Pour beaucoup d’Algériens, le fait d’évoquer la déportation vers la nouvelle Calédonie est souvent très voisin par le sens avec l’insurrection de Cheikh El Mokrani en 1871 et la région de la Kabylie. Pourtant, d’autres « Algériens » ont vécu la même déportation bien avant.
Depuis l’année 1864 environ, plusieurs « Algériens » divisés en trois catégories «d’Arabes» pour reprendre la dénomination calédonienne ont été envoyés en Nouvelle Calédonie (les « Transportés », les « déportés » c’est-à-dire les condamnés politiques et les « relégués » connus par récidivistes) et bien entendu sans compter les décédés en mer.
Le lieu présumé de naissances de ces déportés, c’est-à-dire la région de Sidi-Bel-Abbès reste le paramètre le plus important en union avec le choix de cette classification issue des sources d’Archives d’Outre-mer à Aix-en-Provence, notamment la série H30
Il faut d’abord placer le thème de la déportation des Algériens en Nouvelles Calédonie dans le contexte de l’époque du XIXe siècle, en rappelant qu’il s’agit d’un nombre impressionnant d’Algériens mais aussi d’Algériennes ! C’est l’Histoire, d’Algériens (nes) ou plutôt une présentation qui correspond conventionnellement à la conséquence des insurrections successives en Algérie ; des Ouled Sidi Cheikh en 1864 (178 condamnés) ou l’on enregistre des déportés de la région de Sidi Bel-Abbes (sujet principal de notre article), ensuite celle de Mokrani Ahmed et Cheikh Améziane Mohand El-Haddad en 1871,plus au moins étudiés et d’El-Amri ( Biskra) en 1876 (Avec 120 embarqués) et enfin l’insurrection du sud oranais en 1881-1882. Notons que plus de 93% des déportés Maghrébins en Nouvelle-Calédonie sont d’origine Algérienne.
En effet ; l’Histoire des déportés de Sidi-Bel-Abbès, commença donc bien avant le grand soulèvement de la fatidique année 1871. Cette période de l’histoire de l’Algérie a été peu prolifique en écrits. D’ailleurs notre mémoire nationale n’en retient que trois (Mokrani Boumezrag, M’hamed Ben Cheikh El Haddad et son frère cadet Aziz).
Il faut noter que plusieurs Algériens furent exécutés sommairement par les conseils de guerre pour cause de résistance, les autres miraculés furent jugés et condamnés sans appel. Ils étaient des centaines de chefs sections de tribus, Caids, Spahis, Amins, Mokadems, Marabouts…mais aussi des Cultivateurs et de journaliers, des « Jarrnatt » selon le langage local.
Ces déportés durent attendre plusieurs mois avant leur embarquement dans les convois destinés aux colonies françaises d’outre mer. C’est la raison pour laquelle ces « prisonniers politiques » furent internés injustement dans des dépôts ou lieux de détentions en Algérie ou en France comme le fort de Quélerin (Brest) et à l’île d’Oléron ou du port de Toulon et plus tard au Bordj de Boukhanifis (Bouchebka) avant leurs départs définitifs à Cayenne ou en Nouvelle Calédonie à plus de 24 000 km de leur pays natal pour un exil forcé. Une traversée de cinq mois (145 jours environ) .
Ce nombre de «18 » déportés de la région de Sidi-Bel-Abbès, est la cause directe du mouvement de résistance de la région ainsi que l’insurrection des tribus du sud Bel-Abbésien notamment celle du Cheikh « Si-Laali » venus de la région de Ras-el-ma avec une force militaire de centaines de cavaliers et fantassins. D’ailleurs il réussit à pénétrer dans le centre de colonisation de Chanzy (Sidi-Ali-Benyoub) causant une peur bleue aux colons. Tous se sont réfugiés dans les remparts de la ville (Voir notre article la 5° porte).
