Sidi-Belabbès - HISTOIRE

Sidi Bel Abbés dans la guerre de libération 1954- 1957



Sidi Bel Abbés dans la guerre de libération 1954- 1957

Janvier 1954 : la ville de Sidi bel Abbés, en effervescence, vit à l'heure des élections à l'Assemblée Algérienne. Pour le premier et deuxième collège, la campagne bat son plein. Deuxième collège : le professeur Azza mène campagne pour Boukerche Mohamed, candidat UDMA et ancien caïd de la région des Hauts Plateaux, révoqué par l'administration. En janvier 1954, le professeur Azza préside une série de réunions à Sidi Bel Abbes et à Telagh en faveur du candidat UDMA, sous l'étroite surveillance de la police. Mais les résultats des élections sont largement faussés par une fraude éhontée au profit de M Bennaffane, candidat de l'Union Franco-Musulmane qui est élu avec 14121 voix contre le candidat UDMA Boukerche Mohamed (96 voix) et le candidat communiste Bouri Mostefa, (40 voix)

Dans la ville européenne, au premier collège, il y eut un scrutin de ballottage le 7 Février 1954. Le candidat communiste Justrabo l'emporte avec 5427 voix sur les 10571 exprimées. Son élection fut possible grâce à l'appui des partis Radical-Socialiste et Socialiste. Justrabo les remercia pour leur soutien "contre les hommes de Vichy et de l'antisémitisme ". Les résultats du scrutin de ballottage furent comme suit : Justrabo, Parti Communiste : 5427 voix, Mattei, Extrême -Droite indépendante : 4400 voix, Legrand, Progressiste Indépendant, 297 voix et Hernandez, Indépendant, 1 voix.

Les nationalistes locaux... dépassés par les événements.

Dans les milieux nationalistes, les dissensions entre Messalistes, Centralistes et nouveaux activistes avaient introduit des sentiments d'inquiétude et d'incertitude parmi les militants de base. Toutefois, les cellules de base semblaient préparer activement le grand jour de l'insurrection armée. Le 23 mars 1954, le militant MTLD-PPA Nouara Djilali est arrêté par la police judiciaire de Sidi Bel Abbés pour " port d'armes prohibées ". La police le soupçonne d'en faire un trafic plus large. Il est condamné à deux mois de prison.
De menus actes de sabotages sont même enregistrés, en septembre 1954 : sabotage de la voie ferrée entre Tabia et Crampel, vol de carnet de contrôle des lignes de chemins de fer, d'une lampe etc. Mais pour les gendarmes, il ne s'agirait que d'anodins "jeux de bergers. "

L'explosion du 1° novembre, laissera la région de Sidi Bel abbés bien calme. Aucun attentat ou tentative d'attentat n'y est enregistré. Mais à titre préventif la police procède à quelques arrestations de militants nationalistes : le 4 novembre, Bouhadef Said Ould Omar, militant MTLD-PPA est arrêté. Un arsenal de guerre est saisi chez lui : un pistolet automatique 7.65, deux autres revolvers, deux fusils et une centaine de cartouches. Le 6 novembre c'est au tour de Ghezouli El Hadj, militant du même parti, d'être arrêté. Par ailleurs, des le 22 novembre 1954, la police est informée qu'un comité d'action terroriste a été mis sur pied par les militants nationalistes : Abdedaim Benaouda, considéré comme " très dangereux du point de vue national », Latreche Mohamed, Benghazi Cheikh, Abdedaim Bellabbes, Bachir Bouydjra Mokhtar, Bendaoudi Mohamed, Makhlouf Bachir, Zouaoui Djilali, Zouaoui Mostefa, Amieur Belkacem ; Sekkal Bellabes, Nouara Djillali, Drici Baghdad et Zine Djelloul. La création de ce comité apparaît comme une réaction à la notification de la dissolution du MTLD faite aux militants de Sidi Bel Abbés le 11 novembre 1954. Selon la police ce comité a pour objectif de recruter des jeunes et d'encourager l'action armée. Mais de l'avis même de la police, les militants nationalistes locaux sont divisés en deux tendances rivales : le groupe Abdedaim de tendance Messaliste et le groupe Sekkal Bellabes de tendance centraliste.

En décembre 1954, on enregistra une série d'attentats : sabotages de lignes téléphoniques, incendies de meules appartenant aux colons, etc. Les soupçons de la police se portèrent sur des militants nationalistes MTLD-PPA, des oulémas, mais aussi des militants communistes musulmans agissant pour leur propre compte.

