Tiaret - Mahdia

Burdeau,capitale de la plaine du Sersou



Occupant la partie centrale des Hauts-Plateaux Algériens la plaine du Sersou s'étend dans sa surface utile, sur soixante mille hectares environ au Sud Ouest du département d'Alger, en limite du département d'Oran.
Elle est à une distance sensiblement égale de ces deux villes, à deux cents kilomètres de la mer.
D'une altitude moyenne de 900 mètres avec une légère déclivité d'Ouest en Est. Elle est bordée au nord, et en partie à l'ouest, par le Naar-Ouassel affluent principal du Chélif, au sud par l'oued Mechti et à l'est par une zone stépoique qui s'étend jusqu'au Chétif.
Considérée comme territoire militaire jusqu'en 1850 elle a été ensuite placée sous la juridiction civile de Commune Mixte dont le siège était fixé à Teniet El Haad situé à 60 kilomètres environ au nord.
Dénué de tout relief au point de repère, recouverte d'une végétation rase, son aspect rébarbatif lui avait valu l'appellation, par les indigènes, de pays de la peur et la désignation du Sersou vient d'une expression dans leur langue : "Ser ou Scout" se traduisant par "conduit et tais toi" ! car seuls les pasteurs nomades venus du sud parcouraient cette plaine, en été, à la recherche de pâturages pour leurs troupeaux de moutons, chèvres ou chameaux.
Considéré comme vacante et sans maître par l'autorité militaire, c'est seulement au cours des 15 dernières années du siècle passé que les premiers civils français se sont aventurés aux abords ouest et nord de la plaine.
C'était d'abord pour y pratiquer l'élevage des moutons avant d'entreprendre la culture des céréales. Parmi ces pionniers on peut citer les : Jauffray, Jard, Roman et Léon Guillaume, Domeck, Espeillac.
Au cours des dernières années du siècle le Docteur Bourlier se rendait acquéreur de surfaces de terre importantes dans la partie ouest de la plaine où plus tard le centre qui porte son nom a été implanté.
Dans le même temps les Frères Poulot notaires parisiens réalisaient la même opération dans le secteur nord de la plaine sur des surfaces plus importantes, près de 20 mille hectares a-t-on dit !
Ces opérations spéculatives se sont avérées bénéfiques par la suite en facilitant le premier peuplement de la région par des agriculteurs à qui les surfaces acquises ont été vendues par lots à des prix abordables, avec des facilités de paiement.
C'est ainsi que plusieurs colons ont pu s'installer avec leur famille tels les Archilla, Bardot, Domeck, Pellegrin, Gomes, Rincker.
Les résultats obtenus par ces premiers colons ont attiré l'attention de l'Administrateur Monsieur Manuel Bugeja, quia été nommé à Teniez el Haad le 1er Janvier 1890.
Dès son arrivée, il a entrepris la prospection de la plaine, à cheval, logeant sous la tente. Au cours de ces tournées qui duraient plusieurs jours il a fait creuser plusieurs puits pour vérifier la continuité de la nappe d'eau s'étendant sous la plaine.
Assuré par ses investigations, et aussi par les résultats obtenus par les colons déjà installés, de la valeur du sol et des ressources en eau il a, par des notes précises et détaillées, convaincu les Services de la Colonisation de la possibilité d'implantation de centres peuplés par des cultivateurs venus de France ou déjà en Algérie.
Et c'est sur proposition de ces services que le gouverneur général Revoil a signé le 13/9/1904 un décret décidant de la création de centres de colonisation sur la plaine du Sersou. Aucun lieu dit ne figurant sur les cartes de la région concernée il a donc été nécessaire de donner un nom pour désigner ces centres nouvellement créés.
Son influence dans le milieu politique, il était conseiller général de Teniet el Haad et député d'Alger lui a permis de jouer un rôle déterminant dans la création des deux premiers centres de colonisation fixés sur la plaine.
Après son décès à Réghaia, près d'Alger en 1903, l'autorité compétente a donné son nom au premier centre créé à l'ouest de la plaine pour commémorer la part qu'il a eu dans cette réalisation.
Pour le deuxième centre le nom de Burdeau lui a été donner pour perpétuer la mémoire d'un éminent homme politique décédé le 13 Décembre 1894 à Lyon où il était né en 1851.
Homme d'une haute moralité, son rôle parlementaire, il était élu député du Rhône en 1885, lui a valu d'être nommé rapporteur d'une enquête sur les problèmes posés par la colonisation en Algérie.
