Mars 1954, Ahmed Ben Bella obtient du Président Djamel abd al Nasser un soutien : politiques, militaire, financier, médiatique, morale… total et illimité dans le temps, jusqu’à la libération de l’Algérie du joug colonial français.images.jpg Le Raïs ouvre des camps d’entraînement militaires en Egypte, et à sa demande, en Iraq et en Libye, pour former des volontaires algériens au maniement des armes. Il charge l’un de ses plus proches conseillers, le Major Fethi Dib, le patron des Moukhabarates égyptienne section Maghreb, de mettre en œuvre ce soutien.
Novembre 1954, suite au déclenchement de la révolution algérienne, de vieilles armes datant du second conflit mondial voire même du premier, sont achetées, notamment par Ben Bella, à des trafiquants européens. Elles sont livrées en Libye à bord d’un bateau de la marine nationale égyptienne lors d’un simulacre de manœuvres en Méditerranée.
Pour les mêmes livraisons vers l’Ouest de l’Algérie, vers le Maroc espagnol, Fethi Dib craint de voir l’un ou plusieurs de ces bateaux chargés d’armes destinées au FLN, à une « Organisation terroriste » arraisonner par la marine française. Pour éviter des réprobations voire même des sanctions internationales éventuelles qui pouvaient s’abattre sur l’Egypte, il décide donc de recourir à un transporteur privé. A noter que les précautions de Fethi n’ont pas épargné à l’Egypte une agression terroriste tripartite : Grande, Bretagne, France et Israël, en octobre 1956.
Le 3 janvier 1955, pour prospecter les sources d'arment, amplifier les achats et accélérer son acheminement vers les nationalistes algériens stationnés en Tunisie et au Maroc, encore sous protectorat français, Fethi Dib tient conseil avec le maréchal Taher Hassan, expert en affaires maritimes, le général Izet Souliman, spécialiste en armement, en présence de Ben Bella, l’un des membres de la délégation extérieure du FLN. C’est Taher Hassan qui va orienter le major Fethi vers un armateur privé, Hussein Kheiry, qui a pour hommes de confiance : Milan Bachich et Ibrahim al Nial.
Quelques jours plus tard, Fethi rencontre Milan Bachich, qui se dit : yougoslave de nationalité, pilote d’avions de formation et opposant politique au Maréchal Tito d’idéologie, qui s’engage, au nom de son patron, à livrer des armes aux nationalistes algériens, sous 48 heures, dans n’importe quel port algérien à condition toutefois que ses primes lui soient versées d’avance. La perle rare !!!
Le représentant de l’armateur précise à son client que le bateau approprié pour la mission nécessite un délai d’une semaine pour effectuer de menus travaux. Il demande donc un délai et des fonds qui lui sont accordés. Au terme du premier délai, il revient vers son client pour lui en demander un deuxième toujours d’une semaine et des fonds plus conséquents. Au terme ce deuxième délai, l’armateur redemande un troisième délai et encore des fonds. Le client se rebiffe, exige de voir le bateau. Milan Bachich lui indique : «… Le bateau se nomme le Dinah, il appartient à l’ancienne princesse d’Egypte et (future) reine de Jordanie. Il se trouve à Port Saïd… »
Fethi Dib envoie l’un de ses adjoints pour vérifier. Ce dernier se transporte sur les lieux indiqués et constate la présence d’un bateau en réparation dans un coin retiré, gage de discrétion. Fathi Dib accord un troisième délai et des fonds supplémentaires. Et puis un quatrième. Donc pour remettre un yacht royal, qui venait d'être offert par un roi à sa reine, en état de naviguer, il a fallu quatre semaines de travaux éreintants et un coût si élevé que Fethi Dib n’a jamais révélé le montant exacte ni approximatif.
Dans l’une de ses treize contributions à l’émission « Chahidoun 3ala al 3asr », produites et diffusées, en 2002, par la chaîne satellitaire Qatarie, al Jazeera, Ben Bella, qui a payé le coût des travaux et les primes de transport, a précisé que les travaux avaient porté sur le changement des machines pour donner de la puissance au yacht.
Fin mars 1955, le Dinah enfin réparé, quitte Port Saïd pour se diriger, nuitamment, vers une crique discrète située à l’Ouest d’Alexandrie. Tandis que des véhicules militaires égyptiens chargés d’armes convergent par route vers la même crique. Le chargement des armes et l’embarquement des sept passagers algériens se feront en présence de : Fethi Dib, Ahmed Ben Bella, Izet Souliman, Hussein Kheiry, le gérant du yacht Dinah, entres autres.
