Sétif - Contes et légendes d'Algérie

Les Légendes de l’autre rive du fleuve : La légende du Babor…



Les Légendes de l’autre rive du fleuve : La légende du Babor…
Le djebel Babor, ce promontoire qui s’élève à 2004m d’altitude au beau milieu de la Petite Kabylie, à 9 km au nord de Sétif, est limité par les oueds El Kebir et Sahel. De par son relief particulier, un immense navire la coque renversée, sa flore exceptionnelle et son nom, invitent au mystère. De tout temps, cette montagne a excité l’imaginaire de la population environnante. Comment alors ne pas être sensible aux légendes qui occupèrent les veillées….peut-être encore aujourd’hui. Au cours d’un entretien avec Madame Joséphine RUNTZ-BOUSQUET, native Tizi N’Béchar, j’ai recueilli l’une d’entre elles. Je serai neutre, je ne dirai pas celle qui se rapproche le plus de la réalité. Laissons la parole à notre amie : – « En préambule, il faut savoir que Babor, en arabe, veut dire bateau. »

Voici la légende du Babor.

Il était une fois un bateau immense, si grand que jamais personne n’en avait vu de pareil, il y a…..le millésime oublié compte peu. Ses proportions inaccoutumées provoquèrent l’étonnement des gens de mer qui s’enfuyaient à son approche. Tous craignaient cette masse qui pouvait s’abattre sur leurs frêles esquifs et les pulvériser. Alors que nombre d’armateurs convoitaient ce vaisseau, son propriétaire avait choisi, profitant de l’énorme capacité de son armement, de voguer à travers toutes les mers du globe avec à son bord une foule de voyageurs pour un périple sans fin. Dans quel but ? Nul ne le savait ! Seul le commandant à bord eut pu le dire ! Un parchemin scellé à la cire, rompu au large du port d’attache le lui avait appris ; mais l’ordre lui enjoignait expressément de laisser dans l’ignorance tout subalterne.



En navigant dans les mers antarctiques, le navire s’était couvert de glace, les mâts en étaient lourdement chargés. Croisant en Méditerranée, au large de la Cote d’Azur, son climat tempéré n’eut pas raison de cette gangue de glace.

A bord, il était surprenant de constater que les passagers portaient barbes importantes et cheveux longs, ce qui les laissait dans un anonymat complet.

Se trouvant au large des côtes kabyles, ce navire géant fut pris dans une effroyable tempête.

Alors le bâtiment se mit à tanguer fortement, les vergues s’inclinaient sous le vent. Les voiles claquaient, se fendaient dans la largeur, s’envolaient en loques.

Les vagues écumaient, s’élevaient de plus en plus, déferlaient dans un vacarme de fin du monde. Un coup de vent plus fort que les autres, arracha le grand mât et le bateau démâté bascula dans l’onde amère. Un remous le désempara, le roula, désormais vaincu à la merci des flots rageurs.

Maintenant la grande mangeuse, furibonde, à l’approche de la côte se colletait avec les eaux tumultueuses et boueuses d’un fleuve. A son embouchure un raz de marée prit le navire dans ses rouleaux et s’en joua comme d’un fétu de paille à travers les récifs sournois. Une ville s’apercevait sur la côte. A cette vue, les malheureux passagers pris par l’angoisse, se mirent à espérer. Tous élevèrent leurs supplications vers le Régisseur des mondes qui crée et apaise les tempêtes. En réponse, une vague formidable prit le bateau, le souleva dans sa trajectoire, le projeta dans les airs à une très grande hauteur et le poussa au plu s loin retombant sur le sol.

Cet évènement, qui se situait au sud des villes ctuelles de Bougie et Djidjelli, changea l’aspect de la contrée. La coque se renversa et ses débris recouvrirent une zone de terres arides, incultes, où il n’existait aucune trace de vie humaine, où nul village n’égayait l’uniformité de la plaine, limitée par des montagnes.

Quelques naufragés, favorisés par la chance, purent se dégager de la masse de fer, de bois et de glace, pendant que l’équipage et le reste des passagers

trouvaient la mort par asphyxie et par écrasement. Les survivants, étreints par la crainte d’un retournement de la carène, ce qui les eût infailliblement ensevelis, allèrent s’établir à une distance suffisante pour ne plus avoir rien à redouter d’elle. Les morts avaient dans l’épave un cercueil monumental ! Les ans, les siècles apportèrent le sable et la terre nécessaires à l’enfouissement total de la coque. Extraordinairement, la luxuriante pilosité des passagers, maintenant morts, croissait, se frayant un passage par toutes Les fentes des planches disjointes de la carcasse. La glace avait fini par fondre et abreuva les terres desséchées.