A la suite de cette enquête qualifiée de brillante par ses pairs, il a été proposé au poste de Gouverneur Général de l'Algérie, poste qu'il a refusé.
C'est sûrement la qualité de son rapport sur l'Algérie qui a terminé l'attribution de son nom à notre cité. Un tel parrainage ne pouvait être que favorable à son développement.
Les études pour l'implantation des centres ont été entreprises dès la parution de l'arrêté concernant leur création, par les Services de la Colonisation, suivant les directives de Monsieur Bugeja qui a été le promoteur du projet.
Des échecs ayant été enregistrés dans certains centres de colonisation officiels créés dans le passé dus à l'exiguïté des surfaces cultivables, celles fixées pour ces nouveaux centres ont été sensiblement augmentées.
LE début de la grande aventure.
A Burdeau les concessions au nombre de 50, avaient une surface variant de 45 à 55 hectares et celle des 14 lots de ferme situés à la périphérie allait de 120 à 150 hectares.
Aux lots urbains attachés aux concessions s'ajoutaient 24 lots de même superficie, certains avec lot de jardin, destinés aux commerçants ou artisans désireux de s'installer au village.
Dans le plan du village étaient prévus les lots destinés à l'édification des bâtiments publics : mairie, poste, écoles, église. Des parcelles importantes étaient réservées pour les besoins communaux : marchés aux bestiaux et aux grains, aires à battre, dégagement pour la pâture du troupeau communal et aussi pour l'extension prévisible du village. sans oublier le cimetière.
Le centre de Bourlier conçu différemment comprenant 18 lots de ferme de 150 hectares à 200 hectares environ, généralement d'un seul tenant répartis autour d'une zone urbaine, dite village industriel groupant 30 lots de 1500 mètres carrés prévus pour les bâtiments publics, les commerçants et les artisans comme à Burdeau.
Le travail fastidieux nécessité par l'implantation de ces centres : délimitation et bornage a été effectué par un géomètre : Monsieur Lafont assisté d'un porte mire : Monsieur Christophe Colonna qui fixé par la suite à Burdeau (ferme Ercole) a pris une part active à la gestion de la commune comme Adjoint spécial.
L'implantation des bâtiments publics et le contrôle de leur édification ont été assurés par un architecte Monsieur Coupvent. La construction de ces bâtiments a été adjugée, le 28 Septembre 1904 à Monsieur Crozat, entrepreneur à Blida qui en a confié la réalisation à Monsieur Guelpa cntrepreneur à Tiaret.
Dès la promulgation de l'arrêté créant ces centres une propagande pour le peuplement a été lancée par affiches posées dans les Mairies et gares de France et d'Algérie.
Ces annonces précisaient les conditions d'attribution des concessions, accordées à titre gratuit et des lots de ferme cédés à un prix modique.
Pour obtenir une concession ou un lot de ferme les conditions à remplir étaient les suivantes
1°/Etre Français d'origine ou par naturalisation
2°/ Etre marié...
3°/ N'avoir pas été propriétaire de terres de colonisation officielle en Algérie
4°/ Disposer d'un pécule de cinq mille Francs
5°/ S'engager à construire une habitation de 2 pièces minimum
6°/ A mettre en culture les ferres de la concession et à complanter le lot de jardin de cent arbres fruitiers, le tout dans un délai de 2 ans à compter de la mise en possession.
De plus le bénéficiaire était tenu de résider sur les lieux durant 10 ans pour obtenir un titre de propriété définitif, ou se faire représenter par une personne remplissant les mêmes conditions de nationalité et matrimoniale.
Pour reconnaître les lieux et la nature des biens attribués le demandeur avait droit à un aller et retour gratuit en 3è` classe, train et bateau. Au passage à Alger un plan détaillé de ses biens lui était remis par les Services de la Colonisation. Arrivé sur les lieux le Géomètre Monsieur Lafont lui désignait sur le terrain les limites des lots composant sa concession qu'il pouvait refuser, s'il l'acceptait un titre de propriété provisoire lui était délivré par les mêmes services à son passage de retour à Alger.
Ce titre provisoire lui donnait droit à un bon au demi tarif de transport, en 3è classe sur le train, en 4è classe sur le bateau, pour toute la famille depuis son lieu de résidence jusqu'à Tiaret avec 100 kilos de bagage par personne.

