Publié le 07.05.2024 dans le Quotidien l’Expression
Ce drame avait signé l'éveil de l'esprit nationaliste d'une manière concrète chez les Algériens.
Un crime contre l’humanité
Il y a 79 ans, les massacres du 8 mai 1945 ont été perpétrés par le colonialisme français à Sétif, Guelma et Kherrata et dans d'autres villes de l'Algérie. Malgré la victoire des alliés contre le nazisme et les pays de l'Axe, la France en est sortie amoindrie et humiliée à cause de son occupation au début de la Seconde Guerre mondiale par une Allemagne qui était conquérante et dominante.
La fin de cette Seconde Guerre mondiale avait porté en son sein des promesses et des espoirs de voir des pays qui croupissaient sous l'ordre colonial bénéficier de leur indépendance et recouvrir leur souveraineté nationale. Les Algériens avaient vécu cette situation faite de drames de la guerre planétaire et les espoirs d'en finir avec le statut de colonisés. Mais dès l'annonce de la fin de la Seconde Guerre mondiale, toute l'humanité était sortie pour manifester sa joie et exprimer son soulagement quant à la fin de cinq années d'un cycle infernal qui a fait sortir le monde moderne de son humanisme et de sa civilisation en le plongeant dans le cycle de la barbarie à outrance.
Les Algériens ont décidé de fêter l'évènement en occupant les ruelles et en manifestant comme les autres Européens. Les Algériens ont eu l'idée à l'esprit de participer à cette fête en affichant l'identité de la patrie algérienne en hissant le drapeau national pour la première fois dans une manifestation de cette ampleur.
Le porteur de drapeau, le jeune Bouzid Saâl, a été le premier martyr qui a payé de sa vie sa participation à cette fête dont la France officielle avait promis. Un commissaire de police a mis fin à la vie du jeune Saâl parce qu'il brandissait le drapeau algérien le jour où le monde entier fêtait la fin de la Seconde Guerre mondiale mais surtout la promesse que la France avait exprimé aux Maghrébins en général et aux Algériens en particulier d'accéder à leur indépendance contre leur participation massive à l'effort de la guerre.
L'assassinat du jeune Bouzid Saâl a provoqué l'émoi chez les populations algériennes qui sont sorties pour réclamer leur droit à la liberté et à l'indépendance. La contestation s'est propagée telle une traînée de poudre dans l'est du pays et les autres régions. Les massacres ont pris de l'ampleur et cela a été entrepris aux côtés de l'armée coloniale par les milices appartenant aux colons.
L'ampleur des massacres a dépassé les frontières du pays en embrasant les pays d'outre-mer à commencer par la métropole. Ce drame avait signé l'éveil de l'esprit nationaliste d'une manière concrète chez les Algériens et les leaders du Mouvement national qui ont compris que les manoeuvres réformistes de l'administration coloniale ne pouvaient servir comme objectif concret menant vers l'indépendance du pays.
C'est à partir de cette date que le tournant historique du Mouvement de Libération nationale a pris forme et sens d'une manière irréversible.
Cette tragédie a été exprimée par les témoins de cette période qu'ils ont vécue dans la douleur et la terreur. Le grand écrivain Kateb Yacine a vécu ces évènements du 8 mai 1945 en soulignant que «Ce grand choc s'est répercuté dans toute mon existence comme une obsession [...]. Je fais partie de cette génération de 1945 dont toute la vie sera marquée par la révolution», avait-t-il écrit à propos des massacres du 8 mai 1945. L'historien Jean-Pierre Peyroulou qui défend la thèse que la répression était aveugle, a indiqué que «Les opérations militaires dépassèrent la simple activité de répression. Il y eut donc dans cette région, une véritable guerre contre des civils très faiblement armés qui dura jusqu'au 24 mai.» Même démarche de la part de l'historien, éditeur et analyste politique, Nils Andersson, qui a appelé à mettre fin au déni des massacres du 8 mai 1945 en rappelant que ces massacres «restent un déni qui recouvre également les huit ans de guerre menée par l'Algérie, indissociable du 8 mai 1945. Un déni qui n'est pas dû à une méconnaissance des faits puisqu'un grand nombre de témoignages de victimes, d'acteurs ou de témoins relate les moyens utilisés en 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata», a-t-il affirmé.
Les massacres du 8 mai 1945 resteront gravés dans la mémoire collective du peuple algérien comme un très grand tournant de l'histoire moderne de l'Algérie qui a décidé d'en découdre avec l'ordre colonial et ses succédanés.
Hocine NEFFAH
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Posté Le : 07/05/2024
Posté par : rachids