m’avait, en faite, beaucoup aidé à foncer. Je venais en permission week-end, et Kamel me réservait à l’avance le studio de Mahbou Bati à Alger pour enregistrer. A l’époque, c’était des 45 tours. Je laissais alors la bande à Kamel pour chercher un éditeur, s’en occuper, et moi je reprenais le train pour Constantine dimanche en soirée ».

C’est ainsi qu’il ne s’en rendra compte du succès qu’a son second tube « A Louiza » que plusieurs mois plus tard. « Je n’en savais absolument rien. Moi j’étais loin, à Constantine enfermé dans une caserne... » Qualifié au début d'artiste de variété et sévèrement critiqué à ce titre, il trouve vite un important public, notamment chez les jeunes. Dès le départ, il se situe en rupture avec les orchestrations luxuriantes (et souvent inutiles à son avis) de la musique "berbère" de cette époque. Son langage est à la fois poétique et revendicatif. Il est devenu un symbole de la musique amazighe, à tel point qu'on l'a souvent qualifié de Brassens kabyle, comparaison qu'il mérite.

Bien qu'il s'en défende, Lounis Ait Menguellet est un grand mélodiste, un grand chanteur et un excellent guitariste. Si l'orchestration est le plus souvent limitée à la guitare acoustique, aux percussions traditionnelles et la flûte, elle est d'une très grande efficacité et d'une technique impeccable servant de superbes mélodies. Musicalement, son talent est énorme. Interrogez cependant l'artiste sur ce point et il vous répondra que sa musique n'est que de la musique traditionnelle de Kabylie, qu'il joue depuis son enfance.

En privé, il est d'une modestie désarmante, presque timide, et d'une grande gentillesse. A ses yeux, le plus important sont ses textes. Ils sont d'une très grande poésie. Ils pointent les problèmes de la société actuelle à la lumière de la sagesse ancienne, avec une lucidité qui dépasse de loin la culture amazighe dont il est un des ardents défenseurs. Il dit de lui : "Je suis avant tout un regard porté sur l'espace et le monde qui m'entourent " (Algérie Actualités, juillet 1984).

C'est un héritier des grands poètes kabyles, comme Si Mohand, dont il connaît bien l'œuvre. Le grand écrivain algérien Kateb Yacine a dit de lui : "Il est incontestablement notre plus grand poète". Le 11 février 1978, il fait pour la première fois l'olympia. Son succès va alors montant. Le 26 mars 1985, il chante au Zénith à Paris devant six mille personnes. Le 25 octobre 1985 intervient une décision absurde de la part de la justice algérienne : il est condamné à trois ans de prison pour détention illégale d'arme de chasse et de guerre.

En fait d'armes, le chanteur ne possédait qu'un vieux fusil de chasse, ce qui est courant en Kabylie. Ce procès apparaît comme politique, puisqu'il avait apporté son soutien peu de temps auparavant au chanteur Fehrat Méhenni, incarcéré pour son appartenance à la nouvelle ligue des droits de l'homme en Algérie. Suite à de nombreuses protestations, il retrouve la liberté quelques mois plus tard.

Humaniste, Aït Menguellet s'est lancé dans un projet de collecte d'insuline pour les Algériens diabétiques, et pour la prise en charge de 400 malades durant une année. Lunis Aït Menguellet est un homme libre, dont la conduite est parfois déroutante, mais marquée par une profonde cohérence. Il refuse l'exil, estimant que son bonheur est parmi les siens : "(...)ne pas tomber dans le panneau de la célébrité, de l'argent et des villes est une chose bien difficile. Tout chanteur de chez nous rêve de Paris, moi j'ai toujours souhaité avoir les moyens moraux et matériels de rester dans mon patelin, j'y suis arrivé "(Algérie Actualités, juillet 1984).

Il vit toujours dans son village de Kabylie, qu'il ne quitte que pour les tournées et les séances de studio. Il s'est toujours revendiqué apolitique. Il estime ses textes comme poétiques, et n'a jamais été membre d'un quelconque parti : en 1992, il déclare : "(...)D'abord comme simple citoyen, je ne peux pas rester neutre, je le dis tout net. L'intégrisme, je n'en veux pas.. En janvier dernier après le premier tour des législatives, il y avait urgence et il y avait danger, il fallait absolument stopper l'intégrisme.

Et je suis d'accord avec la façon dont cela a été fait. Tout en disant cela, je reste fidèle à mes convictions démocratiques, à mes convictions sur les droits de l'Homme et les libertés. Nous devons naturellement rester vigilants sur ces questions et refuser tout arbitraire, même quand ses victimes peuvent être intégristes" "Je ne me suis jamais détourné de ceux qui cherchent à apporter leur pierre au bien-être de ce pays où qu'ils se trouvent.

Si je n'ai pas été embrigadé politiquement dans les années difficiles, ce n'est pas aujourd'hui que cela commencera. Je continuerai à être ce que j'ai toujours été.." Sa parole sert énormément pour la culture amazighe parce qu'elle est l'expression de la sagesse ancestrale. Il se rend à un meeting du Président de la République algérienne, Abdelaziz Bouthéfika, à Tizi Ouzou, peu après l'élection de celui-ci. Il l'applaudit et accepte même de lui serrer la main. Il s'ensuit une polémique, certains l'accusant d'être un traître.

Il répond à ces accusations avec sa simplicité et sa franchise coutumière. D'abord, ce n'était qu'une geste de politesse envers le Président, qui n'implique aucunement son adhésion à la politique de celui-ci. Il rappelle qu'à ce moment, bien des Algériens attendaient beaucoup du nouveau Président. Ensuite, il espérait obtenir un rendez-vous pour réellement discuter avec le Président de la situation de la culture amazighe, ce qui n'était pas possible dans ce meeting.

L'attitude de Lounis Aït Menguellet concernant l'année de l'Algérie 2003 en France montre à nouveau son indépendance. Alors que s'engage une campagne de boycott, il la refuse. Il revendique une participation critique, pour faire entendre la voix des Imazighen. Il revendique sa liberté. Il insiste sur le fait qu'il est membre de l'Arch de son village d'Iboudraren(1), et que cette question y a été discutée : il tourne en France. Certains détracteurs s'enflamment à nouveau contre lui.

Pourtant l'artiste n'est pas présent au concert lançant l'année de l'Algérie à Alger, ce qui est significatif. Il tourne en France, et sa parole libre se fait à nouveau entendre. Convergences l'accueille à Roubaix en juin pour un magnifique concert. En 2004, il se produit au festival de Timgad, dans les Aurès. Cette participation a été vivement critiquée par certains. Ce festival s'est en effet déroulé peu après une violente répression dans le village de Tkout

. L'affaire est partie de la mort d'un jeune homme dans des conditions suspectes qui entraîne des manifestations de la populations. L'attitude des autorités algériennes est une fois de plus disproportionnée, marqué par des arrestations de jeunes et des violences inadmissibles sur leurs personnes. Les forces de l'ordre en profite pour jeter en prison des militants des Arouch des Aurès.

Le festival de Timgad a été considéré comme une provocation organisée par le pouvoir algérien, et la participation d'Aït Menguellet très critiquée. En 2005, il nous revient avec un nouveau CD "Yenna-d umgar" (le sage a dit). Afin de se faire comprendre de tous, Lounis fait figurer dans le livret des traductions de ces textes en français, en anglais et en arabe. Comme il le dit lui même, il n'a pas changé : il interroge toujours sa culture amazighe ancestrale. Il répond aussi à ses détracteurs.



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