Sidi-Belabbès - ARTS ET CULTURES

Sidi Bel Abbès, saison théâtre, En attendant Godot ouvre la saison



Un personnage claudiquant investit la scène pour aller s’affaler sous quelque chose qui ressemble à un arbre. Il a mal aux pieds et tente péniblement de se débarrasser de ses chaussures. A sa tenue, il a tout d’une épave humaine. Il est rejoint par une autre à l’étrange fixité du regard et à la démarche crispée.

Ce sont des clochards à première vue mais des déchus qui ne le sont qu’en vernis. Ils sont là, attendant un mystérieux Godot pour on ne saura quelle raison. La pièce tourne autour d’une longue et vaine attente… du rien. C’est par ce spectacle monté à partir de la mythique En attendant Godot, traduite en arabe littéraire par le libanais Paul Chaoul, que l’ouverture de la saison théâtrale a été marquée au pays de la Mekerra. Ce n’est en conséquence pas la plus allègre des manières que le théâtre de Sidi Bel Abbès a choisie pour se rappeler au bon souvenir de son public. Mais, c’est parce qu’elle s’inscrit dans une démarche qui rompt avec les habitudes d’un public asservi de plus en plus à la facilité, qu’elle est méritoire. Azzedine Abbar, le metteur en scène de En attendant Godot, a résolument pris le risque d’aller à contresens de la tendance générale. Il n’a pas cependant poussé la « cruauté » jusqu’à donner la pièce dans son intégralité en se contentant du premier acte qui en donne toute la quintessence, le second n’étant qu’une répétition de l’attente des personnages. Cela a duré 1h 40. La mise en scène, très classique par rapport au traitement scénique généralement convenu de la pièce, fait la part belle à la lenteur et à l’immobilité, la lumière est crue et le décor est une négation de tout ce qui peut reposer l’œil. Abbar a plutôt choisi d’investir dans le jeu des comédiens, un jeu décalé qui évite la plate illustration psychologique pour être plutôt dans la suggestion d’une étrange absurdité des personnages et des situations. A cet égard, Djellab Abdallah a composé un remarquable Vladimir, le dotant d’une caméléonesque lenteur dans la voix et dans le geste ainsi que par de stylisés tics qui surviennent sans traduire rien d’intérieur. Bella Boumediène, en Estragon, lui a donné la réplique avec ce qu’il faut de justesse. Djeriou Abdelkader, apparemment peu inspiré, n’a pas mis toute sa verve en Pozzo. Nul doute qu’après la générale, et au regard de ses capacités, il saura être égal à lui-même. Behaha Sid Ahmed, en Lukky, a manqué de technicité dans le jeu pour être en congruence avec la tonalité du spectacle. Enfin, Nouar Dalila a été superbe en petite fille. Que dire d’autre, si ce n’est de rappeler que Abbar est à sa seconde mise en scène d’une pièce de Bekket, la première ayant été Fin de partie avec Ennoussour, une autre de troupe de Tindouf. La remarque vaut d’autant, qu’En attendant Godot vient d’être montré à la faveur d’une co-production entre le TRSBA et El Melga, la deuxième compagnie qui vient de naître au pays de la hamada du Draâ et de l’erg Iguidi. La remarque vaut par le fait qu’au fin fond du Sahara, deux troupes, malgré le handicap de l’éloignement et des moyens, rivalisent d’ambitions artistique et culturelle avec les plus cotées des nouvelles compagnies du mouvement théâtral national. Et pour compléter le tableau, Ennoussour est sur un projet de coproduction de Hamlet avec le TNA. Tout autre commentaire serait superflu.




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