Parmi les listes des déportés condamnés politiques (Inscrits avec l’arrivée des navires), j’ai donc retenu dix huit Algériens présumés nés dans la région de Sidi-Bel-Abbès même si cette ville n’a existé qu’à partir de l’année 1849. Les douze premiers déportés sur la liste ont été déplacés sous la contrainte par le bateau « Le calvados » qui a fait onze convois de 1864 à 1871. Les Cinq derniers de la liste ont été déportés à bord du «Fleuris» qui a fait le départ le 24 Octobre 1867 et le « Sybille » convoi parti le 27 Avril 1867. D’autres Bateaux ont fait le long trajet, seulement on n’enregistre aucun déporté de la région de Sidi-Bel-Abbès. Il est utile de signaler que dans ce résumé d’article (publié en décembre 2013): J’étais dans l’obligation de modifier l’orthographe de quelques noms qui figuraient dans les documents issus de l’administration coloniale judiciaire ou pénitentiaire. C’était donc un choix pour rapprocher l’orthographe à la connotation linguistique susceptible d’être interprété «culturellement ».
Voici donc les Noms des déportés Algériens avec matricules et fonction supposées. Évidemment que le lieu présumé de naissances de ces déportés reste le paramètre le plus important en union avec le choix de cette classification.tableaux déportés caledonie - Copie
En observant bien ce tableau, l’âge présumé de ces dix huit déportés variait entre 23 ans pour le plus jeune et 47 ans pour le plus vieux. On le voit bien ; la majorité des déportés étaient des « Paysans » appauvrit par la terrible politique de la spoliation des terres. Selon les archives, les déportés choisis ci-dessus de la liste des condamnés déportés en Nouvelle-Calédonie ont été référencés sous des numéros d’ordre indiquant la date de départ des bateaux et sous des numéros matricules indiquant la date d’arrivée des bateaux en Nouvelle-Calédonie. Il est donc facile de déduire que les déportés dont les chiffres sont rapprochés étaient dans le même bateau à leurs arrivées. Et puis, évidemment que le lieu présumé de naissances de ces déportés reste le paramètre le plus important en union avec le choix de cette classification.
L’itinéraire le plus utilisé avait pour départ le port de Brest ou de Toulon (vers l’Algérie par Portsay- les traces existent encore !) . Se dirigeait vers les côtes du Sénégal et faisait escale à l’île de Gorée, face à DAKAR, ou bien aux Canaries. Ensuite directement vers Cap Town en Afrique du Sud. Il descendait ensuite jusqu’aux îles Kerguelen (Océan Indien), puis sur le détroit entre l’Australie et la Tasmanie, pour enfin arriver à Nouméa, après un voyage de 16700 milles marins (30928 kms). D’autres itinéraires utilisaient le canal de Suez, mais furent peu empruntés (19652 kms).
Pour conclure, finalement, ces Algériens ont été déportés juste parce qu’ils ont fait acte de « résistance ». Au XIXe siècle, l’Algérie était devenue malheureusement un véritable laboratoire d’essai de multiples punitions collectives sur les peuples présumés « arriérés » et non civilisés ! Un certain Brahim Mohamed, exilé en 1864, a été le premier déporté algérien en Nouvelle-Calédonie. La transportation sera interrompue en 1897, mais les prisonniers du bagne y finiront leur vie (en 1921, ils étaient encore 2 300). Ce qu’il faudra ,c’est surtout mettre en évidence ce «déracinement » d’Algériens soumis à la perpétuelle violence coloniale.
La présence de ces Algériens dans ces îles trop petites, trop lointaines, trop marginales, fait partie de ces « études » que l’historiographie a tendance à ignorer. Pourtant, dès qu’on s’y intéresse, se révèlent une histoire étonnante qui, aussi paradoxal que cela puisse paraître, s’inscrit au cœur des « grandes questions ». Début 1986, le gouvernement Algérien, invita une douzaine de descendants Algériens en Algérie. En 2005, le ministère des Moudjahidines organisa une autre visite. D’autres suivront, la dernière en date a lieu en novembre 2011.
Le poème populaire El-Menfi (le banni) chanté par le cheikh Hamada du quartier El-Graba accompagnée d’une flûte (Gasba) fabriquée avec du bois de sagaie prouve que la mémoire collective ne les a jamais oubliés même s’il faudrait souligner que ces déportés « reposent » en paix dans un cimetière (notre photo) très bien entretenu ! Chose qui doit nous réconforter tous ! N’est ce pas Mr Abdelhamid Abdeddaïm !
Ô aïeux, parents, frères, alliés « reposez en paix » et que « Dieu vous accueille dans son vaste paradis ».
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Posté Le : 29/06/2019
Posté par : patrimoinealgerie
Ecrit par : Al-MECHERFI.
Source : bel-abbes.info