Ouargla - AGRICULTURE

Son complexe assure la production maraîchère par géothermie à Touggourt: L’Onid trace… le sillon de l’innovation agricole



Son complexe assure la production maraîchère par géothermie à Touggourt:  L’Onid trace… le sillon de l’innovation agricole


L’idée initiale était d’exploiter, au profit de l’agriculture, la chaleur de l’eau qu’emmagasinent les nappes albiennes repérées dans la vallée d’Oued Righ.

Il est de couleur blanche. Il porte sur l’une de ses deux ailes les drapeaux algérien et espagnol séparés par une banderole sur laquelle est écrit: “Première expédition de courgettes vers Almeria”. Le camion semi-remorque, immatriculé à l’étranger, stationne et introduit sa longue benne à l’intérieur d’un hangar.

Son chauffeur, au look européen, veille au bon déroulement du chargement de la marchandise à l’intérieur de son engin. Il effectue les dernières retouches pour réaliser la première opération d’exportation à destination de l’un ou de plusieurs pays d’Europe à partir du port d’Oran. La cargaison est composée essentiellement de courgettes bien emballées dans des cartons spécifiques portant le sigle “Onid”, une abréviation de l’Office national de l’irrigation et de drainage. Ce légume n’a apparemment pas les caractéristiques d’un produit agricole issu des champs des diverses exploitations du pays. Il attire d’abord par sa couleur vert foncé et sa frappante ressemblance au concombre. Son calibrage est presque identique pour l’ensemble de la récolte. Ce qui montre une taille globale se situant entre 16 et 18 centimètres. Ce sont autant de spécificités qui convainquent les experts les plus sceptiques que ce légume est un produit agricole importé. Non! Cette courgette est bel est bien produite en Algérie, dans la région… Sud, plus précisément à Touggourt, wilaya d’Ouargla. Elle a germé dans le complexe géothermique implanté aux alentours du périmètre d’irrigation d’Oued Righ. Elle est fin prête pour aller faire valoir ses atouts outre-mer. En Espagne et au Royaume-Uni. L’idée initiale était d’exploiter, au profit de l’agriculture, la chaleur de l’eau qu’emmagasinent les nappes albiennes repérées dans la périphérie. La technique appelée “géothermie”, dans le jargon des spécialistes, a aussitôt connu une phase d’exécution sur le terrain depuis quelques années. La décision a été prise pour la réalisation d'un mégaprojet pilote, premier du genre, utilisant ce système à haute valeur ajoutée, dans le domaine agricole. Cette technique, au coût énergétique quasi nul, permet d'obtenir les conditions environnementales idéales pour une production innovante de primeurs. C’est l’œuvre de l’Onid qui s’est chargé de l’implantation de ce big projet. À vrai dire, faute d’initiative de la part des investisseurs privés, l’office a déjà été encouragé par le Premier ministre, lors de sa visite dans la wilaya d'El-Oued, au mois de décembre 2013, pour la création d'une exploitation agricole pilote. Un mois plus tard, une étude technicoéconomique a été élaborée par un bureau d'étude agréé pour l’édification d’un complexe agricole de 10 hectares (ha) extensible à 40 ha utilisant la géothermie. Suite au lancement d'un avis d'appel d'offres national et international, l'entreprise espagnole Elcantra Systems a été retenue. Le projet en question s'étale sur une superficie globale de 250 ha dont 40 ha abriteront 16 serres multichapelles pour la production de primeurs avec des techniques de culture hors-sol, dite hydroponique.

Système de production automatisé et innovant

Il consiste en la plantation sur des supports en plateaux dans lesquels sera placé le substrat, à savoir la fibre de coco ou la fibre de palmier. Les 16 serres seront installées en trois phases (4 serres pour 10 ha). Les 4 premières, de 2,5 ha chacune, sont déjà opérationnelles et assurent la commande en courgette passée par le client espagnol conformément à ses pointilleuses exigences. L'approvisionnement en eau chaude, d’une température comprise entre 50 et 80°c, avec une salinité évaluée entre 2,5 et 3, 5 g/l, s’est fait à partir des puits artésiens de la région. Pour ce complexe, l’eau chaude arrive notamment d’un profond forage albien de 1.700 mètres linéaires, d’un débit de 200 litres/secondes et d’une température dépassant les 60°c. L'énergie calorifique est récupérée pour chauffer, gratuitement donc, les serres à l’aide des radiateurs en forme de serpentins, déroulés à l'intérieur de ces derniers. Cette action, qui s’effectue à travers une conduite d’eau chaude, dure toute la période hivernale où il est enregistré des baisses de la température nocturne entre la mi-novembre et la fin mai. L’eau est récupérée froide grâce à un système de refroidissement, puis elle est réutilisée de nouveau pour l’irrigation. C’est dire la particularité de ce projet où les énergies sont exploitées au maximum et de manière rationnelle.

Une production agricole avec zéro énergie. C’est ce qu’explique, d’ailleurs, le directeur général de l’Onid, Taha Derbal, rencontré, il y a une semaine, sur les lieux.

“Ce projet nous a été recommandé par le ministère des Ressources en eau. L’objectif recherché est la valorisation maximale de cette eau chaude issue des innombrables nappes albiennes de la région, notamment d’El-Oued, d’Ouargla et de Biskra. La tutelle n’a pas voulu utiliser seulement cette eau pour l’irrigation, mais aussi dans la géothermie”, indique-t-il.

Le projet dispose, selon M. Derbal, d'un bloc de déminéralisation conçu conformément aux caractéristiques analytiques et à celles de la température de la source, permettant de refroidir et d'adoucir l'eau avec une salinité réduite à près de 1 g/l.