Mais en réalité, les militants nationalistes de Sidi Bel abbés comme les communistes et les oulémas étaient en dehors du coup. Enlisés dans les querelles nées de la crise du MTLD-PPA, les militants nationalistes se trouvaient dépassés par les événements du 1° novembre déclenchés par les hommes du nouvel FLN. Pendant que ces militants locaux, pourtant prêts à l'action armée, attendaient dans leur " désert des tartares ", des instructions des deux tendances rivales du MTLD, les chefs FLN en Oranie avaient décidé de les ignorer et d'opérer un recrutement nouveau dans les campagnes parmi les petits paysans et ouvriers agricoles, en vue de l'action armée.

La lutte armée prise en charge par les petits paysans et ouvriers agricoles.

En fait, les chefs du FLN naissant n'avaient fait que continuer le travail effectué par les activistes de l'Organisation spéciale (L'OS) : campagnes de mobilisation dans les villages et douars et acquisition de lots d'armes de guerre, soigneusement cachés. Bien avant 1954, la police coloniale soupçonne le très secret Tayebi Mohamed dit Belhadj Tayebi " dangereux chef de bande " " d'avoir caché un arsenal d'armes et de munitions dans les silos de la forêt de Tiliouine- Baudens. «. " Contrôleur général PPA-MTLD et très dangereux au point de vue national " selon un rapport de la police française, Tayebi Mohamed était, " très actif en matière de politique subversive " parmi les populations rurales de la région de Sidi Bel Abbés.

Les auteurs des attentats enregistrés dés janvier 1955, sont en effet de petits fellahs et des ouvriers agricoles, illustres inconnus des services de police qui surveillaient et s’acharnaient sur les militants nationalistes locaux connus. Les archives de l'ancienne sous-préfecture de Sidi Bel Abbés nous informent sur plusieurs attentats aux alentours de Sidi Bel Abbés : sabotage des lignes téléphoniques entre Baudens (Caïd Belarbi) et Alexandre Dumas( Oued Sefioun) sur la ligne reliant Sidi Bel Abbés à Bertholot et Saida etc. les auteurs de ces actes furent arrêtés le 28 janvier 1955 par la brigade mobile de Sidi Bel Abbés, il s 'agit de Belarbi Abdeslam ould Benaouda, de Saidi Youb ould Boumediene et de Farch Abdelkader ould Mekki , tous inconnus des services de police..

En mai 1955, on enregistra de nouveaux attentats sur les deux propriétés du colon Yeles Louis, sise au camp des spahis (le 20 et 21 mai) et au douar Mezaourou (8 et 9 mai). Un ouvrier agricole et son frère, auteurs présumés de l'attentat sont arrêtés par la gendarmerie pour laquelle ces actions ne sont encore que des "actes malveillants ". Le 26 mai, la voie ferrée Sidi Bel Abbés - Bedeau est sabotée ;

Ces attentats, vont être suivis d'actions politiques en direction des populations rurales. On enregistre en juin 1955 un mécontentement général des ouvriers agricoles, résultat d'une propagande faite dans ces milieux pour les inciter à ne pas travailler dans les entreprises de battages et à contester les salaires trop bas. Les archives rapportent également l'arrestation par la police d'un agent recruteur originaire de Barika, à Bedeau (Ras El Ma) ; En juillet, un rapport de police signale que "d'importantes quantités de céréales seraient achetés sur les marchés de Sidi Bel Abbés, Alexandre Dumas et Mercier Lacombe et acheminées vers les Aurès ".
Tandis que les attentats se poursuivaient : incendies de forets et de récoltes, sabotage d'un transformateur de l'EGA, l'action politique s'amplifiait : Dans la nuit du 31 août 1955, des tracts polycopiés avec pour entête "Armée Nationale de Libération " et signés "Conseil Révolutionnaire " sont distribués clandestinement aux commerçants du faubourg musulman de Sidi Bel Abbes. Dans ces tracts l'ALN "demande l'aide de Dieu et le concours de tous les Algériens, hommes, femmes, jeunes et vieux et que l'année 1375 de l'Hégire sera pour l'Algérie une année de liberté et d'indépendance ".Le 6 octobre 1955, le FLN diffuse à Sidi Bel Abbés trois tract affirmant la volonté du FLN de lutter contre le colonialisme et lancent un appel aux soldats de la Légion Etrangère les exhortant à gagner les rangs de l'ALN. Le même mois la police découvre une importante cache d'armes à Parmentier.
Désormais le FLN occupe toute la scène politique locale. Ce qui restait des sections locales du PPA-MTLD se disperse entre le FLN, le MNA, les prisons coloniales et l'exil. La plupart des militants locaux du mouvement des oulémas se rallièrent au MNA. Quand à la section locale de l'UDMA, minée par les rivalités, elle demanda à ses militants conseillers municipaux de s'abstenir aux manifestations prévues le 14 juillet 1955 et à prendre leurs distances à l'égard des autorités françaises. En décembre 1955, plusieurs conseillers municipaux UDMA de Sidi Bel Abbés démissionnent à l'appel de Ferhat Abbas.

