Oran - Pieds noirs


A propos des diverses populations de notre village, il convient de noter que la communauté musulmane n'était pas majoritairement en nombre à Arzew. Il y aurait même eu une assez importante majorité européenne chez nous. Les deux fractions de la populations, trois si l'on compte la communauté juive, connurent donc des situations peu ou moins conflictuelles qu'ailleurs dans notre beau pays.

Les langues communes étaient le français bien sûr, un peu difficile pourtant pour certains et le valencien, cette langue du Levant espagnol. Pratiquement toutes les communautés parlaient cette langue, d'où une communication facilitée entre tous. Personne n'était complètement isolé de son voisin par une langue incompréhensible. Il convient aussi de rappeler la communauté de métier, la majorité de la population vivant de la mer et par la mer.

Dans nombre de maisons aussi, le "patio" réunissait les membres de toutes les communautés et les échanges en étaient facilités.

Les plus isolés en fait étaient les membres de la communauté juive mais non les Benhamou ou les Bénichou qui étaient "nous". Si les liens de travail et la cohabitation dans les cours étaient réels, cela n'empêchait pas les membres de la communauté musulmane de se retirer après la vie commune de travail, partagée en ville ou sur le port, de se retirer dans son douar de la Guetna, pour une vie séparée et particulière. Les femmes musulmanes dans leur éloignement et le mystère de leurs voiles qui ne laissaient apparaître qu'un seul œil, restèrent jusqu'à la fin, dans un monde inaccessible.

Un dernier signe de l'esprit fraternel qui régnait à Arzew, c'est la direction de l'école de la Guetna assurée par MM Thubert et Lili Benyamine. Elie Benyamine répandit chez ses élèves, tous musulmans, les idées de tolérance, de respect mutuel, d'amitié souvent et le sens de la communauté arzewienne.

Avant d'être Musulmans, Juifs, Français, Espagnols, Italiens nous étions Arzewiens, amoureux et fiers de notre village.

C'est ce qui explique sans doute que la tragédie que l'Algérie a vécue et dans les derniers jours de l'histoire française, que seuls payèrent de leur vie, l'employé musulman de chez M.Baudet, le marchand de liqueur Driss, et notre ami François Perlès qui tenait un petit café entre la Pharmacie de Roland Villot et le vieux couvent de nos petites sœurs "Trinitaires". Même ainsi cela fut trop !

Ainsi Arzew put être cité, à la fin de 7 ans de guerre comme le "pays du matin calme", cité qui n'est plus nôtre, nous qui vivons notre diaspora mais de tout notre cœur et de toute notre âme nous avons ressenti l'immense douleur de notreséparation, la perte de notre belle Algérie et de notre village.

Citons pour finir quelques uns des membres de la communauté musulmane qui furent longtemps des amis: l'adjoint municipal Boukri, Abdelkader Saharaoui, les Fodil, les Traïda, les Kachar...Ils font partie de notre peine puisqu'ils ont aimé la France et notre petite ville qui était aussi la leur.




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