Qui était la "Reine" Dina ? A 1955, Dina bent Abd al Hamid, n’était plus princesse d’Egypte. La monarchie égyptienne avait était renversée en juillet 1952. Elle n’était pas encore reine de Jordanie. Elle épousera le « Petit » roi Hachémite le 18 avril 1955. Ils ses séparèrent en 1956 et divorcèrent le 24 juin 1957 (1)
Si son auguste roi lui avait réellement offert un yacht, il ne pouvait-être que royal, prestigieux, sinon flambant neuf du moins en état de prendre la mer par tous les temps et en toute sécurité, et non pas une antiquité nabatéenne ou pharaonique qui a nécessité quatre semaines de lourds et couteux travaux pour lui faire prendre la Méditerranée, un paisible lac.
Le Dinah : membres d’équipage, Armes et passagers embarqués ?
L’équipage. L’équipage de l’odyssée Dinah se composait comme suit : Ibrahim al Nial, capitaine, Milan Bachich, lieutenant, Mohamed al Arbi, de nationalité marocaine, mécanicien, Mustapha Nedjm, Mahmoud abd al Fettah et Hassan Eddouiky, matelots, de nationalité égyptienne.
Les armes embaquées. Le lot d’armes embarquer à bord du Dinah se composait de : 300 fusils de calibres « ,303 », 30 pistolets mitrailleurs Bern, 100 fusils mitrailleurs Tommy, et des munitions diverses. Environ un tiers de ces armes étaient destinés aux nationalistes marocains.
Les passagers. La passagers du Dinah, qui avaient préalablement reçu un entrainement au maniement des armes en Egypte, étaient au nombre de sept : Arfaoui Mohamed, Nedjari Ali, Boukharouba Mohamed (futur Houari Boumediene), Abdelaziz Mechri, Abd al Rahamne Mohamed, Hussein Mohamed, Chenout Ahmed.
Livraison des armes à Nador. Vers le 15 avril 1955, Ibrahim al Nial dirige le Dina vers un lagon proche de Nador, Maroc encore sous contrôle espagnol, jette l’ancre à environ 50 mètre du bord de la plage, tend des câbles pour permettre aux nationalistes algériens et marocains de décharger les caisses d’armes. A la fin des opérations de déchargement, Le capitaine al Nial va échouer, sans doute volontairement, son bateau dans une zone rocheuse. L’échouage attire l’attention des garde-côtes espagnols qui découvrent sur la plage des traces de pataugas et quelques munitions abandonnées ou perdues sur la plage. Les services espagnols informent leurs collègues français du mystère Dinah. Ces derniers n’auraient-ils pas exigé de leurs collègues ibériques de laisser filer la sardine Dinah pour, plus tard, attirer dans son sillage des mérous de la taille « Athos ? Il s’agit là d’une simple méditation à haute voix.
A qui appartenait le yacht Dinah ? Son nom d’origine était « Fakhr al Bahr » (la fierté de la mer.) Il avait appartenu au roi Farouk d’Egypte au temps de sa splendeur. Suite à la révolution de juillet 1952, qui avait reversé son trône, Fakhr al Bahr va demeurer, jusqu’à 1955, pendant trois ans, immobile dans un coin perdu de Port-Saïd. Cette immobilisation prolongée dans un milieu salin lui occasionnera des dégâts conséquents au niveau de sa coque et de ses machines, d’où les lourds et couteux travaux pour le remettre en état de naviguer.
Le Yacht avait alors pour gérant Hussein Kheiry, sans doute un notable de l’ancien régime égyptien doublé d’un affairiste de haute futée. Il avait donc Ibrahim al Nial et Milan Bachich pour associés ou hommes de confiance. A noter qu’à la même époque, le même Ibrahim al Nial, accompagné d’Abdelhamid Mahri, achèteront, à un Lord britannique, au port de Beyrouth, «Le Brievels » le bateau qui va devenir fameux sous le nom : « D’Athos. » En fait, Ibrahim al Nial va s’avérer être un agent des services français.
Peut-être se souvient-on de Djamel abd al Nasser, en 1956, criant à tue-tête, du haut d’une tribune, devant une batterie de micros : «Ya rigal, al koulou fi makanihi, afdi demi le Meçr, afdi rouhi le Meçr… » (Hommes ! Que personne ne bouge ! Que chacun demeure à sa place ! Je sacrifie mon sang à l’Egypte ! Je sacrifie ma vie à l’Egypte !!!