Un miracle s’était accompli : « La montagne du Babor était créée !!! »

La puissance du Détenteur de tout pouvoir fit fructifier les cheveux et les barbes, Il les transforma en arbres superbes. De ce jour naquit le « Pinus Baboriensis >> ou Pin du Babor*. Ce conifère qui a les aiguilles du pin et les branches horizontales du cèdre ne se trouvent nulle part ailleurs. La pomme de pin, c’est-àdire le cône est pointu, beaucoup plus allongé que celui du pin d’Alep (Pinus halepensis). Le pays du Babor, dès lors, eût une flore exceptionnelle et une faune rare.

N’oublions pas que Joséphine a été enseignante : alors elle enchaîne…. Le Babor, cette masse énorme à laquelle un renflement assez prononcé donne la forme d’une ellipse, s’étend d’est en ouest sur une distance de 4km, à une altitude de 2004m. Ses flancs sont couverts d’un beau peuplement de chênes zeens, de chênes verts, de cèdres, de sapins et bien sûr de pins du Babor.



Le sous-bois présente une végétation luxuriante : bruyères, genêts, cyclamens, glaïeuls, soucis, jonquilles ….et aussi des orchidées…. Et de se souvenir lorsqu’elle fut Guide: Dès notre première excursion, nous sommes tombés sur un champ de pivoines. Un véritable enchantement ! Nous faisions des expéditions vers cette montagne qui nous émerveillait ; des mulets transportaient le matériel : guitounes, vivres, eau, ustensiles de cuisine, etc.… Nous montions à pied, un sentier en lacet, assez pénible. Mais quelle récompense là-haut ! « Ma Mer **» à nos pieds et au loin tous les villages, la plaine, un émerveillement !

Une fois nous avions fait une sortie scoute, avec sac à dos et cela pour plusieurs jours. Nous rejoignîmes à flanc de montagne le chalet « Dussais » possédant un

gîte et une source. Que de souvenirs merveilleux, de découvertes en découvertes !

Parfois nous faisions des sorties accompagnées notre professeur de Sciences naturelles, Monsieur Champagne, qui nous transmettait son savoir en nous

faisant découvrir la flore si particulière du site. Une anecdote : en juillet 1943, j’avais vingt ans, nous étions dans ce gîte, lorsqu’un matin je vois surgir un mulet monté par Chouéar, notre métayer. -« Que ce passe-t-il Chouéar? » lui demandais-je inquiète.

-« Ton père m’a chargé de venir te chercher, tu dois partir tout de suite. Demain matin, Robert *** doit embarquer à Alger et souhaite te voir avec ses



parents. » Sous le ton ferme de Chouéar je dois quitter le camp. Il me fait monter sur la bête, lui conduisant avec une grande attention, toujours prévenant.

En toutes occasions, il rappelait à qui voulait l’entendre –« Monsieur Bousquet m’a confié une mission : aller chercher sa fille au Babor, vous voyez la confiance qu’il a en moi ! »

Je n’ai jamais hésité une seconde pour le suivre tellement moi aussi j’avais confiance en lui.

Une autre fois, alors que mes sœurs faisaient leur toilette à la source, des singes leur ont jeté des cailloux. Prises de frayeur, elles se sont enfuies, mais en revenant un instant après, plus de savons, plus de linge, ils avaient tout emporté !

C’est là-haut que j’ai été émerveillée par une mer de nuages. Que c’était beau !!

Là-haut, loin de tout, dans une étrange atmosphère, parmi les odeurs particulières, c’est là que j’ai ressenti l’éternité. Depuis des siècles tout est là et après nous tout sera là. » » * Il existe aussi le Sapin de Numidie (Abies numidica) espèce endémique du Babor et du Tababor ** Il s’agit bien évidemment de la Méditerranée. ***Robert, à son retour de guerre, qu’il a fait en tant que pilote de la RAF, épousera Joséphine Bousquet. (Notes de la rédaction) Une autre version, beaucoup plus laconique nous vient d’un conteur patenté, grand spécialiste des légendes et histoires de terroir, Paul ISEL, originaire de Sétif et de Djidjelli. Il nous a déjà fait l’honneur de paraître dans les pages de notre site : -« « Une hypothèse concernant le nom Babor ou Babour: le chef Vandale

Gélimer (je crois) aurait été vaincu sur le Mont Papoua, prononcé par les Arabes « Baboua », qui aurait donné par la suite « Babou-ha » puis « Babour ».

Et Babor » ».

Source : Jijel.info



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