Le peuplement
Cette offre a suscité de nombreux candidats (plus de 80 pour les 50 concessions de Bardeau) la visite des lieux étant peu engageante, plusieurs n'ont pas donné suite à leur projet.
Les premiers concessionnaires sont arrivés à la fin de l'été 1905 à Bardeau, à la fin de l'année 20 familles étaient déjà installées et au terme de l'année 1907 tous, sauf de rares retardataires, étaient en place.
Les colons (cultivateur, immigrant d'une colonie) suivant une définition précise donnée par le grand Larrousse), venant de France, débarquaient généralement à Oran et arrivaient à Tiaret (Département d'Oran) terminus du chemin de fer.
Jusqu'à Tiaret le voyage, nouveau pour la plupart, avait pu s'effectuer dans un confort relatif avec des moyens réguliers mais là les vrais difficultés commençaient. Aucun moyen de transport organisé n'existait pour franchir les quelques 50 kilomètres restant à parcourir.
A la gare les arrivants étaient sollicités par des démarcheurs chargés de les diriger vers des commerçants qui leur proposaient des baraques démontables composées de panneaux en bois légers, couvertes avec du papier goudronné.
Pour transporter ces baraques ces premiers commerçants, ou d'autres, leurs offraient des charrettes tirées par deux chevaux, mulets ou boeufs que des maquignons tenaient à leur disposition.
Après avoir terminé ces achats. qui avaient bien écorné le modeste pécule et occupé la journée, baraque et bagages chargés sur la charrette, l'attelage suivi de la famille, regagnait un abri pour passer la nuit.
Le gîte prévu à cet effet était un caravansérail proche de la gare logeant gens et bêtes.
Cet établissement était tenu par une brave personne, Melle Marie, dont l'accueil jovial réconfortait ces clients avides de repos après 4 ou 5 jours d'un voyage bien éprouvant. Et les renseignements et conseils, qu'elle prodiguait avec cordialité, atténuaient les appréhensions qu'ils avaient en songeant au monde inconnu vers lequel ils allaient.
Au matin de cette nuit, qui apportait un peu de détente, la famille s'installait tant bien que mal, sur la charrette, au milieu des bagages et l'attelage partait pour la dernière partie du voyage en prenant la route qui s'arrêtait a Trumelet, à 14 kms et c'est sur une piste tracée à travers champs que le trajet se poursuivait pour parvenir en fin de soirée au lieu dit les Trois Fermes, situé à mi-chemin entre Tiaret et Bardeau.
Là un bâtiment sommaire réduit à une seule pièce, au sol en terre battue, recouvert de nattes en alfa, servait de relais et d'abris pour les voyageurs. Vraie auberge espagnole sa seule ressource était le café préparé par le logeur auquel les occupants remettaient une rémunération modestement tarifiée !
Cette dernière nuit les préparait aux "commodités" qui les attendaient au terne du voyage.
Pour parvenir au terne du voyage 25 kilomètres restaient à parcourir. toujours sur la piste à peine tracée au travers de la plaine. et au soir de cette dernière journée les élus parvenaient à la "Terre Promise" !
A mi-parcours ils avaient pu découvrir, en traversant le centre de Bourlier, le spectacle qui les attendait, ils voyaient là les chantiers occupés à l'édification des bâtiments publics prévus pour ce nouveau village.

