Tipaza - Ecologie

L'homme et la mer...à la croisée des chemins



L’homme et la mer…à la croisée des chemins
par farouk Zahi

« Avec nos pollueurs tous les égouts sont dans la nature » - Confucius


La journée méditerranéenne de la côte célébrée le 25 septembre de chaque année depuis 2009 a été l’occasion pour le pays, d’organiser une conférence sur le thème regroupant, sous l’égide du département de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire, des personnalités scientifiques, politiques, des organisations régionales et internationales. Heureuse initiative sauf qu’elle ne semblait intéresser que les initiés ou du moins ceux qui en étaient informés. En ce qui concerne Tipaza, port méditerranéen par excellence bien avant la venue des Carthaginois et dont le littoral s’étend de oued Mazafran (Douaouda) à oued Damous dans les piémonts du Dahra où l’homme et la mer font corps depuis que le premier a appris à chevaucher les vagues, rien ne semblait marquer cet événement sauf, peut être, deux banderoles accrochées aux deux accès principaux de la ville. Trop visible, la Mare nostrum (nôtre mer des Romains) ne peut passer inaperçue encore moins laisser indifférent. Mère nourricière de l’homme, elle subit ses agressions accrues et dévastatrices. Si jadis le littoral était synonyme de farniente et de dégustation de produits halieutiques, il est devenu bien malheureusement, un objet de convoitise de tout ordre. Le négoce effréné du sable qui dénude les plages, est ce fléau dont les dégâts sur la biodiversité, sont incommensurables. Les rejets conscients ou inconscients des déchets solides et liquides polluent en silence l’univers marin, souvent avec la complicité bienveillante de ceux qui sont en charge de la protection de cet environnement. Les eaux usées participent pour une bonne part à la dégradation lente mais sûre du littoral. Ainsi et selon le Ministre des Ressources en eau, le volume des rejets hydriques s’élèverait à 750 millions de mètres cubes dont seuls 650 millions seraient traités. Le programme de réalisation de 24 stations en cours, porterait le volume à 1milliard de mètres cubes. Le déficit actuel demeurera, compte tenu de la charge chimique de nocivité, préoccupant. Dans son communiqué annonçant l’événement, le Ministère de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire précise en outre : « … la célébration de cette journée est l’occasion de mettre en valeur les actions de sensibilisation et d’éducation environnementale menées sur le terrain et fondées sur l’approche participative des associations et du citoyen dans le cadre de la gestion intégrée des zones côtières ».

Sans intention délibérée de revêtir la soutane des empêcheurs de tourner en rond, rien ne semblait avoir été fait en direction du citoyen lambda. On aurait pu à l’instar de la prévention routière, mobiliser les scouts à l’effet de distribuer des dépliants et autres autocollants de sensibilisation. Compter sur le seul mouvement associatif, peut présager d’une information insuffisante ou bancale. Rencontré sur la large esplanade du port, affairé à réparer des filets, Djillali, technicien formé par l’école de pêche d’Alger dit qu’il a entendu parler vaguement de cette journée. « De toutes les façons, ajoute-il, ce sont toujours les gens qui ne connaissent pas la mer qui parlent d’elle !...Voyez- vous, il suffit d’avoir de l’argent ou de bénéficier d’un soutien ANSEJ pour que n’importe qui achète un chalutier qui en fin de compte sera amarré à la Madrague faute d’utilisation…Au bout de deux ou trois sorties, il y a imcompatibité avec le patron et les pêcheurs. Quant à l’acquisition des équipements, il vaut mieux ne pas en parler…ils vont là bas (Turquie, Espagne) pour acheter des bateaux, ils leur fourguent du vieux matériel rénové ou déclassé…tu vois ce bateau ? Il vient d’être acheté en France…c’est plus un bateau fluvial que de haute mer ». La cinquantaine, Djillali à la tête de Athmane Ariouet dans son incarnation épique de Cheikh Bouamama, n’est probablement pas un plaisantin, il respire la mer qu’il a côtoyée depuis sa prime jeunesse. Son discours pondéré, met cependant le doigt sur la plaie. La surpêche dissimulée par la complaisance, le massacre des bancs de sardines par des procédés prohibés sont pour lui, des faits réels mais qui se font en catimini. Il ajoute que les plus gros dégâts sont subis par la flore sous marine à 30 brasses (45 mètres) à peine. La raréfaction du poisson est perceptible à travers les distances de plus en plus importantes à parcourir pour le trouver. Avant, on pouvait pêcher dans les eaux territoriales dans les 12.000 miles nautiques, maintenant on va plus loin…jusqu’à 20.000. La pollution ? Celle de surface est visible au port de Bouharoun dont les eaux sont présentement nauséabondes et pleines d’objets hétéroclites. La motorisation des embarcations de plus en plus puissante génère de grandes quantités d’huile-moteur « brulée » qu’on rejette impunément dans la mer ; la brillance spectrale du plan d’eau en est la preuve irréfutable. L’intense fréquentation de la restauration est pour beaucoup dans la dégradation de cet abri. Dans les fonds marins et bien loin de la côte, les sachets plastics se disputent les filets avec la crevette. Dépité, mais nullement découragé, Djillali ramasse son attirail et interpelle son apprenti pour aller restaurer d’autres filets défaits dans un autre port.

