Souk-Ahras - Saint Augustin

En Algérie, sur les traces de Saint-Augustin Des trésors antiques insouçonnés



En Algérie, sur les traces de Saint-Augustin Des trésors antiques insouçonnés
Le printemps sied à merveille aux Aurès. Dès les premières douceurs de mars, les prairies d'altitude se parent d'un doux tapis vert parsemé de rouge écarlate de coquelicots et de parme de violettes et contrastent avec l'ocre châtain des vestiges romains qui défient l'apesanteur depuis plus de vingt siècles.

A 1100 MÈTRES d’altitude, l'air est pur. Coquelicots des AurèsSur le site antique de Madaure, mille colonnes de calcaire bistre et de marbre fusent vers le bleu des cieux et attestent d'un passé glorieux en cette croisée de civilisations, également creuset d'augustes érudits : Apulée de Madaure, l'inventeur du roman moderne, Maxime le grammairien ou Augustin le Saint. C'est à Souk-Ahras (Thagaste), au confluent de plusieurs voies romaines vers Hippone, Carthage et Cirta, haut lieu culturel au cœur du pays Chaouias, qu'Augustin a vu le jour un 13 novembre 354 ; mais c'est à Madaure, quelques encablures plus loin, qu'il initie la voie qui le mènera au firmament du savoir et de l'humanisme et fera de lui cet Algérien chrétien à la dimension universelle.

Madaure la mauve
En ce temps, Madaure est une ville florissante qui étale, en un dégradé de couleurs chatoyantes, ses oliveraies, amanderaies, figueraies et vignobles jusqu'aux piémonts de djebel Bou-Sessou. Des violettes à MadaureLe vert des prairies domine, moucheté çà et là du mauve délicat de la violette. Connue depuis l'Antiquité dans le bassin méditerranéen, cette tendre fleur mêle son histoire à la légende d'Io, la génisse tant aimée de Zeus qui a donné Ion, Viole puis Violette. Les Romaines se parfumaient et se poudraient à la corolle de cette fleur suavement odorante, tandis que les Romains la tressaient en couronne pour effacer les affres des migraines provoquées par leurs libations bachiques !
Déambuler dans le lacis de ses calades livrées aux herbes folles et aux sauterelles suscite fascination et mélancolie. On se plaît à admirer les belles colonnes corinthiennes ocreuses. Découvrir les thermes, ces salons publics où la vie romaine prenait toute sa dimension. Faire une halte au fort byzantin miraculeusement debout. S'asseoir un instant sur un gradin du minuscule théâtre. Fermer les yeux et se laisser bercer par les litanies stridulantes des femmes Chaouias mêlées à l'eurythmie flûtée des zéphyrs légers... Bribes de rêverie dérobées au bonheur éphémère. Il est déjà temps de repartir...
Les ruines de Madaure sont aujourd'hui plus éloquentes que celles de Thagaste dont le site reste à fouiller : le sous-sol de la région recèle de trésors mais, étant donné le coût des travaux, priorité est donnée à la restauration des sites déterrés.

Calama la théâtrale
Esculape, dieu romain de la Médecine Sur le chemin de Timgad, l'impressionnant théâtre romain de Guelma (l'antique Calama) - 5 000 places - entièrement restauré en 1908, témoigne de l'importante activité culturelle à cette époque. De part et d'autre du mur de scène trônent deux statues de marbre blanc d'Esculape et de Neptune. L'arrière-scène est une salle de musée d'un grand intérêt archéologique. Cité prospère hier, Guelma est aujourd'hui une ville aux multiples attraits touristiques : les vestiges antiques de Thibilis, les dolmens et grottes funéraires de Roknia, le lac souterrain à Bir-Osmane, la piscine romaine à Héliopolis et surtout les nombreuses sources thermales réputées pour leurs qualités curatives.

Timgad, la mordorée
Tant de suprématie, tant de gloire, tant de richesses et puis... plus rien ! Timgad la somptueuseRien que le silence et la vacuité qui planent sur cette imposante cité fantôme que survolent sporadiquement des cigognes. Un spectacle impressionnant, presque oppressant par la magnificence qui se dégage de ce fabuleux décor de péplum non achevé ! Longtemps enfouie sous les sables du désert, Timgad la majestueuse est, avec Pompéi ensevelie sous les cendres du Vésuve, la seule ville au monde qui peut témoigner de la perfection architectonique des romains. Un damier parfait divisé en croix par le cardo et le decamanus, les deux voies principales qui lotissent la cité en quatre. Sur ce site miraculeusement préservé, aucune pièce n'a été rajoutée, aucun élément n'est venu en altérer la parfaite harmonie. Réminiscence de conquêtes lointaines, des milliers de colonnes mordorées défient l'apesanteur en trempant hardiment leurs chapiteaux corinthiens dans l'azur du ciel. Au centre, le forum entouré des principaux édifices publics : la curie, le temple impérial, le marché et les boutiques. La bibliothèque, qui n'a d'égale dit-on que celle d'Ephèse en Turquie, atteste d'une société cultivée, avide de savoir et de progrès. Au sud, le théâtre de 4 000 places domine l'ensemble et offre un excellent point de vue.
A la porte de l'Ouest, se dresse triomphalement l'arc de Trajan. Le majestueux capitole, temple majeur où l'on vénérait les dieux Jupiter, Junon, Minerve, garants de l'unité de l'Empire, avec ses colonnes corinthiennes démesurément élancées qui semblent tenir en équilibre comme par miracle.
Un foisonnement d'édifices étonnants : la maison de l'Hermaphrodite, la fontaine de Liberalis, le temple de Saturne, le Temple du Génie de la colonie érigé par Marc-Aurèle ou encore le marché de Sertius avec ses étals aux noms des marchands gravés sur des stèles.
Les thermes sont nombreux dans cette ville de 11 hectares intra muros. Sur les thermes du sud, les pièces de chauffe sont encore visibles, presque intactes.
Le musée, près de l'entrée du site, abrite un éventail de curiosités exceptionnelles dont une centaine de fresques en mosaïque d'une fraîcheur éclatante.