Juin 1955, les milieux pieds noirs désemparés :

Les premiers attentats FLN à Sidi Bel Abbés et dans la région créent dans la ville et les villages satellites une torpeur et une inquiétude générale parmi la population européenne. Le déploiement des forces mises en action et les discours des officiels, s'ils démentent les premières rumeurs de la politique d'abandon de l'Algérie (déjà !) qu'aurait eut le gouvernement Faure n'arrive pas à rassurer et le pessimisme est de rigueur. Les attitudes politiques parmi cette population sont marquées par l'incertitude sur tout l'éventail politique. Toutes les initiatives politiques se heurtaient à l'indécision. En juin 1955, le député d'Oran d'étiquette UNIR, De Saivre Roger, lance un appel pour la création en Oranie d'un " rassemblement Algérien pour la défense de l'Algérie ", française bien sur ! Une large publicité est faite au projet. Mais jugé inopportun dans les milieux modérés européens, ce projet provoque un vif mécontentement dans la plupart des cercles musulmans.

Une conférence organisée à Sidi Bel Abbés, le 17 juin 1955 sur un projet analogue par un autre député, Quilici François (indépendant) eut le même effet parmi les deux communautés.

Ces deux projets avortés, s'ils répondaient aux vœux d'une très large majorité de la population européenne, d'aucuns estiment qu'il est malhabile, à cette heure, de dresser systématiquement et publiquement Européens et Musulmans. Une exploitation à des fins électorales du slogan de l'insécurité en Algérie ne saurait être sans danger, pensait-on.

Les Communistes du malaise à la crise.

A la suite des premiers attentats, on note en 1955, un net ralentissement des activités du PCA à Sidi Bel Abbés en raison des défections d'un certain nombre de militants "que l'accentuation de l'agitation terroriste conduit à réviser les doctrines nationales du PCA. ". Certains militants paniqués par les événements, commencent à voir dans l'anticolonialisme une atteinte à la sécurité des populations européennes. Il est vrai, que les communistes locaux s'étaient déjà rendus célèbres, des 1922, par leur fameuse réponse à l'appel lancé par la III° Internationale : " Le soulèvement de la masse indigène est une folie dangereuse " !
La position des communistes est d'autant plus inconfortable, qu'ils souffrent d'une méfiance traditionnelle des milieux du pouvoir. En avril 1955 déjà, le tribunal administratif d'Oran avait rejeté les observations et réclamations formulées par un groupe de militants communistes - Amsallem Alfred, Munoz Serarphin, Poveda Gaston, Bouri Mostefa et Badsi Ahmed - à l'occasion des élections cantonales qui s'étaient tenues à Sidi Bel Abbés du 17 au 24 avril 1955.

Conscient de cette crise, Justrabo, le leader communiste local et ses adjoints furent réduits à éviter l'évocation du problème politique algérien et à se limiter à des slogans usés et peu compromettant sur la lutte anticolonialiste et la critique de la municipalité. Des tracts communistes attaquaient toutefois la politique gouvernementale en Algérie et demandaient des reformes urgentes dans le pays.
Le PCA est dissout en septembre 1955. A Sidi Bel Abbes, dans la nuit du 24 au 25 septembre un tract intitulé " Vive le parti communiste " est diffusé, affirmant la volonté des membres de ce parti de continuer la lutte clandestinement et préconisant la constitution d'un front démocratique algérien dont tous les militants " sans distinction de race ni de religion, œuvreront pour faire prévaloir le point de vue communiste ". Mais conscients de la coupure progressive entre les communautés musulmane et européenne, les groupements musulmans UDMA et MTLD rejetèrent cette formule. Les militants communistes se divisent en fin de compte .Une fraction de ces militants organisent les premiers réseaux armées. Le 22 septembre 1.956, la police annonce Le démantèlement d’un réseau communiste, trois sont arrêtés à Sidi bel Abbés, des armes découvertes, un second inspecteur des P.T.T. est en fuite