Une production agricole avec zéro énergie et un rendement de 250 tonnes/ha

Ici, on y a installé également deux bassins de stockage d'une capacité de 10.000 m3 chacun, à partir desquels on alimente la tête du pompage de toutes les installations de fertirrigation du projet en vue d'assurer un système d'irrigation adéquat à chaque culture. La méthode de fertirrigation est, faut-il l’expliquer, l’irrigation d’une plante avec une eau contenant des fertilisants solubles. Dans la pépinière, autre maillon de la longue chaîne de production, chaque plant de courgette peut donner jusqu’à 5 récoltes/trimestre. D’un seul plant, on peut récolter environ 7 kg de courgettes bio. Or, au sein de ce complexe, il est produit quelque 27.000 plants. Le mégaprojet assure une production agricole avec zéro énergie et un rendement considérable de 25 kg/m2 soit 250 tonnes/ha. De tels chiffres dénotent clairement du rendement exceptionnel du process de production mis en place ingénieusement par les dirigeants de la filiale réalisation et ingénierie de l’Onid. Le DG de l’Office évoque ainsi la “pépinière qui s’étale sur une superficie d’un hectare où sont produits des plants de haute qualité, après être passés par une chambre de germination. Cette pépinière de développement est équipée d’un système automatique par micro-aspersion, d’un procédé de contrôle de climat, de protection contre les facteurs nuisibles et d’installation pour traitements phytosanitaires”. Toutes ces fonctions, faut-il le préciser, sont automatisées et contrôlées à partir de la salle de commande. L’on y trouve un ordinateur doté d’un logiciel à l’aide de quoi, l’ingénieur supervise et maîtrise l’ensemble des installations et les réseaux de chauffage, d’irrigation, l’ombrage des serres, l’ouverture ou la fermeture de leurs fenêtres, ainsi que la station météorologique qui offre une meilleure maîtrise des conditions climatiques dont a besoin la plante.

“La pépinière, qui peut produire jusqu’à 20 millions de plants annuellement, est en mesure de satisfaire, outre les besoins du complexe, ceux des autres investisseurs de la région, voire de tout le territoire national”, affirme M. Derbal.

L’Onid, spécialisé dans le drainage, est chargé également de… drainer les opérateurs économiques désireux investir dans cette exploitation. Car, la production agricole n’est pas vraiment sa vocation première. Les quelques récoltes, qu’il a réalisées lui-même, ont pour but de prouver la faisabilité de cette méthode géothermique dans le domaine agricole et de montrer, par la même, la voie aux investisseurs potentiels. Il est question surtout, relève M. Derbal, de créer un véritable pôle économique par excellence dans toute la région. Car, les statistiques avancées indiquent que chaque hectare sous ces serres peut créer environ 10 postes d’emploi tout en promouvant le travail féminin. Le DG de l’Onid tient à préciser que les employés de cette vaste exploitation sont natifs de la région et diplômés des universités limitrophes. Ils ont reçu des formations à la fois en interne et en Espagne.

“La première phase du partenariat paraphé avec la société espagnole consiste en l’investissement d’une enveloppe de plus de 1,2 milliard de dinars. La deuxième étape prévoit un transfert de technologie, des cycles de formation et la commercialisation”, souligne le patron de l’Office.

“Par ce projet, nous voulons faire gagner pour le pays, des devises, en plus et diversifier davantage l’économie nationale”, note-t-il.

Vers une solution définitive du canal Oued Righ

La centrale de manipulation fait, par ailleurs, partie des autres annexes du complexe. Dans cette unité, le produit agricole en provenance des serres et des autres producteurs de la région est traité, stocké et préparé pour la commercialisation, en conformité avec les critères sanitaires les plus exigeantes de l'Union européenne. Voici, ainsi, le résumé de la fantastique et non moins passionnante aventure dans laquelle s’est lancé l’Onid qui a mis tout son savoir-faire, mobilisé son personnel et dépensé son argent pour un usage idoine des eaux chaudes des forages albiens qui, parfois, remontent à la surface de la terre, causant des dégâts aux palmeraies exploitées par les agriculteurs. Cette remontée des eaux, qui cible quelques wilayas du Sud, constitue l’autre problème que gère l’Onid depuis plusieurs années. C’est le cas édifiant du canal Oued Righ, d’une longueur de 145 km, créé en 1926 à Touggourt, que les habitants qualifient de véritable poumon de la vallée. L’oued va de la localité de Goug (commune de Blidet Omar) jusqu’à Chott Merouane dans la daïra de Meghaier et arrose huit communes.

Cependant, la montée du niveau de l'eau de ce collecteur à cause du manque de curage, de l'entretien régulier et du rejet des grands déchets, tels que l’acier, la décharge et les plantes sauvages,ainsi que le taux élevé de la salinité de l’eau, menacent la santé des citoyens et celle des 20 millions de palmiers-dattiers recensés dans les différentes localités. D’où la décision d’intensifier les opérations de curage et d'entretien du canal durant l’année, de réaliser une station d’épuration dans chaque commune, d’utiliser les eaux épurées pour l’irrigation et de récupérer les 50% des eaux des forages. Cela dit, une solution définitive à ce phénomène est actuellement en étude entre les deux ministères des Ressources en eau et de l’Agriculture en collaboration avec les deux wilayas concernées, El-Oued et Ouargla. Dans ce cadre, M. Derbal a annoncé que les trois wilayas, El-Oued, Biskra et Ouargla, vont bénéficier de 30 forages albiens dont la réalisation est confiée à l’Onid.


Photo: Des courgettes produites par géothermie. ©D. R.

D’El-Oued : Badreddine Khris


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