C'est un appel urgent lancé et diffusé largement sur Facebook, pris au sérieux et considéré par de nombreux jeunes comme la solution magique à tous leurs problèmes et à ceux de l'Algérie avec. Une solution tellement intelligente que mon entendement n'arrive pas à la saisir. Bien évidemment, il ne s'agit pas de résoudre les problèmes économiques du pays, celui du chômage par exemple dans lequel se débattent les jeunes, encore moins une méthode de lutte contre la corruption qui dévaste l'Algérie et qui risque de la disloquer?.Il s'agit, pour les initiateurs de ce sujet épineux, de la problématique à la mode : celle de la femme. En effet, sur des pancartes et des affiches diffusées sur les réseaux sociaux, l'appel est clair : il faut séparer les filles des garçons à l'intérieur des bus universitaires. Quel génie ! Quelle trouvaille ! Mais non, ce n'est pas une blague, certains veulent réellement se débarrasser de cette femme source de tous leurs malheurs.La femme ? considérée comme objet sexuel, organe génital, corps à disposition, ces pieds, ces mains, cette voix, ces cheveux et même ce visage ? n'est qu'une nervure courbée, un cadeau divin pour les hommes, une esclave, une machine à coucher, une machine à accoucher synonyme de péché pour certains, d'évocation du vagin, du sexe pour d'autres.Cette aâoura créée pour la maison, pour servir l'homme, les enfants, les frères, les beaux-frères, cette bonne à tout faire. Un rôle qui lui a été conféré par la bénédiction de l'interprétation du Coran. L'imam nous a toujours dit «vos femmes sont votre honneur». J'ai toujours cru que l'honneur était un terme synonyme de fierté, mais j'ai vite changé d'avis. L'honneur dont il parlait n'est à l'évidence qu'un synonyme de «honte»?J'ai donc l'honneur ? pardon la honte ? de vous présenter Djamila Bouhired, cette femme qui a marqué l'histoire de l'Algérie, cette femme restée debout devant le colonialisme et qui a combattu aux côtés de ses camarades algériens et algériennes, la main dans la main, pour libérer son peuple, son pays. Djamila Bouhired était considérée comme telle ; une femme à part entière.Ce n'était pas une légende, mais une réalité. Hassiba Ben Bouali a eu la moitié de l'héritage de Larbi Ben M'hidi. La terre de Lalla Fathma n'Soumer, Dihia, Tinihinane a été monopolisée par les hommes au nom de la religion, au nom de la tradition, au nom de la virilité ou, disons-le, du machisme. Djamila Bouhired et ses cons?urs de lutte sont devenues des prisonnières et souffrent du regard d'infériorité que lui ont réservé leurs camarades. Point donc d'égalité entre homme et femme, les lois promulguées les ont réduites à de semi-citoyens. Permettez-moi de dire la vérité, laissez-moi briser la virginité masculine, cet hymen qui ne vous laisse pas voir votre humanité. Pourquoi cette peur en soi ' Pourquoi certains Algériens ont tellement peur de leur envies sexuelles qu'il se transforment en bêtes ' Paraît-il que certains ne peuvent pas contrôler leurs désirs agressifs envers la femme. Du fait qu'elle s'assoie à côté de lui, elle devient son objet, à sa disposition. Pourquoi cette frustration ' Jusqu'à quand l'homme mettra sur le dos des femmes le refoulement de soi ' Pourquoi n'apprend-il pas des femmes, qui ont pourtant des envies comme lui, à se contrôler 'Enfin, retrouver son humanité. Assia Djebbar raconte dans sa biographie comment son père avait honte d'elle quand elle apprenait à faire du vélo car on pouvait apercevoir ses jambes et ses pieds. Une histoire qui l'a marquée à jamais et dont elle a gardé les stigmates d'une blessure profonde, à l'image de beaucoup d'autres femmes, car réduite à des pieds et à des jambes nus. Elle n'arrivait pas à comprendre qu'on puisse faire de la femme cette boite à sexe. J'ai alors visité sa tombe à Cherchell et j'ai murmuré à Assia : «Hélas, dans cette société, tu es encore réduite à des jambes et des pieds?»
Posté Le : 21/09/2016
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Anouar Rahmani
Source : www.elwatan.com