1905 : les premières familles construisent leurs fermes.
Après Bourlier ils avaient pu aussi, apercevoir de part et d'autre de la piste, des bâtiments assez importants entourés de champs cultivés. C'étaient les fermes construites par les premiers colons installés, à titre privé, depuis quelques années : Bonis. les Frères Gornez, Roman et Léon Guillaume, la Vve Ernst belle-mère des précédents.
Cette découverte apportait un certain réconfort moral aux arrivants qui pouvaient voir là des réalisations encourageantes pour l'avenir.
En approchant du terme du voyage leurs regards étaient attirés par deux grandes roues métalliques émergeant de la plaine dans le lointain comme un signal de ralliement. C'étaient les éoliennes destinées à l'alimentation en eau du village.
Les derniers kilomètres franchis ils étaient accueillis par le géomètre Monsieur Lafons ou son assistant, logés dans le seul édifice terminé au centre du village, une seule pièce de 4 x 4 occupée plus tard par un concessionnaire : Monsieur Galtier. L'un de ces préposés à l'accueil les dirigeait aussitôt vers des baraques semblables à celles acquises à Tiaret. plantées sur le terrain où, bien plus tard, la Salle des Fêtes a été construite.
Dans l'une de ces trois baraques composées de 2 pièces de 4 x 4, avec un poêle dans un angle, ils étaient autorisés à loger 48 heures, le temps nécessaire pour monter la leur sur le lot urbain qui leur était indiqué par le géomètre le lendemain matin.
Lors de l'arrivée des premiers colons courant octobre 1905, les travaux d'amènagement du village étaient engagés : tracé des rues et construction des bâtiments publics : mairie, poste, écoles, chapelle, prison, abreuvoirs et lavoir communal.
Les ouvriers des chantiers dirigés par Monsieur Rainero étaient logés dans des baraques et l'une d'elles abritait une cantine-épicerie destinée au personnel et ouverte aux arrivants qui pouvaient y acheter les denrées alimentaires essentielles et le pain apportés de Tiaret. tous les 3 ou 4 jours par des employés de l'entrepreneur, le choix était limité et le pain plutôt rassi !

Les premiers Colons sont arrivés au début de l'automne 1905 et à la fin de l'année une vingtaine avait pris possession de leurs lots. C'étaient les familles Bousquie Vincent et Jean, Casanova, Cazeaux, Combes, Galtier, Heints, Glenadel, Jarrige Joulia, Lagarrigue, Marty. Pages, Landes, Lestrade. Meynadie, Riberix, Rivière, Baudy, Versini.
Ces premiers arrivants eurent à affronter un hiver particulièrement rigoureux dans des conditions bien précaires.
Des chutes de neige abondantes surprenaient ces pionniers pourvus de bien peu de moyens pour résister au froid. Ils attendaient un autre sort du climat africain ! et il est probable que seul, pour la plupart, le manque de ressources pour assurer le retour les a contraints à rester.
Les conséquences fâcheuses du froid n'ont pas tardé à se faire sentir en éprouvant tragiquement la famille Vincent Bousquie dont le père et la mère décédaient au cours de l'hiver, laissant 6 enfants orphelins. Au froid s'ajoutait le manque de soins efficaces, le médecin le plus proche résidait à Vialar, ne disposait que d'un cheval pour parcourir les 25 km de piste le séparant de Bardeau
Au cours de cette même période, malgré les calamités qui accablaient ces familles, des enfants venaient au monde : un garçon arrivait dans la famille Casanova qui comptait déjà 3 enfants et deux jumeaux : un garçon et une fille (devenue Marie Biolley) s'ajoutaient à la famille Cazeaux qui en avait déjà 5. Ils ouvraient la liste des Burdeens, elle s'est bien allongée par la suite.
Dès leur arrivée, avec des moyens dérisoires : la paire de boeufs et une charrue araire achetées au passage à Tiaret, les colons se sont attelés (c'est le mot
qui convient) à défricher un coin de leur concession pour les premières semailles. C'est en unissant leurs efforts et leurs pauvres moyens que des surfaces bien peu étendues, ont pu être semées cette première année malgré un temps souvent contraire.
Le sens de l'entre aide, indispensable pour survivre, face à ces débuts difficiles, s'est maintenu par la suite.
Il en est résulté un esprit de solidarité qui a marqué la vie sociale du village, et s'est perpétué tout au long des années. Il se manifeste. toujours aussi vivant. au cours des rassemblements périodiques des Burdéens.

