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IL A ÉTÉ LE MAIRE D’ORAN DE 1934 A 1941 : LA VRAIE FAUSSE BIOGRAPHIE DE L’ABBÉ LAMBERT



IL A ÉTÉ LE MAIRE D’ORAN DE 1934 A 1941 : LA VRAIE FAUSSE BIOGRAPHIE DE L’ABBÉ LAMBERT
A la fin des années 50, dans les bas quartiers d’Oran, les bambins se faisaient une joie de s’interpeller par des surnoms en jouant sur telle ou telle particularité physique du type ‘smina’ ou ‘gordo’. Parmi ces appellations figurait la dénomination ‘quatre-z-yeux-labbilamber’ qui désignait le porteur de lunettes, le ‘binoclard’. C’est adulte que je sus que cela se rapportait aux grosses paires de lunettes que portait le fameux abbé Lambert, Gabriel Irénée Séraphin de ses prénoms.

En se proposant de raconter ‘La vie (presque vraie) de l’abbé Lambert’ (Le Seuil, 2016), Abdelkader Djemaï a, sans aucun doute, choisi un personnage des plus complexes, à la fois historique, fantasque, hâbleur, atypique et, au final, fascinant, l’abbé Lambert, maire d’Oran de 1934 à 1941. La saga publique et politique de ce personnage excessif et suffisant permet à l’écrivain de rendre compte d’un moment de l’histoire de ce qui est, au fond, sa principale préoccupation, sa bonne vieille ville d’Oran. Après son précédent récit (‘Une ville en temps de guerre’ en 2013) qui racontait les derniers sursauts de l’OAS à Oran à la veille de l’indépendance à travers le regard d’un adolescent, Djemaï s’est à nouveau replongé au cœur de l’histoire de cette ville en des temps d’incertitudes et de bouleversements sociaux et politiques. Il réussit ainsi le pari de nous faire suivre les pérégrinations du sulfureux abbé en s’appuyant sur des faits attestés dans une construction romanesque qui fait la part belle au portrait et à l’esquisse d’atmosphères singulières. Dans ce livre comme pour une grande part de sa production littéraire (Camus à Oran, Le Caire qui bat, Zorah sur la terrasse, Matisse à Tanger, La Dernière Nuit de l’Emir), l’écrivain aime restituer des espaces physiques (des plus petites bourgades aux villes populeuses, de la rue sordide aux grands palaces, etc.), des senteurs perdues : « Des odeurs de parfums, de sueur, de brillantine, de patchouli, de churros, de beignets sucrés et de carburant flottaient dans l’air. » (p.71), des sensations premières au détour d’une évocation à forte teneur historique. On le sait, Djemaï a le souci du détail et de la précision, parfois jusqu’au pointillisme. Son écriture aligne les raccourcis et les associations inattendues comme on peut le lire dès l’ouverture du roman : « Il pleuvait fort quand, vers 19 heures, l’abbé Lambert, qui avait la réputation d’être un grand sourcier, débarqua à Oran en novembre 1932, l’année où l’Etat créa les allocations familiales, la société Moulinex le presse-purée et la société Ricard le pastis. » (p.11). Il crée ainsi, au travers la reconstitution de la généalogie de l’abbé Lambert ou l’évocation d’un fait marquant de la vie sociale à Oran dans l’entre-deux-guerres, un effet de réel si puissant qu’on ne sait plus trop si cela relève de la pure construction fictionnelle ou de la vérité historique. Dans cette sorte de (fausse) biographie de l’inénarrable prêtre, c’est l’histoire du rapport d’Oran avec l’eau douce qui est ainsi rappelé ainsi que le microcosme colonial de cette époque où l’indigène est davantage un faire valoir qu’un acteur majeur de la vie sociale. …



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