Skikda - Ben Azouz

Zone humide de Guerbès à Skikda: Un projet pétrochimique fait polémique



Zone humide de Guerbès à Skikda:  Un projet pétrochimique fait polémique




Un communiqué commun signé par deux associations locales, Les Amis de Skikda et Ecologica, est venu s’immiscer dans le débat déjà assez passionnel que nourrit la vox populi dans la ville de Skikda depuis l’annonce faite par Sonatrach d’implanter un méga-pôle pétrochimique à proximité de la zone humide Guerbès-Sanhaja.

Le communiqué, qui exprime au préalable «des réserves légitimes» des deux associations quant au «devenir écologique de la zone humide classée et protégée», propose, à tort ou à raison, d’installer «ce nouvel embryon industriel à la place du complexe pétrochimique CP1K qui est en voie d’être démonté, à moins qu’il ne faille trouver ailleurs, dans le pays, un endroit plus propice qu’à Skikda», lit-on dans ledit communiqué.

Les deux associations, Les Amis de Skikda et Ecologica, estiment, dans leur conclusion, qu’elles ne font à travers cet écrit qu’exprimer «les inquiétudes sincères de la population de Skikda et ses environs». Pour revenir au projet, selon des sources crédibles, il s’agit d’un complexe pétrochimique composé d’une vingtaine d’unités qui vise à s’étaler sur une superficie de 600 à 700 ha. Sa vocation essentielle reste la valorisation de l’industrie pétrochimique en générale et le naphta en particulier. Le désir de Sonatrach d’implanter ce complexe à Guerbès a été révélé par M. Zerguine lors de son dernier déplacement à Skikda le mois dernier.

Prospection pour le choix du site

Les mêmes sources avancent également que des prospections relatives au choix de l’assiette devant abriter le complexe sont déjà en cours. «Le site convoité par Sonatrach est à moins de 3 km des limites nord-ouest du périmètre de la zone humide de Guerbès Sanhaja. Il commence à quelques encablures de Marsat Bel Abbès, où gît l’épave du Sophia, un navire échoué le 7 mars 2008, pour s’étendre en amont vers l’ouest», expliquent nos sources. Quant aux motifs ayant conduit au choix de cet emplacement, les mêmes sources avancent que Sonatrach envisage, a priori, d’implanter ce complexe dans la zone industrielle de Skikda. «Le PDG a d’ailleurs exigé, lors de son dernier déplacement à Skikda à ce qu’on libère le maximum d’espace dans la zone, quitte à délocaliser les blocs administratifs. A mon avis, le choix de Guerbès reste une voie de secours qui sera retenue au cas où on ne parviendrait pas à trouver les 600 ha nécessaires au projet pétrochimique.»

Au sujet des raisons ayant mené Sonatrach à retenir l’option de Guerbès, nos sources avancent plusieurs argumentations : «Il y a d’abord la proximité avec la côte et avec les pipes de Sonatrach, qui envisage même de construire un port dédié exclusivement à l’exportation des produits du complexe. L’atout majeur c’est également les retombées socioéconomiques sur cette région déshéritée. N’oubliez pas que ce projet offrira 30.000 postes d’emploi direct, ce qui n’est pas rien.» Ces avantages ne semblent néanmoins pas convaincre certaines associations locales.

Appels à un débat public

Pour Souames Radouane, maître assistant à l’université de Annaba et président de l’association pour la protection de l’environnement Ecologica, le projet mérite un débat de fond avec l’ensemble de la société pour mieux cerner ses avantages et ses inconvénients. Lors d’un débat improvisé, il a accepté à revenir aux «fondements» qui emmènent l’association qu’il préside à émettre des réserves quant au projet de Sonatrach. «La décision de Sonatrach d’implanter un complexe pétrochimique à Guerbès est venue comme un cheveu sur la soupe, remettant pas mal de questions à l’ordre du jour. Elle tombe vraiment au mauvais moment, car notre lutte était axée sur l’urgence de parachever le plan de gestion de cette zone ainsi que son classement en aire protégée. Et voilà que la pétrochimie vient s’en mêler, au risque de rajouter au marasme d’un eldorado naturel que nous ne parvenions déjà plus à préserver.» Prié d’aller au fond des choses et d’expliquer clairement les raisons qui poussent Ecologica à voir d’un si mauvais œil le projet de Sonatrach, M. Souames répond que la configuration spatiale de la région laisse envisager que le complexe pétrochimique sera vraisemblablement implanté en dehors des limites de la zone humide, mais que cela ne devrait pas rassurer pour autant.

Il explique: «Si Sonatrach envisage d’implanter son complexe pétrochimique à l’ouest de la zone – et c’est l’unique emplacement possible – il est important de relever que non loin de cette aire se trouve un site archéologique des plus importants de la wilaya de Skikda ; il s’agit des vestiges de l’ancienne Paratianis, une cité romaine prospère chère à saint Augustin. D’ailleurs, en reconnaissance de l’importance de ce site, le ministère de la Culture l’a retenu parmi les sites archéologiques du pays devant bénéficier d’un plan de protection. Une enveloppe financière conséquente a même été allouée pour préserver le site, qui abrite des vestiges, les "Ruines saintes" et des piscines d’eau de mer très rares en Algérie.

Pourquoi alors prendre le risque d’anéantir tant d’efforts et tant de richesses?

Nous nous permettons de nous le demander et nous espérons que Sonatrach, qui reste qu’on le veuille ou non une entreprise citoyenne, puisse comprendre nos préoccupations qui, on n’en doute pas, sont certainement aussi les siennes.»


Khider Ouahab



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