Les Colliotes avaient toujours défendu avec succès leur liberté contre les princes turcs et les princes Hafsides de Tunis. Ils vivaient dans une indépendance complète qui devait dater de très loin. La province de Constantine, dont Collo était le port, imita cette ville et se rangea sous la même domination qu'elle. A cette époque le commerce de Collo était très florissant.
En 1521, ils s'attachèrent volontairement à la fortune de Khaïr ed Dine ( Barberousse), et sous la garantie de certaines franchises, en se réservant ainsi la protection du corsaire pour leurs navires frétés par la ville. S'ils perdaient leur liberté, ils conservaient du moins leur moyen d'existence. En contrepartie, le corsaire laissa 200 janissaires sous le commandement d'un Kaîd el Asker, occupant militairement une vieille tour carrée de construction génoise, bâtie à l'entrée de la ville.
Une batterie, située entre la grande mosquée et la presqu'île El Djerda et armée de trois ou quatre canons défendait le mouillage. (Tour des janissaires et batterie ont été complètement ruinées par le tremblement de terre de 1856, qui fit tant de ravage sur la côte ) .
En 1785, rien n'était changé à cet état de choses, au point de vue commercial. Voici ce qu'on dit l'Abbé Poiret, qui visita le pays dans le courant de la même année:
" Le pays proprement dit de Collo est une petite vallée, où s'y trouvent 150 maisons à un seul étage, fabriquées en argile et en terre. Elles forment quatre villages assez rapprochés les uns des autres, habités depuis longtemps par des Kabyles et des Maures qui s'y sont rassemblés de différentes nations de la montagne".
" Ces villages ont tous un nom particulier. Le premier et le plus éloigné de la marine s'appelle Bir El Caïd, le second, l' Azoulin qui est le nom de la nation qui l'habite. Le troisième, Bir Etouil et le quatrième El Djarda, qui est le nom de la montagne au pied de laquelle le village est bâti. Le dernier est celui qui est le plus près de la marine, et où se trouve le château de la garnison turque, ainsi que le comptoir de la compagnie royale d'Afrique".
"Le Collo est borné à l'est par une vaste rade ouverte au nord et au nord-est ; Au midi, par des montagnes désertes; à l'ouest, par les ouled Fensel ou Afensou qui sont les sentinelles et les alliés des Collins en temps de guerre. Il est borné au nord, par un petit golfe appelé en langue du pays Bahr ença ou mer des femmes. L'air de Collo est sain et tempéré; Le sol de la vallée est sec et stérile. L'on y voit cependant beaucoup d'arbres fruitiers, qui, soit par la qualité du terrain soit par le défaut de culture, ne donnent que des fruits d'un goût fade et ne peuvent parvenir à une parfaite maturité. Les montagnes même qui environnent le pays ne produisent que quelques arbrisseaux".
"Les Collins, ne pouvant, par la mauvaise qualité de leur terrain et par son peu d'étendue, tirer de la culture de quoi se procurer les secours de la vie animale, se sont adonnés au marché des cuirs de bœufs, qu'ils achètent à bon marché des montagnards, et qu'ils vendent souvent bien cher à l'agent de la compagnie. Ils fabriquent, outre de cela, avec du lin qui leur est apporté d'Alger, des toiles très communes qu'ils vendent aux montagnards, ou qu'ils échangent pour du blé, du beurre, de l'huile et souvent pour des cuirs".
"Quelques-uns uns plus actifs, portent à Alger, du beurre salé, de l'huile, des noix, des figues sèches et en rapportent des étoffes pour leurs habillements et du sel qui leur sert à saler les cuirs, en attendant le temps de la traite de cette marchandise".
"D'anciens puits qui sont encore dans le meilleur état, un vieux château et quantité de vieilles maisons font voir clairement que le pays a été habité avant l'arrivée des Maures et ce qui porte à croire que les Romains y avaient formé un établissement très considérable. Ce sont quelques inscriptions que l'on voie sur de grandes pierres blanches, qui servaient apparemment de frontispice à leur temple. On y lit " Neptuno Jovi ". D'autres inscriptions se trouvent sur plusieurs autres pierres, avec l'écriture renversée et que l'on ne peut pas lire".
"Le gouvernement de Collo est, pour la forme, le même que celui des autres places qui sont de la dépendance d'Alger : Un Agha ou commandant est à la tête du gouvernement. Cet homme a sous lui quatre officiers qui composent le Diwan ou le conseil, et un certain nombre de soldats, remplacés tous les ans, en mai, par de nouvelles troupes qui viennent d'Alger.
La milice est pour contenir les Collins dans leur devoir, protéger les chrétiens qui font le commerce, et s'opposer aux descentes que pourraient tenter à Collo, les ennemis d'Alger. Ce gouvernement militaire n'est composé que de Turcs".
