Il y a plus de quinze mille ans, des hommes vivaient dans la région de Saïda. Ces semi-nomades occupaient des campements à "ciel ouvert" en période chaude et des grottes ou "abris sous roche" en période froide. A la sortie sud des gorges de l'oued, en contrebas des carrières, une grotte a été classée comme grotte historique et les Saïdèens l'appellent "la grotte de l'Homme". L'Homme de Saïda, si des fouilles nous permettaient de le découvrir, serait semblable à "l'Homme de Ternifine" découvert en 1954 près de Palikao, distant de 40 kms, et qui fait partie de la famille des Préhominiens, proche de l'Atlanthrope et que l'on situe dans la période du paléolithique inférieur, soit il y a environ cinq cent mille ans.
A L'Atlanthrope succède l'Homo-Sapiens qui est le contemporain de l'Homme de Cro-Magnon et qui vivait dans la période du paléolithique supérieur, soit environ dix mille ans avant Jésus-Christ. Il n'est pas douteux que ces anciens habitants de la région de Saïda étaient en relation avec l'Homme du Hoggar et du Tassili, dont les peintures rupestres parsèment le Sahara. Saïda devait être un lieu de prédilection pour les tribus qui recherchaient la proximité des sources et des rivières, des falaises accessibles d'un seul coté, c'est-à-dire des lieux faciles à défendre. Les gorges du "Vieux- Saïda" auraient pu être un des berceaux de ces peuplades préhistoriques.
Aux hommes préhistoriques succèdent, sans que la date en puisse être précisée, les Berbères numides, que les uns disent Libyens, et que d'autres disent Éthiopiens. Au troisième siècle avant Jésus-Christ, Saïda fait partie du royaume berbère de Maurétanie Tingitane, dont la capitale est Tanger. Les maures, précédemment pasteurs nomades, se fixent et se mettent à la culture. Saïda, comme d'autres villages de l'époque, doit présenter l'apparence d'un village-grenier fortifié dont les habitants utilisent un outillage très primitif de pierre et de fer. On peut imaginer des gourbis quadrangulaires de pierres et de terre sèche, groupés près du rocher appelé "Vieux-Saïda", en bordure d'une piste caravanière donnant accès au Col de Sidi-Maamar.
En 203 avant Jésus-Christ, la région de Saïda est sous la domination du roi Massinissa qui, avec l'aide des Romains, a éliminé son rival Syphax. Puis les Romains entreprennent l'occupation militaire de l'Afrique du Nord et construisent, progressivement, trois lignes de fortifications, ou Limes; la dernière réalisée pendant le règne de Septime Sévère, au troisième siècle après Jésus-Christ, passait à 30 kms au nord de Saïda. Peu touchés par la civilisation romaine, les berbères de la région de Saïda cultivent le blé dur de façon intensive, pour en faire commerce avec Rome et se contentent de payer un impôt annuel. La "Paix Romaine" règne sur la région et les habitants y participent, alliés aux Romains dans des expéditions militaires contre les tribus qui razzient les alentours.
La fin de l'Empire Romain, vers le quatrième siècle après Jésus-Christ, est une succession de troubles et de luttes intestines, entre les habitants de la région, qui voient se dresser les uns contre les autres: nomades de la région, sédentaires du village, propriétaires terriens, aventuriers et commerçants. La région de Saïda devient une zone de passage avec le départ de nombreux berbères vers le Maroc et le déplacement des nomades refoulés du Tell vers le Sahara. Ces troubles sont accentués, dans la même période, par le massacre, le pillage et l'incendie au passage des Vandales de Genséric , horde de deux cent mille hommes venant d'Espagne. Commence alors une longue période de confusion où la région va passer sous diverses dominations jusqu'à l'occupation turque.
