Oran - 08- La guerre de libération


Le 21 novembre dernier est décédé, à Oran, un grand militant de la première heure Mouloud Hassaïne, sans que les autorités locales ou nationales ne se souviennent ou se rappellent de sa contribution à la restauration de la souveraineté nationale à laquelle il a œuvré pendant plus de 50 ans.

Né le 28 novembre 1922 à Kalaâ Beni Abbès (Wilaya de Béjaïa), région qui a été un vivier de patriotes et a joué dans l’Algérie précoloniale un rôle important dans l’épanouissement de la civilisation musulmane, dont l’Algérie éternelle est fière de cette contribution au rayonnement culturel universel, il rejoint dès 1932 avec ses parents la ville de Sig (wilaya de Mascara), alors âgé de 10 ans. A cette époque, Sig est en pleine renaissance culturelle grâce aux idées modernistes de la Nahda, qui agitent le monde arabe, diffusées par l’Association des oulémas algériens, dont le représentant local n’était autre que le cheikh Larbi Tebessi assassiné par l’Armée coloniale en 1957 à Alger. Le jeune Mouloud, accompagnant son père, suit avec soif et enthousiasme les cours d’exégèse du Coran de ce tribun et pédagogue qu’est cheikh Larbi Tebessi. C’est le début de son apprentissage politique et de sa formation culturelle puisée aux sources authentiques de l’Islam, libérateur de l’homme. Sa conscience s’aiguise et l’âge aidant, il mesure de plus en plus la déculturation des Algériens provoquée par le colonialisme. Il cherche la voie qui doit lui permettre de contribuer à l’éveil de l’Algérie muselée et devant aboutir à sa libération. Il s’inscrit au mouvement scout qui va être pour lui une école de formation et de discipline patriotiques. Mais Sig est un espace très restreint pour lui pour des actions patriotiques d’éclat et de rupture avec la colonisation. C’est alors qu’il s’installe en 1942 à Oran comme tailleur. Très vite, grâce à son charisme, son atelier devint un lieu de discussions sur la situation sociale et politique de l’Algérie de l’époque. L’occupation de la France par l’Allemagne nazie est, pour les patriotes algériens, un signe que le colonialisme français n’est pas invincible. Le scoutisme, les œuvres caritatives et les cours à la médersa El Falah, fondée en 1937, occupent une grande partie de son emploi du temps quotidien, délaissant parfois son métier. Les massacres de Mai 1945 dans les Constantinois, les arrestations massives à Oran et dans plusieurs autres villes après des manifestations pacifiques par les Algériens, fêtant la fin de la Deuxième Guerre mondiale, vont galvaniser à jamais le jeune Mouloud qui prend encore plus conscience de la situation dramatique de l’Algérien colonisé et clame avec véhémence que l’Algérie, occupée par les armes, ne sera libérée que par les armes parce que le colonialisme ne tire aucune leçon de l’Histoire en mouvement. En 1946, il se lance dans l’action politique au sein du MTLD, la partie visible du PPA clandestin, dont il fait partie, prônant l’Indépendance nationale. L’administration coloniale le surveille et il est souvent inquiété par les services de police. Il reste inébranlable dans ses choix patriotiques. Son atelier de Médina El Djedida sera un lieu de rencontres et de relais pour les patriotes clandestins ou recherchés. Le trucage des élections en 1948 pour l’Assemblée algérienne par le proconsul Naegelen, se prétendant socialiste, alors Gouverneur général de l’Algérie, le renforce encore plus dans ses convictions politiques que le colonialisme ne sera détruit que par les armes. Il est de toutes les campagnes électorales pour haranguer les électeurs. Il voyage dans toute l’Algérie pour propager les idées d’émancipation par le sacrifice et servir de liaison entre les cellules de l’OS, embryon de la future ALN. Lors de la scission du MTLD en 1954, il prend fait et cause pour le CRUA qui va préparer la révolution du 1er Novembre 1954. Dès 1955, il se met à la disposition du FLN-ALN. Commence pour lui un nouveau départ de liaisons générales avec les maquisards pour l’acheminement des armes. A cette fin, il parcourt les maquis de l’ouest, du centre et de l’est et prend contact, en tant qu’officier commissaire politique, avec les responsables politico-militaires. Il est reçu partout avec enthousiasme tant son aura chez les djounoud l’a déjà précédé. Dès que l’administration coloniale sut qu’il a rejoint l’ALN, ses services de sécurité assassinent, par vengeance, son père et son frère. Il sera le confident de tous les grands responsables qui, pour les survivants d’entre eux, seront les cadres supérieurs ou ministres de l’Algérie indépendante. De Rabat à Tunis ou le Caire, il est là pour des missions très importantes et secrètes pour le développement de la lutte armée. Sa santé décline. Il fut contraint à une démobilisation prématurée en 1959, contre son gré, comme officier supérieur de l’ALN. Il s’installe à Rabat et reprend son métier de tailleur pour ne pas être à la charge de la fédération du FLN du Maroc, dont il est un membre actif. Comme à Oran avant la révolution, son atelier de Rabat est un lieu de rencontres entre militants et un observatoire des péripéties de la lutte armée en Algérie. A l’indépendance en 1962, il rejoint Oran et s’adonne à diverses activités commerciales alors que son savoir intellectuel acquis comme autodidacte l’aurait disposé à d’importantes fonctions politiques. Pour lui, la mission pour laquelle il a toujours milité et aspiré a été bien remplie.


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