"Le gouvernement civil est entre les mains de Caïd locaux et de sept chefs maures dispersés dans les quatre villages. Ils n'ont aucune autorité sur les Collins et se contentent du titre de leur charge. Ils traitent seulement de la paix et de la guerre avec les nations de la montagne, empêchent ou permettent le commerce des cuirs entre les chrétiens et les Cabaïles lorsqu'ils ne peuvent ou ne veulent, faute d'argent, acheter eux-mêmes, cette marchandise, pour la revendre à un plus haut prix au temps de la traite. Ces Caïds, qui sont eux-mêmes les plus grands coquins du monde, n'ont pas le pouvoir ni même la volonté de mettre un frein à l'injustice et au crime qui vont tête levée dans ce pays. Le droit du plus fort et le fusil décident tous les différents".
"Les Turcs ne sont pas même épargnés". "Quand leur Agha ou le Diwan veulent s'aviser de mettre le bon ordre, il est bien rare que la garnison retourne à Alger sans laisser plusieurs soldats tués sur place, ce qui fait que depuis longtemps, ils se bornent à manger tranquillement leur paye et à ne point s'écarter du château, laissant les Collins dans leurs villages jouir impunément d'une liberté qui occasionne presque tous les jours, les plus grands désordres. L'impunité a multiplié tous les crimes, et a fait des Collins sans exagération, les hommes les plus méchants qu'il y ait sur la terre".
"Toutes les nations des environs de Collo et qui vivent dans ce pays, sont indépendantes. Les forces du Bey de Constantine n'ont pas encore pu les réduire sous sa domination. Plusieurs d'entre elles n'ont même pas de chef pour les gouverner. On les voit toujours en guerre les uns contre les autres".
"Les Colliotes sont en général blancs, grands, élégants. Ils ne sortent jamais de leurs maisons qu'armés du fusils, de pistolets et de sabres. Ils ne meurent jamais que sous les blessures des coups meurtriers de ces armes, étant sans cesse en guerre".
En 1820, les Colliotes rendus furieux par les scandales de toutes sortes que les Turcs causaient, chassèrent la garnison. Les commerçants ne trouvant plus ni protection ni garanties cessèrent de nouveau d'y venir. Menacés par le Pacha d'être attaqués par sa marine et réduits à la misère par la rupture des relations commerciales, les rebelles se virent obligés de rappeler les Turcs qui y restèrent jusqu'en 1830. Mais, les soldats n'osaient plus sortir du fort et se tenaient continuellement sur leurs gardes à cause des tribus voisines qui ne leur faisait aucun quartier, et qui conservèrent par ailleurs leur complète indépendance pendant tout le temps de l'occupation turque.
Marniol qui écrivait au XVI° siècle dit à ce sujet :
" Collo était autrefois fort peuplée et avait de hautes murailles que les Goths rasèrent après l'avoir conquise sur les Romains. Cependant on ne les a jamais rétablies depuis, quoiqu'il y avait grand commerce et force marchandises en cours.
Le peuple est courtois et civil : on va y acheter de la cire, des cuirs et d'autres marchandises. La contrée du côté de la montagne abonde en blé, en troupeaux de toute sorte. Les habitants se maintenaient autrefois en liberté et étaient assez puissants pour se défendre des rois de Tunis et des seigneurs de Constantine".
"La plus part du pays est montagneux et peuplé de Berbères forts vaillants de sorte qu'il n'y avait pas de ville plus riche ni plus assurée que celle-ci car elle faisait dix mille hommes de combat. Elle s'est, depuis donnée aux Turcs qui y tiennent garnison et celui qui commande dans Alger y envoie un gouverneur qui dépend de celui de Constantine, lequel reçoit le revenu de toute la province et a soin que les habitants ne soient point foulés."
"Les Vénitiens et les Génois fréquentaient déjà et depuis longtemps le port de Collo; Les Français y furent ensuite accueillis, puis les Italiens et les Flamands. Parmi ces divers peuples, les français furent préférés pour la franchise de leurs relations et vivement regrettés quand ils furent supplantés pendant les guerres de l'empire. La compagnie de la Calle y entretenait un agent chargé des achats commerciaux de toute nature. Cet agent ayant lui-même un facteur établi à quelques distances de la ville, dans la tribu des Beni Toufout et traitant directement avec les indigènes".
"La compagnie payait au Bey de Constantine 10% de toutes les marchandises qu'elle achetait et qui se composaient annuellement de 400 quintaux métriques de cire, des céréales, du miel, de l'huile, du corail, du suif, un peu de coton, et 130 à 150 000 cuirs non tannés".
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Posté Le : 23/12/2007
Posté par : nassima-v
Source : colliotte.free.fr