Du djebel aux rizières d'Abderrezak Bouhara, Éditions Anep, Alger, 2005

Péripéties de résistances

"Du djebel aux rizières" dont la rédaction a duré près de trois années est un nouveau jalon dans l'édifice de l'histoire de l'Algérie combattante, une Algérie qui a toujours soutenu le combat des peuples opprimés pour le recouvrement de leur liberté.
Paru aux éditions de l'ANEP, l'ouvrage scindé en trois chapitres distincts en phase de traduction vers l'arabe, constitue un apport à la bibliothèque algérienne et une référence conseillée aux chercheurs et étudiants en histoire, en ce sens qu'il apporte des éclairages sur la Révolution. Des faits connus, d'autres inédits que M. Bouhara a confiés au lecteur dans une sorte de mémoires. Forgé dans la matrice de la Révolution, l'homme qui a témoigné d'une période sensible de l'histoire, reprend dans un style littéraire simple, et avec une spontanéité ressentie, des faits puisés dans la mémoire collective du peuple.
Sans se soucier de la chronologie, l'auteur a donné libre cours à ses souvenirs, à son vécu auprès de ses compagnons de combat pour aboutir à une esquisse d'événements. Loin de faire l'éloge d'une époque, il se contentera de narrer des faits évitant de tomber dans le narcissisme. Une autre qualité reconnue par les proches de M. Bouhara présents dans la salle, dont M. Mohamed El Mili.
Les années soixante, le front de Suez et le Vietnam sont les trois parties abordées dans le détail par M. Abderrezak Bouhara. Le premier chapitre est consacré à des faits apparemment anodins, à une réflexion sur le rapport des forces au cours des sept années de lutte pour la libération et à la conversion de l'ALN en Armée Nationale Populaire au lendemain de l'Indépendance. L'auteur qui s'est voulu impartial, aborde la question des rapports de forces en référence à des données objectives et vérifiées, parfois puisées dans les sources du colonisateur lui-même, évitant ainsi tout influence à caractère propagandiste. Les faits contenus dans le livre, sont en grande partie tirés de notes enregistrées au lendemain de l'Indépendance et préservées par l'auteur. Par devoir de mémoire et par obligation morale envers tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de la révolution, M. Abderrezak Bouhara a reconstitué les notes dont une partie a disparu, reconnaît-il.

Dans l'étude consacrée à cet aspect de la guerre "longtemps réduite à une sédition par les milieux officiels français", l'auteur focalise sur la résistance populaire, et l'action mobilisatrice du FLN qui "a réussi à renverser totalement l'ordre politique et social établi par la colonisation" en donnant "un des meilleurs exemples de ces mouvements et l'une des expériences des plus intéressantes dans le domaine de la guerre de guérillas". Dans son analyse des rapports de forces, l'auteur prend l'année 1960 comme repère, faute écrit-il, "de statistiques connues ou officiellement établies". Une référence qui permet de fournir des éléments d'évaluation acceptables. Ainsi, en 1960, les forces françaises participant à la guerre étaient évaluées à 600.000 hommes face à près de 30.000 djoundis répartis entre les six wilayas et les unités implantées sur les frontières à l'Est et à l'Ouest. Des chiffres qui ne tiennent pas compte de l'armement, pour ne pas comparer l'incomparable. Le commandant du 39e bataillon s'attarde sur les principaux faits de guerre : de l'arrivée du général Charles de Gaulle au pouvoir en 1958 au début des négociations entre le GPRA et le gouvernement français en 1960 et du cessez-le-feu à l'Indépendance. L'auteur de l'ouvrage "Du djebel aux rizières", conclut que "l'Algérie indépendante a bien surmonté ses difficultés" en dépit des turbulences que notre pays a traversées en 1962, conséquemment à une crise de commandement au sein de la direction politique et de l'armée. Un passage de l'histoire que M. Abderrezak Bouhara a eu le courage d'évoquer.