Cet évènement est connu par les égyptiens sous le nom de : « Affaire d’al Manchya.» (Quartier d'Alexandrie.) Il s’agit d’une obscure tentative d’assassinat du Raïs. Hussein Kheiry, le gérant du Dina, y sera impliqué, jugé et condamné à mort par contumace à la suite de quoi il disparaitra à jamais. Cette information m’a été donnée, sous forme de commentaire, par un proche du disparu.
Quant à Milan Bachich, à son intermédiaire de confiance, son corps sans vie sera repêché, en 1956, dans le canal de Suez.
Selon Fethi Dib, Dinah, sans doute le mieux informé sur l’affaire, la princesse d’Egypte déchue et éphémère reine de Jordanie, n’a été informée de l’aventure de « Son yacht » qu’en 1963, à l’occasion d’une cérémonie organisée par l’ambassadeur d’Algérie en Egypte(2)
« Le ravissant yacht blanc que le roi de Jordanie vient d’offrir à Dinah (…) Par cette tiède nuit de décembre 1954, l’étudiant algérien, Boukharouba Mohamed (futur Houari Boumediene) doit, avec un commando, s’emparer du Dinah. Sa propriétaire est justement en voyage de noce à Madrid. Cette princesse égyptienne qui se pique de « Progressisme » n’est pas rancunière : elle mettra par suite gracieusement son bateau à la disposition du FLN. Les gardes son vite neutralisés. Ils pensent avoir à affaire des contrebandiers qui, leur marchandise embarquée, se sont enfuis en Méditerranée vers l’Ouest… » (3.) Et khorti-khorti !!
« Ce fut l’Odyssée Dinah, ainsi que cette opération fut baptisé par ceux qui y participèrent. Dinah, c’est le prénom de l’épouse du roi de Jordanie, mais c’est surtout le nom du yacht blanc que ce dernier vient d’offrir à sa jeune femme et qui a été « Emprunté » dans le Port d’Alexandrie, après qu’on eut chassé l’équipage, par un commando algérien vivant au Caire, qui ont rejoint le FLN. Il a ainsi été totalement détourné de son usage normal, sans que sa propriétaire, partie pour un long voyage, n’en sache rien, pour servir à la fin de l’hiver 1955, à transporter quelques tonnes de fusils mitrailleurs, de mitraillettes et de munitions jusqu’à Nador, ans une enclave espagnole proche la frontière entre le Maroc et l’Algérie… » (4.) Et re-khorti-khorti !!!
Ce deuxième passage, qui n’est rien d’autre qu’un quasi plagia, est extrait d’un récent ouvrage : « La Guerre d’Algérie vue par les Algériens » cosigné par Renaud de Rochbrune et Benjamin Stora, préfacé par Mohamed Harbi.
Serait-il moralement et éthiquement permis à des historiens et à des chercheurs de renoms, une référence incontournables concernant les « Evènements d’Algérie », comme ces trois prestigieux historiens et chercheurs, de se contenter, un demi siècle après le terme de la guerre d’Algérie, du copiage collage de deux romanciers biographes d’un despote, Ania Francos et J. P. Séréni, sans s’arrêter sur les incohérences : dates, sens des mots, de tout cautionner sans aucune vérification préalable,? J’avoue qu’à la lecture de ce passage j’ai ressenti comme un violent et douloureux coup de pied de l’âne au ventre.
L’affaire Dinah ne serait-elle pas l’une des œuvres des plus achevées de la guerre psychologique qui a opposé la coalition tripartite : Britanniques, français, Israéliens, les Moukhabarates égyptiennes, et le FLN/ALN ?
1. http://www.multilingualarchive.com/ma/enwiki/fr/Sharifa_Dina_bint_%27Abdu%27l-Hamid
2. Fethi Dib, Dlamel abd al Nasse et la Révolution Algérienne, Ar al Mousetqbel al Arabi, 1984. P. 80 à 86.
3. Anias Francos et J. P. Séréni, un Algérien Nommé Boumediene. Ed. Stock., 1976. P. 53
4. Renaud de Rochebrune, Benjamin Stora, la Guerre d’Algérie Vue par les Algériens, Ed. Denoël, 2011. P. 192-193
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Posté Le : 21/12/2012
Posté par : Aissahakim
Ecrit par : Aissahakim
Source : diverses