Batna, bled de lumière
A une trentaine de kilomètres au sud-ouest, la ville de Batna, à cheval sur les deux atlas tellien et saharien, est la ville des contrastes : l'été est chaud et en hiver, de grandes traînées de neige dévalent jusqu'aux portes des maisons. Un décor ocreux de western-spaghetti, à 1 000 mètres d'altitude, avec au premier plan les belles montagnes de Hodna et au fond le massif des Aurès et son pittoresque Djebel Chelia culminant 2 318 mètres.
Ce bled de lumière est un paradis pour de saisissantes randonnées : entre le nord-est du massif couvert de belles forêts de cèdres, de chênes-lièges, pistachiers de l'atlas et les oasis vertes des canyons de Djemmorah, entre les grès rouges de Baniane et les terres argentées du djebel Mahmel avec ses neiges presque éternelles. La falaise de Djemina avec sa paroi vertigineuse de 200 mètres de haut et ses habitations troglodytiques à mi-hauteur auxquelles on accède par un système de passerelles et de sentiers suspendus. Par le col de Telmet, il est possible d'atteindre les ruines de la ville romaine de Zana, ancienne Diana.

Le Medracen, un mausolée royal
Le Medracen, un monument énigmatiqueSur la route de Constantine se dresse le Medracen, un mausolée typiquement numide vieux de quelque 24 siècles. C'est un gigantesque dôme cerclé de colonnes surmontées de chapiteaux de style dorique, typique des monuments puniques.
Édifié par les rois numides deux siècles avant l'ère chrétienne, ce tombeau témoigne du savoir-faire des artisans qui taillaient et agençaient parfaitement les pierres.

Tiddis la rouge
Tiddis, cette cité post-augustine, est la grande méconnue des sites romains en Algérie.
Détail de pierre à TiddisA une demi-heure de Constantine par une route sinueuse, sa découverte, à flanc de colline, est inattendue : un enchevêtrement de rues en lacets, de ruines recouvertes de terre rouge sur le tapis vert de la végétation. Le tracé capricieux de Tiddis est un chef-d'œuvre de virtuosité qui force le respect nonobstant le relief de montagne ardu et difficile d'accès.
Ville du commerce de poterie essentiellement où les souks regorgeaient d'objets en céramique sigillée d'un rouge orangé, Tiddis bénéficie d'un climat doux et d'un paysage superbe qui en font un lieu idéal pour une promenade romantique et agreste. Ce qui explique peut-être la longue succession des civilisations : libyque, numide, punique, romaine, byzantine, vandale et musulmane !

Augustin l'Algérien
Devenu évêque de la basilique d'Hippone, Saint Augustin passa 40 ans de sa vie dans cette cité romaine. Le 28 août 430, alors que les Vandales assiègent la ville, le saint homme, alors âgé de 73 ans, rejoint l'éternelle demeure de toute paix. Soixante-dix ans après sa mort, sa dépouille est exhumée et transportée en Sardaigne puis à Pavie au VIIIe siècle. Le 28 octobre 1848, le cubitus droit, escorté d'un cortège de prélats, est rapatrié à Annaba. Quelques décennies plus tard, la communauté chrétienne lui témoigne sa reconnaissance en faisant édifier une basilique au sommet d'une colline, supposé emplacement de son ancienne « Basilica Pacis ». L'erreur subsista jusqu'à ce que des fouilles mettent à jour les restes de cette vieille basilique... au pied de la colline. A cet endroit, un mausolée de marbre blanc surmonté d'une statue du saint homme laisse aujourd'hui croire à son tombeau.
La basilique de St Augustin à AnnabaDans un style d'inspiration arabo-byzantine, la basilique d'aujourd'hui a été bâtie avec des marbres tirés du sol algérien. Un coffre berbère de 300 ans fait office d'autel, évoquant les origines de St Augustin.

C'est en admirant ce paysage tranquille d'une grande quiétude que le saint demanda à Dieu « la grâce de demeurer sous ces ombrages de paix, en attendant ceux de [son] Paradis ».
A l'instar de Yasmina Khadra, cet autre félibre algérien, il aurait pu rajouter : « Le seul pays où je suis vraiment chez moi est cette bonne vieille Numidie ... Chaque pierre de mon pays manque à mon édifice. Je suis de ceux qui croient que l'Algérie va bientôt renaître à la joie de vivre. Pour rien au monde je ne voudrais rater ça ! ». Qu'ils soient exhaussés l'un comme l'autre, Inchallah !


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