Les premières maisons.
Poussés par l'obligation de réaliser les habitations, en dur, prévues par l'acte de concession et par le désir de disposer d'un logement plus confortable que la "baraque", les colons ont entrepris la construction de maisons en utilisant les moyens bien réduits dont ils pouvaient disposer : les pierres de tuf, arrachées au .sol par la charrue, liées par un mortier fabriqué avec la terre tirée des fondations.
Comme pour les travaux des champs l'entraide était de règle, chacun s'improvisant maçon on manoeuvre selon ses aptitudes, femmes et adolescents compris : rares étaient ceux assez argentés, qui pouvaient faire appel à des salariés encore bien rares dans le pays.
Les matériaux nécessaires pour la couverture, charpente et tuiles, comme les boiseries pour les portes et fenêtres étaient fournis par les commerçants de Tiaret, ramenés avec la charrette, ou par les transporteurs qui approvisionnaient les chantiers occupés à la construction des bâtiments publics qui se poursuivait activement.
Seule I 'édification de l'Eglise (derrière la poste) était interrompue en application de la loi "Combes" sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat, votée en 1905. Cette interruption jetait la consternation et le désarroi dans la population à grande majorité catholique et pratiquante.

Le village prend forme : organisation administrative.
Cette déception n'arrêtait pas l'ardeur des bâtisseurs et très vite, le lieu fixé pour l'implantation du village, quittait son apparence de campement, et prenait l'allure d'un centre ordonné et actif. qui ne tardait pas à attirer commerçants et artisans divers venus en général de Tiaret.
Poursuivie an cours de l'année 1905, l'arrivée des concessionnaires ou fermiers était pratiquement terminée en 1907, ainsi que les bâtiments communaux : mairie, écoles, poste, qui, sans tarder. allaient remplir leur rôle, de
même qu'à Bourlier. Mais ce dernier n'étant pas prévu comme centre de peuplement, l'activité y était moins importante.
Implantés sur le territoire de la commune mixte de Teniet el Haad, comme cela était dit précédemment, ces deux centres étaient sous la tutelle de l'administrateur principal résidant dans cette ville. Il était représenté dans ces centres par un "adjoint spécial", faisant fonction d'Officier d'Etat Civil.
Le premier titulaire de ce poste était Mr de Saulieu, habitant Bourlier. secondé par Mr Christophe Colonna à Burdeau. L'évolution ultérieure de l'Administration de Bardeau Bourlier, groupés dans une même commune, fera l'objet d'un chapitre spécial.