Octobre 1955, offensive FLN en Oranie pour soulager les Aurès :

En octobre 1955, la direction du FLN ordonna une offensive générale en Oranie, avec pour objectif de soulager les maquis des Aures sévèrement attaqués par d'importantes forces coloniales. La ville et la région de Sidi Bel abbés répondent à l'appel : Pendant que des maquis sont activement organisés dans les régions sud de la ville (Telagh et Bedeau), plus de treize attentats sont enregistrés au cour du seul mois d'octobre 1955 : le 7 octobre 1955, un entrepôt commercial appartenant à un colon est incendié. Quelques jours après, un certain Dallaa Kaddour exécuta un attentat à la bombe contre la villa d'un policier en retraite à Sidi Bel abbés. Arrêté, il est condamné à mort par le tribunal militaire d'Oran le 21 juillet 1956. Le 13 octobre 1955, plusieurs incendies sont enregistrés dans des fermes coloniales, le 15 octobre, une bombe explose à l'école Gaston Julia et plusieurs poteaux téléphoniques sont sabotés sur la voie ferrée à trois kilomètres au nord de la ville.

L’Union sportive musulmane dans la révolution :

En mai 1956, l’Union Sportive musulmane de Sidi Bel Abbés, une équipe de « musulmans », .s’apprête à rencontrer en finale de la coupe d’Afrique du Nord le Sporting de Sidi Bel Abbés une équipe de « pieds-noirs ».Un derby déjà « chaud et passionné en temps normal et dans ces temps de guerre, il devenait nettement explosif.Une mésentente de forme offrit un prétexte à l’annulation de cette redoutable rencontre .L’Union Sportive Musulmane cria à l’injustice et déclara forfait. Le FLN exploita cette affaire, ordonnant à tous les clubs « musulmans » de se retirer des compétitions en signe de protestation.


La guerre s’installe

Tandis que les incendies de fermes coloniales se multiplient, l'action et l'organisation de l'ALN se radicalisent : le 26 octobre 1956, la police signale, pour la première fois, la présence de groupes armés à Sidi Daho. Le 28 octobre, les combattants de l'ALN défient les forces coloniales en faisant exploser des bombes devant la gendarmerie et la mairie de Mercier Lacombe.

Désormais la région s'installe dans la guerre. Aux actions des premiers commandos de l’ALN succède la réaction –répression des populations algériennes. Arrestations, exécutions tortures deviennent le lot quotidien des habitants musulmans de la ville. Le tristement célèbre camp de Bossuet, celui-là même qui a accueillit les cohortes de miliciens espagnols en 1936 ou militants communistes français en 1940 reprend du service pour les assignations de milliers d’Algériens. Le 04 décembre 1956, Abdelkader Boumelik , chef FLN est exécuté à Oran. On pense éradiquer l’insurrection en donnant des exemples de fermeté. Le résultat obtenu s’averse l’inverse. L’année 1957 voit la « rébellion » se radicaliser

En février 1957, le rapport d'un officier français, le capitaine Chatonnet, administrateur détaché à Bedeau reconnaît désormais "que les rebelles ont fait depuis un mois une très forte pression dans la région ".».La ville et la région de Sidi Bel Abbés s’installaient durablement dans la guerre et l’insécurité. En mai c’est une audacieuse offensive contre des dizaines de fermes de colons, en juin des grenades explosent tuant semant la terreur. En octobre les attentas font 11 morts. En novembre Le lieutenant commandant la S. A. S. du village de Chetouane, et le garde-champêtre, sont tués et le maire est porté disparu.

La presse coloniale dénonçait « ces crimes du FLN, ces attaques « odieuses » contre d’innocents civils », occultant les massacres génocidaires perpétrés par la légion dans la région.
En janvier 1959, un commando de l’ALN enleva à 6 km de la ville M. Jean Louvet, professeur au Lycée Laperrine. M Louvet sera rendu à la liberté par les chefs de l’ALN, parmi eux certains de ses élèves qui avaient bien assimilé ses leçons de liberté et d’humanisme.



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