Souk-Ahras - HISTOIRE

Les tribulations de l'ALN 1958-1959



Ceux qui combattent à l’intérieur et ceux qui représentent l’Algérie en dehors, les « militaires » et les « politiques », les uns et les autres, souvent venus des anciennes formations politiques et en gardant la marque, les dirigeants qui étaient dans la lutte avant l’insurrection et ceux qui n’y sont entrés qu’après, ceux qui sont issus des milieux paysans et ceux qui appartiennent à la petite bourgeoisie n’ont pas nécessairement la même approche ni les mêmes analyses des situations. Les sacrifices demandés et consentis, la cruauté des combats, l’ampleur des difficultés à affronter et aussi les inimitiés personnelles et les susceptibilités régionalistes (« arabes » et « kabyles » entre autres) exacerbent parfois des oppositions d’ordre politique plus ou moins couvertes par la nécessité de maintenir l’unité de combat. Des alliances se nouent et se dénouent, des « complots » auxquels ne sont pas toujours étrangers les services spéciaux de l’Etat-hôte (notamment égyptiens dirigés par Fath el-Dib) se trament et mûrissent. C’est ainsi que naît le plus connu d’entre eux, le « complot des colonels » au centre duquel se trouvent les colonels Mohammed Amouri, Ahmed Nouaoura et Laskri Amara, anciens commandants de wilaya.

Le colonel Amouri est un homme du 1er novembre 1954. Originaire des Aurès, ancien chef de la wilaya I, il manifeste son désaccord avec l’orientation politique définie par le Congrès de la Soummam. Partisan d’une extension de la lutte (il souhaite l’élargissement du conflit à l’ensemble du Maghreb), il s’insurge contre la présence au sein du F.L.N. de « certains éléments » qu’il qualifie « d’arrivistes », visant plus particulièrement les « civils-politiques ».

Son opposition au C.C.E. puis au G.P.R.A. provoquera son exil en Egypte. Un autre opposant, Mostefa Lakhal, affiche les mêmes sentiments. Engagé très tôt dans la lutte en wilaya 4, il sera lui aussi envoyé en Egypte où il effectuera un stage dans une académie militaire.

En wilaya I, les mécontents sont nombreux. La proximité du redoutable obstacle qu’est devenue la ligne Morice alimente d’âpres polémiques. Amouri s’entend avec le colonel Nouaoura, qui lui succède un temps à la tête de son ancienne responsabilité. Puis c’est le chef de l’importante « base de l’Est » (la région de Souk-Ahras) le commandant Aouechria, qui rejoint le complot mis en place contre le G.P.R.A.

En avril 1958, le G.P.R.A. décide la création de deux états-majors. L’un celui de l’Est, siégera à Ghardimaou (Tunisie) et sera placé sous la responsabilité de Mohammedi Saïd ; celui de l’Ouest s’installera à Oujda (Maroc) et sera confié au colonel Houari Boumediène. Placer sous un même commandement les unités stationnées sur les frontières marocaines et tunisiennes, tel est l’objectif du ministre des Armées. Il n’ignore plus l’effervescence qui règne, notamment à l’est, et il espère y mettre un terme. Le 1er novembre 1958, date anniversaire du déclenchement de la rébellion, Krim ordonne une attaque massive sur la ligne fortifiée. C’est l’échec. Les critiques redoublent.

A la mi-novembre, la gendarmerie tunisienne encercle une maison à un étage, P.C. de la zone de Souk-Ahras, dans un quartier périphérique du Kef en Tunisie. Amouri et ses amis sont réunis. Ils mettent au point les modalités de la prise du pouvoir. Mais ce sont eux qui sont arrêtés…

Trois mois d’interrogatoires, trois mois d’instruction et le dossier est transmis à un tribunal dont la composition est décidée par le G.P.R.A., réuni exceptionnellement. Le président en sera Houari Boumediène, futur chef de l’Etat algérien…

Les juges rendront leur verdict : 4 condamnations à mort : les colonels Mohamed Amouri, et Ahmed Nouaoura et les commandants Aouechria et Mostefa Lakhal. Ils seront fusillés le 16 mars 1959 près de Tunis. De nombreux autres officiers resteront en prison jusqu’en 1960.


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