Dès l'an 508, la région de Saïda est incluse à la Principauté du roi Masuna, qui prend le nom de "Roi des Maures et des Romains" et dont la capitale est Lamoricière. Pendant cette période, la région va connaître l'insécurité totale et sera souvent pillée. Au 6ème et 7ème siècles, elle passe sous l'autorité de la dynastie des Djeddar de Frenda, dynastie berbère-chrétienne. A la fin de cette période, elle subit l'invasion des tribus pillardes des Hillals. Puis elle passe sous la domination du royaume religieux berbère de Tahert (Tiaret). Les imams qui y règnent sont vertueux et pratiquent l'étude des sciences religieuses et profanes; beaucoup d'habitants de la région font le voyage jusqu'à la capitale Tahert pour consulter les fameux astronomes qui y résident.
A la fin du 10ème siècle, c'est la dynastie des Almoravides, dont la capitale est Tlemcen, qui place la région de Saïda sous sa domination. Deux siècles plus tard, elle doit obéissance à la dynastie des Almoyades, qui succèdent aux Almoravides, à la tête du royaume de Tlemcen. A la fin de ce règne, une véritable anarchie s'empare de toute cette région; la région de Saïda reste rattachée au royaume de Tlemcen, mais ce royaume va être pris en sandwich entre les royaumes de Fez à l'ouest et de Tunis à l'est et toute la région va devenir un lieu de passage des armées ennemies. A la même période, des communautés de marabouts tentent d'échapper à l'autorité de Tlemcen, en même temps qu'elles se dressent les unes contre les autres. Le désordre et l'insécurité règnent dans toute la région; les récoltes sont ravagées, les troupeaux razziés, les populations rurales décimées.
Les luttes intestines des communautés maraboutiques ne durent pas et la région de Saïda va bientôt passer sous l'autorité d'un bey, représentant de l'empire ottoman, dont la capitale est d'abord Mazouna, puis Mascara et, enfin Oran. La population, sous la menace du pillage de ses biens, est obligée d'acquitter des taxes en argent ou en nature. Le joug turc est tellement pesant qu'au moment de la levée des impôts, de nombreux habitants n'hésitent pas à reprendre la vie nomade et à se réfugier sur les hautes plaines steppiques, abandonnant la terre qu'ils cultivaient. Et ce sera le début de la conquête de l'Algérie par les troupes françaises qui débarquent à Sidi-Ferruch le 14 juin 1830...
Saïda en 1830 est un petit village relié à Mascara par une piste incertaine, poussiéreuse ou boueuse suivant la saison. Les douars de la région sont en lutte perpétuelle entre eux. Les terres sont cultivées plusieurs années de suite, jusqu'à épuisement du sol. La culture est sommaire et les outils rudimentaires. La région connaît une timide industrie familiale: tissage pour les besoins de la famille, fabrication des nattes en alfa et en palmier nain, poteries en argile cuite, travaux de forge. Rien n'est bien précis quant au nom originel. Un fait demeure certain: le nom de "Saïda" est antérieur à l'arrivée des troupes françaises. Il a été donné par Abd-el-Kader au village qui était devenu une de ses garnisons dans laquelle il aimait à venir se reposer des fatigues de ses opérations guerrières; le nom de Saïda remonte donc aux environs de 1835.
En effet, en 1835, Mascara est occupé par le colonel Clauzel et l'émir est obligé de se replier sur une région plus au sud. Quels sont les mobiles qui ont poussé Abd-el-Kader à choisir ce nom? Près de l'actuel "pont de la légion", en bordure de l'oued, se dresse un enclos au centre duquel reposent sous un tertre, les cendres d'une sainte femme, grande devineresse. Cette femme-marabout vivait, il y a plus de deux cents ans, dans l'ancien village et elle avait nom Saïda. Sa renommée avait dépassé les limites du village et gagné les régions avoisinantes. Morte, sa sépulture fut et demeure un lieu de prière pour la foi musulmane. C'est en souvenir de cette sainte femme qu'Abd-el-Kader baptisa le village: Saïda. Avant cette date, le village portait un autre nom. Quel fut-il? Rien ne le dit avec certitude. Cependant, si nous regardons l'actuelle position géographique de l'ancien village, nous pouvons constater qu'elle s'inscrit dans le périmètre domanial de l'ancien douar de Doui-Thabet.