Le marché : la fête, l'exotisme, le spectacle.
Situé à mi -distance entre Trezel au sud-ouest, (déjà très important marché de moutons et de laine qui se tenait le vendredi), et Vialar au Nord - Est, qui avait lieu le mardi, ( lieu approvisionné en céréales : blé, orge, base de l'alimentation des autochtones), Burdeau a très vite connu une grande fréquentation, accrue par la présence de nombreux marchands ambulants, offrant tissus, épices, et ingrédients divers d'origine Kabyle, abrités sous des tentes en toile blanche dont l'alignement présentait un spectacle pittoresque.
Aux abords de ces tentes, des maraîchers venus des berges des Oueds, proposaient leur production sur des étals, exposés à même le sol, où dominaient des amoncellements de pastèques et melons, accompagnés de lots plus modestes de légumes et de quelques fruits en saison : abricots, figues, raisins, grenades et glands doux cueillis dans les forêts de l'Ouarsenis ou de Tcniet, pour remplacer les noix bien rares dans la région.
Du miel liquide, bien souvent allongé de sucre, produit dons les mêmes forêts, était présenté dans des "guerbas", outres en peaux de chèvre, utilisées couramment par les nomades pour le transport de l'eau.
Apportées par des chameliers, qui s'approvisionnaient dans les Oasis du "Mzab" où elles étaient produites, et d'où venaient les premiers commerçants ayant ouvert boutiques d'épicerie au village, des dates sèches et ratatinées ou agglomérées en masse compacte, formant un nougat où les noyaux semblaient dominer !!!
Proche de la partie réservée aux animaux, c'est de la volaille qui était proposée, plus musclée que dodue, et mieux préparée à la course que pour la rôtissoire, et aussi des oeufs d'une fraîcheur douteuse.
Pour compléter ces étals, une multitude de petits métiers, exercés par des praticiens plus ou moins habiles, offraient leurs produits ou leurs services.
Des bouchers abattaient et dépouillaient avec célérité des moutons ; ils les débitaient à la vue et à la demande des clients, tandis que les rôtisseurs improvisés, préparaient les abats pour les cuire aussitôt sur un peu de braises et les tenir à la disposition de consommateurs, attirés par l'odeur tout comme les mouches qui taisaient partie du décor.
En période de canicule, des vendeurs d'eau, dite fraîche, parfumée à la menthe parcouraient le marché pour satisfaire les assoiffés.
Des orfèvres façonnaient des bijoux avec des pièces d'argent fournies parle client, et fondues dans un creuset chauffé sur un peu de charbon, qu'ils activaient avec un soufflet actionné par le pied, confectionné avec une peau de chevreau gonflée d'air.

Une " médecine " de plein air.
Des arracheurs de dents exerçaient leur art en utilisant des pinces destinées plutôt à arracher des clous, et les cris et hurlements des "patients", leur servaient d'enseigne.
Un chirurgien, toujours présent sur le marché, soulageait ceux qui étaient affligés d'un excès de sang en leur appliquant sur la nuque, des ventouses scarifiées, confectionnées en fer blanc et munies d'un long tuyau ; par ce tuyau, il aspirait le produit de la saignée. Pour démontrer l'efficacité de l'opération, il le recrachait à longs jets, à la vue des badauds ahuris !! Parfois des européens avaient recours à ses services et s'en trouvaient, disaient- ils, soulagés !
Le côté spectacle était souvent présent sur le marché, avec les montreurs de singes (à défaut d'ours) et de serpents d'apparence agressive, mais bien inoffensifs.
Quelquefois des émissaires de sectes religieuses battaient le rappel de leurs fidèles, au son de tambours, flûtes et castagnettes, qui attiraient aussi les curieux.
Ces séances se déroulaient sur un espace poussiéreux en été, souvent boueux en hiver, occupé par une foule bigarrée. aux visages bronzés. criant ou hurlant d'une voix rauque ou aigüe, dans un langage guttural incompréhensible pour des Européens.
Parfois des bousculades, assorties de rixes, éclataient, ponctuées de claquements de bâtons : "la matraque", dont tous les participants étaient munis : les coups échangés étaient rarement graves.
Au début, les français observaient ce spectacle en se tenant à l'écart, tout leur paraissant insolite et bizarre. La curiosité aidant, et la diversité des produits présentés, l'attrait qu'ils offraient pour varier les menus, encore bien peu diversifiés, ont incité les plus audacieux à engager des tractations avec les vendeurs. L'ignorance de la langue les rendaient plutôt ardues, mais suppléées par des gestes expressifs. elles se concluaient par des achats ; le vendeur étant souvent favorisé par l'ignorance de l'acheteur au marchandage de règle. Les contacts se sont généralisés très vite, chacune des parties y trouvant son compte : ils ont contribué à établir des relations humaines favorables à la coexistence pacifique de populations bien différentes. dans l'intérêt de chacune.
Cette relation de faits, bientôt centenaire, peut paraître bien longue et fastidieuse au lecteur, mais elle semblait nécessaire pour informer les jeunes générations des conditions et de l'environnement dans lesquels ont vécu ceux qui les ont précédés, et ceuvré pour une vie meilleure dans un pays tiré pratiquement du néant, avec des moyens précaires.

