Depuis quelques années, les autorités font du projet de «métropolisation de la ville d’Oran» une priorité, du moins dans les discours.
Mais qu’en est-il sur le terrain et dans les politiques mises en œuvre?
Cette question constitue une préoccupation majeure pour les architectes, les urbanistes et les sociologues qui relèvent une multitude de problèmes, d’incohérences et d’obstacles qu’il faudra franchir avant de songer à aborder un projet d’une telle envergure. En effet, l’état des lieux ne reflète aucunement la volonté des autorités publiques, tant les nouvelles cités et extensions urbaines ne répondent à aucune norme moderne ou contemporaine et n’offrent pas de noyau de base pouvant accueillir les mégastructures dignes d’une métropole ou même un tissu urbain cohérent.
C’est une réalité: la ville nouvelle, qui se dessine depuis quelques années dans les groupements urbains de Bir El Djir, Es Sénia et Sidi Chahmi, ne ressemble en rien au centre-ville d’Oran et n’incarne aucune perspective. Il s’agit d’une absence d’identité architecturale laissant place à des cités-dortoirs, du bitume et des espaces verts destinés à sauver les quelques assiettes foncières encore prisées par les investisseurs. Mais ce qui pose réellement problème, c’est la vocation de la ville, à savoir, l’incohérence de son projet économique, industriel, commercial et son schéma social.
Comment aspire-t-on à faire d’Oran une métropole méditerranéenne avec une réalité qui reflète une telle absence de vision?
Comme premiers éléments de réponse, les spécialistes de la ville évoquent plusieurs points. Réunis, samedi, à l’occasion de la sortie du dernier numéro de la revue Madinati, dédié à la ville et au patrimoine, architectes et sociologues ont appelé à une coopération plus étroite entre le secteur scientifique et les centres de décision. Le sociologue Rachid Sidi Boumediène, spécialisé dans les questions d’urbanisme, a donné une conférence à cette occasion et a plaidé pour plus d’ouvertures et d’échanges entre les sociologues et les architectes pour aborder la question de la ville.
Interrogé sur le besoin d’avoir une métropole, M. Rachid répond: «On ne peut pas dire si oui ou non nous avons besoin d’une métropole. Cette question doit d’abord faire l’objet d’une étude. Nous devons réfléchir à cela. Mais surtout, il faut faire la différence entre la métropolisation comme notion et une métropole comme condition. On ne peut pas décider de cela politiquement mais il faut observer le mouvement social et économique.»
Notre interlocuteur a évoqué la condition économique en soulignant qu’il ne s’agit pas seulement d’une volonté politique mais surtout de savoir quel est notre rôle dans le bassin méditerranéen et qui prend les décisions. Le conférencier a fait référence à la mondialisation et ses enjeux en rappelant qu’il s’agit d’une distribution des fonctions dans un monde globalisé où chacun choisit son modèle, selon des conditions géopolitiques notamment.
Cette question est capitale mais El Bahia peut tirer son épingle du jeu car elle a les moyens lui permettant de se hisser au premier plan dans le bassin méditerranéen. Avec un comptoir commercial aussi important que celui des ports de l’Ouest, une richesse en terres agricoles et des pôles scientifiques d’envergure continentale, les avantages d’Oran sont certains. Mais la métropolisation ne peut se faire sans un tissu industriel important avec des liaisons étroites entre la recherche scientifique et le secteur économique.
Rachid Sidi Boumdiène ajoute un autre élément: «Oran ne peut pas devenir une métropole à elle-seule, sans Sidi Bel Abbès, Mostaganem ou Aïn Témouchent. Il faut réfléchir en région, car c’est cela une métropole.»
En somme, les bases de la métropolisation de la ville n’ont pas encore été jetées et le projet se heurte à la question de l’autonomisation des régions qui, pour des raisons propres à la centralisation, constitue un frein politique pour le rayonnement des villes.
Redouane Benchikh
Posté Le : 10/10/2016
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: El Watan ; texte: Redouane Benchikh
Source : elwatan.com du lundi 10 octobre 2016