Seul village existant sur ce périmètre, il y a de fortes présomptions pour que le nom primitif fut "Doui-Thabet" et que par la volonté de l'émir il devint vers 1835 "Saïda". L'actuel village de Doui-Thabet, faubourg de Saïda, date quant à lui de 1841 et s'appelait à l'origine "Ghraba el Oued" c'est-à-dire "Village de l'Oued". Pour s'installer l'émir Abd-el-Kader remonte les fortifications qui entourent la ville et qui avaient été détruites lors de luttes antérieures. Ces fortifications étaient constituées par un mur de 364 mètres de long et de 1 mètre 80 d'épaisseur sur 4 mètres de hauteur. Elles s'appuyaient au rocher appelé depuis "Vieux-Saïda" et dominaient l'oued. Elles descendaient jusqu'en bordure de la piste qui longe l'actuel cimetière musulman. A l'un des angles de cette enceinte, l'émir fit bâtir un petit palais de style mauresque où il aimait venir se reposer.
Le 30 mai 1841, Bugeaud prend définitivement Mascara et en octobre de la même année, il se dirige sur Saïda. Le lieutenant d'Abd-el-Kader, Mustapha ben Thany, essaie de l'arrêter près de l'endroit où se situe Charrier, mais il échoue et est pris en chasse par trois bataillons et la cavalerie de Bugeaud, qui arrive devant Saïda le 22 septembre 1841; c'est alors qu'il campait sur l'emplacement de Charrier que se situe la fameuse histoire de la "casquette du père Bugeaud" et qui a été immortalisée par une chanson devenue célèbre. L'émir en fuite se retire dans la foret des Hassasnas après avoir incendié la ville et tous les dépôts. Bugeaud fait alors miner les fortifications et le général Lamoricière installe le camp sur la hauteur où s'élèvera plus tard la colonne commémorative.
Ces troupes resteront deux ans durant lesquels un autre lieutenant de l'émir, Ben Allal, livrera de sanglantes escarmouches. C'est le colonel Géry, aidé de la tribu des Hassasnas, qui chassera Ben Allal de la région en 1843. En 1844, Bugeaud, devenu gouverneur général de l'Algérie, décide l'implantation à Saïda d'un poste militaire. Une première redoute est construite sur son emplacement actuel: murailles et baraquements sont bâtis en pisé. A l'intérieur, on commence à élever la première partie de l'hôpital. Deux ans plus tard, les fortifications primitives sont démolies et rebâties en dur. Deux portes donnent accès à l'intérieur: les portes de Tiaret et de Mascara. En 1858, l'autorité passe entre les mains d'un corps d'officiers spécialisés parlant l'arabe: "Le Bureau Arabe de la Yaccoubia". Son rôle est d'avoir de fréquents contacts avec les chefs des tribus, de surveiller la rentrée des impôts, de juger sur les différends, d'entreprendre des travaux d'ordre public, de protéger la population musulmane.
Qu'est-il advenu de la population musulmane qui habitait à l'intérieur du camp retranché de l'Abd-el-Kader? Le village avait été incendié par l'émir et les fortifications minées par les troupes de Bugeaud. La population s'est regroupée en trois points différents; en bordure de l'oued "Ghraba el Oued", connu sous le nom de Village de Doui-Thabet; en bordure de l'oued Oukrif, connu sous le nom de Village Boudia; près de la colline du stade, connu sous le nom de Village de la Marine. Avec la Redoute, où habitent les premiers européens, Saïda présente l'aspect d'une quadruple agglomération et c'est à l'intérieur du périmètre délimité par ces quatre villages que la ville va dessiner le tracé de son évolution. Dès 1900, Saïda a déjà les dimensions et le tracé que nous lui connaissons. Les rues existent presque toutes et délimitent des parcelles de terrain servant à des jardins, au milieu desquels se dressent de-ci de-là quelques habitations. Après 1900, Saïda ne cessera de se bâtir sur ces emplacements, jusqu'à être obligée de s'étendre hors du tracé primitif, vers le nord et vers le sud.
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Posté Le : 25/12/2007
Posté par : nassima-v
Ecrit par : Henri Audouard
Source : pagesperso-orange.fr