Sidi-Belabbès - ARTS ET CULTURES

Interview de Djilali Kadid



Interview de Djilali Kadid
Bonjour Mr Kadid. Vous êtes à la fois peintre, écrivain et homme de scène. Et lorsque vous montez sur scène, dans vos spectacles vous alternez poésies et chansons. Ainsi, vous reprenez des textes de Montand, de Ferrat, de Moustaki… Pourquoi Moustaki ?

Djilali KADID : « En fait, j’ai été marqué par Moustaki. J’ai passé la moitié de ma vie en Algérie. Jusqu’en 1978. Et finalement, je me suis passionné très tôt pour la chanson française. En Algérie, j’ai vécu à Sidi Bel Abbès. C’était une ville très marrante et très originale, et sa population était à la fois très ouverte, très musique et très chansons. Et quand j’étais adolescent, à la fin de l’année, on organisait des fêtes et là je chantais. Je chantais Pascal Danel, Hervé Villard, Yves Montand, Ferrat…Et puis très tôt, par le biais de la poésie et de la littérature Française en général, je suis venue à la chanson. Et j’ai commencé à m’intéresser à Brel, Ferrat et Moustaki. Et c’est Moustaki que j’ai chanté en premier. Tout ce répertoire je l’ai vite assimilé et je le chantais devant mes copains. A cette époque, en Algérie, il y avait beaucoup d’élèves qui chantaient, certains se spécialisaient dans la chanson orientale ou autre. Et moi ma spécialité, c’était Moustaki, Le Forestier ou Graeme Allwright. Je me rappelle aussi, d’une très belle émission que j’avais vue sur Alger Chaine 3, où Georges Moustaki est passé pendant 2 heures. Et ce jour là, il avait raconté sa vie en partant de ses chansons. Une anecdote marrante me revient à l’esprit, et cela a été vraiment décisif dans ma passion. En Algérie, le samedi soir, il y avait des soirées musicales sur le campus, et c’était très animé. Et un jour pendant ces soirées, c’était vers 1 h du matin, j’avais une envie folle de chanter. C’était très dur, mais finalement mes amis m’ont poussé, et ils m’ont tellement encouragé que je suis monté sur la scène. Je tremblais, et alors j’ai dit le « prélude de Reggiani » ou plus exactement de Baudelaire, et j’ai chanté Sarah ! Et c’était la première fois que j’ai réellement chanté en public et c’était une chanson de Moustaki. C’était un moment intense. Et quand j’y pense maintenant, je me dis ça vient de là mon envie de faire de la scène. Je me souviens que j’avais été vraiment très ému. C’est vrai que c’est une chanson forte. J’étais très timide et je me suis oublié, et je crois que cet évènement était un peu mystique. Et après, j’ai toujours gardé le lien avec la chanson. Vous savez, la passion ne nous quitte jamais en réalité ! J’ai eu ma période peinture, mais pour les amis j’ai continué à réciter et à chanter. En 2005, je suis allé voir Moustaki au théâtre du Rond-Point. Et à la sortie, je suis allé le saluer. Il était très discret. Il était adorable ! On a discuté pendant quelques minutes, je voyais qu’il était fatigué, et c’est normal après un spectacle. Il m’avait dit qu’il faisait une exposition de peintures aux Pyramides, et de venir le voir. Malheureusement je n’ai pas pu y aller le jour du vernissage. »

Maintenant, parlez-moi de Moustaki et de ses chansons. Sur scène Djilali, vous faites un savant mélange de poésies et de chansons. Mais peut-on parler de poésie dans l’œuvre de Moustaki ? Et pour vous, quelle est sa plus belle chanson ?

Djilali KADID : « Oui, oui, c’est un poète ! Et c’est dur de choisir une chanson. En fait, je dirais qu’il y a cette série de chansons des années 70. Pour moi, ce sont vraiment des joyaux ! C’est un peu comme un collier de perles, où toutes les perles se valent. Elles sont très belles les unes à côté des autres. Et je les aime toutes. Bien sûr, Moustaki a produit beaucoup ; il n’y a pas que ce disque. Mais pour moi, il est un peu fétiche. Et c’est normal que Moustaki reprenne encore ces chansons car ce sont un peu ses racines. Mais il a produit d’autres choses, un peu comme un peintre qui ne peut pas peindre le même thème toute sa vie. Mais vous savez, on revient toujours à ses racines, car ce sont des choses qui nous définissent. Georges Moustaki c’est une personnalité, et son œuvre est très diversifiée. Il y a un Moustaki très sentimental, et un Moustaki romantique au sens un peu hellénique du terme. Ce qui veut dire qu’il a un rapport au temps qui lui est particulier. Une espèce de lenteur comme ça, magnifique ! C’est en tous les cas ce qu’il prône, c’est une lenteur où il y a un rapport de jouissance aussi. C’est-à-dire qu’il dit, je prends le temps de vivre, je ne veux pas être l’homme pressé, l’homme contemporain. C’est aussi, un peu une façon d’aller à rebours d’une époque. Bien sûr, cela nous fait revenir d’une façon presque naturelle à la philosophie grecque, et en plus il y a les racines qui sont les siennes : « orientales » ! C’est sûr, il y a un orient chez Moustaki ! Je crois que c’est Goethe qui disait à peu près « Chez tout grand homme existe un orient ». Et l’orient c’est un pôle de rêve, en même temps un pôle d’attraction et un pôle fascinant. L’orient c’est ça. Et aussi dans l’orient, il y a un peu la notion d’orientation, l’idée de ce qui est cardinal. Je pense qu’il y a tout ça dans Moustaki. Et même dans son physique, il y a ce côté là. Plus précisément, je dirais que dans le physique de Moustaki, il y a un côté biblique. Côté qu’il cultive un peu quand même ! Pour en revenir à ses chansons, une de mes préférées c’est Joseph. Je la trouve magnifique. Vraiment magnifique ! Elle est belle. Elle est humaine. Je l’aime beaucoup et je la chante beaucoup. »

Nous venons de passer deux heures et demi ensemble, autour d’un verre, merci Djilali pour ces « Paroles et mots » très touchantes.


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