Faisant face à la jetée, de vieux cabanons, probablement, de l’ère coloniale abritent actuellement des restaurants, incrusté au milieu, l’un d’eux est le siège social du « Club sec 17 de plongée sous-marine ». Créée en 1988 sous l’initiative de l’ancien patron pêcheur le défunt H. Benfattoum, R. Benaouda, S. Haouès et M. Ouali ancien édile communal, cette association sportive a d’abord fait ses débuts au club de la Corne d’or relevant de l’EGT de Tipaza qui disposait d’un matériel jusque là inexploité. Depuis 1990, date de son installation au port, le « Sec 17 » a bénéficié du soutien financier de la commune et de la Direction de la jeunesse et des sports (DJS) et ce jusqu’à l’exercice 2001. Depuis lors, il génère ses propres ressources financières. Le prix de revient moyen d’un équipement de plongée est d’environ 250.000 DA. Le club assure pendant la saison (mai-septembre) la formation de 5 à 6 groupes constitués chacun de 5 élèves plongeurs. Les niveaux 1 et 2 encadrés, selon M.Benaouda, descendent respectivement à 15 et à 30 mètres. Dotés tous deux d’un brevet, le second niveau ouvre, toute fois, la voie à la professionnalisation telle que la soudure sous marine. D’ anciens élèves sont en activité à l’étranger notamment dans les pays du Golfe. Le « Sec 17 » forme aussi à la plongée des biologistes pour le compte de l’Institut de recherches en océanographie (ex.ISMAL de Dély Brahim). Les profils jusque là formés sont spécialement conçus pour la chasse sous-marine, la nage grand fond et le sauvetage secourisme. Il faut dire que l’investissement est relativement lourd, le compresseur d’air revient à lui seul à près de 600.000 DA. Les frais de formation que déboursent les élèves relèvent plus du symbolique (8000 DA) que d’une franche activité lucrative. L’un des principaux avantages qu’ont les plongeurs sur les autres catégories des gens de la mer c’est la connaissance intime du fond marin dans toute sa diversité faunesque et florale. La plongée est une vue prospective sur le devenir lointain du milieu ; la seule observation photographique peut ramener une foule d’informations aux scientifiques. Les exercices de plongée se font à près de 800 mètres du rivage à pic sur le plateau rocheux appelé « secca 17 » d’où le club tire son nom. Il s’étend sur une aire qu’on peut évaluer à 5 ou 6 hectares conclut M. Benaouda.
Y.Megrous plongeur professionnel de longue date en charge de la formation, assure quant à lui que le littoral allant de Ain Tagourait à Damous est encore indemne. Ceci ne veut absolument pas dire, qu’il est hors de danger. La vigilance est de mise quand on sait qu’il suffit d’une quelconque négligence pour que tout soit remis en cause. La flore qui affleure à 20 brasses est luxuriante ; les fonds, contrairement, aux idées reçues sont pauvres en végétation.

L’arsenal juridique mis en place en matière de protection du littoral va sévir pécuniairement contre les grands pollueurs notamment industriels, tels ont été les propos du Ministre de l’Environnement de l’Aménagement du territoire. En ce concerne les sites, les distances admises entre l’impact et le rivage sont de 100 mètres pour les habitations et de 5 kilomètres pour l’investissement industriel. Mais que fera-t-on des résidences qui ont déjà le pied dans l’eau et l’industrie papetière de Bou Ismail et d’ailleurs ? Il suffit de scruter la mer du haut d’un quelconque promontoire pour observer une large bande touchant le rivage dont la couleur est distinctement différente de celle du large. Dans une récente déclaration, M. Rahmani a annoncé la création de réserves marines naturelles dont la baie du Chenoua et l’anse de Kouali en feront partie. Dont acte !

26 septembre 2011




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