Le premier réseau routier, les transports.
L'ouverture, dans le courant de l'année 1908, d'une route bien tracée et empierrée, recouvrant la piste souvent rendue impraticable par les intempéries hivernales : pluie et neige, a permis la création d'un service quotidien assurant l'acheminement du courrier (transporté jusque là par des cavalier, d'une exactitude plutôt fantaisiste).
Le véhicule partait tôt le matin de Burdeau, pour arriver 1 heures plus tard à Tiaret. Il fallait changer les 4 chevaux de l'attelage aux Trois fermes et un arrêt à Trumelet, pour les laisser souffler un peu.
La diligence, pourvue d'un attelage nouveau, quittait Tiaret vers le milieu de l'après-midi, pour être de retour quatre heures après, s'il n'y avait pas d'incidents de parcours, chose assez fréquente avec ce type de véhicule, d'un confort plutôt relatif.
Malgré cela, il était très apprécié des usagers pour lesquels il supprimait l'impression d'isolement bien pesante jusque là, et tout en améliorant les conditions de vie des habitants de toute la région, il a contribué au dévcloppcment de la région.
L'arrivée de la diligence était un événement très attendu et la distraction quotidienne de nombreux curieux.
Dans le même temps, une ligne télégraphique reliée à Trumelet était posée au bord de la route, tandis que les services publics : poste et écoles. étaient pourvus de leurs titulaires et entraient en fonction. Les bancs des écoles étaient vite garnis : une cinquantaine chez les garçons et autant chez les filles.

Développement rapide du commerce.
Appâtés par le gain, commerçants et artisans de toutes professions, venus généralement de Tiaret ou d'autres localités du Dépt d'Oran, ouvraient boutiques, bazars, ateliers ou échoppes, pour répondre aux besoins d'une population croissante : arrivaient également les premiers commis-voyageurs représentant des maisons de commerce fixées à Alger, Oran ou Marseille. Ils proposaient du matériel agricole, de l'outillage, des vêtements, de la vaisselle, des huiles et savons de Marseille.
Personnages truculents, beaux parleurs, conteurs, comme le veut la profession, ils étaient, en général bien accueillis par les habitant auxquels ils apportaient des nouvelles d'un monde qui leur était devenu bien lointain.

Il reste de ce village et de ses habitants, un esprit de solidarité et d'amitié que le temps n'a pas réussi à effacer.
Le premier grand rassemblement des retrouvailles s'est déroulé en 1975. Depuis tous les deux ans nous nous réunissons au grand bonheur de ceux qui s'y rendent.
La création d'une revue bi-annuelle "Les nouvelles de Burdcau-Sersou" entretient ces liens qui se sons créés lors de la création de notre village en 1904, et dont nous sommes heureux d'en conserver cc précieux héritage.

Michèle ERNST-PUECH






Bonjour, Je vous félicite pour votre article sur Burdeau. Je suis l'arrière petit fils de Pierre Marie Domeck qui en fut le fondateur et le Maire durant de nombreuses années. Je suis resté attaché à mes racines. Bien cordialement ! Jacques Villard
VILLARD jacques - Fonctionnaire d'Etat retraité du Ministère des Finances - FAUGERES, France

14/06/2012 - 34022

Commentaires

"Le véhicule partait tôt le matin de Burdeau, pour arriver 1 heures plus tard à Tiaret. Il fallait changer les 4 chevaux de l'attelage aux Trois fermes et un arrêt à Trumelet, pour les laisser souffler un peu." ce devait être les fils de pégase parce que 1 heure burdeau - tiaret en chariot cela me parrait invraissemblable avec des chevaux
claude - retraité - Vannes
01/12/2008 - 2277

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