Oran - 06- L'occupation espagnole


Histoire de la ville d'Oran
1 - Introduction :

Du temps des Almoravides, des Almohades et des Mérinides (Abou El-Hassan et Abou Inane Farès), le Maghreb était sous une seule et même gouvernance dont la capitale était située au Maroc : Fès ou Marrakech.

Quelques temps après la gouvernance des Rois Mérinides Abou El-Hassan et son fils Abou Inane Farès, les pays du Maghreb ont commencé à se diviser en trois régions distincts :

* Le Royaume du Maroc.
* Le Maghreb Central.
* Le Royaume de Tunis sous l’autorité d’un Roi Hafsides, lui-même descendant de la dynastie des Almohades de la confédération Berbère des Masmouda.


2 – Les territoires du Maghreb Central :

Au début du XVIème siècle, le Maghreb Central se divisa en plusieurs entités à savoir :

* Le Royaume de Tlemcen, de la dynastie des Zianides, dont va dépendre la ville d’Oran, de Mostaganem,…
* Le Royaume de Ténès, gouverné par un roi nommé Hamid Al-’Abd.
* Le Territoire d’Alger sous la gouvernance du Cheikh Sélim At-Toumi.
* Le Royaume de Koukou en grande Kabylie, sous la gouvernance de Ibn Abbas Ahmed Ibn Al-Cadi (Belkadi). La ville de Koukou est située à une dizaine de kilomètres de Aïn Al-Hammam, au sud de Tizi-Ouzou.
* Le Territoire des Béni-Abbas dans l’est,
* etc.


3 – La capitale du Maghreb Central :

Il n’y avait pas de capitale unique au Maghreb Central, compte tenu que ce dernier avait commencé à se diviser et donc chaque Royaume avait sa propre capitale : Tlemcen, Ténès, Koukou,…

Dans le littoral du Maghreb Central, il y avait plusieurs ports dont, un qui n’était pas loin de l'ouest de la Kabylie. Ce territoire littoral était sous la gouvernance du Cheikh Sélim At-Toumi.

En face de ce port, il y avait à quelques centaines de mètres quelques îlots :

* Les Andalous, qui sont arrivés dans ce territoire au début du XVIème siècle, ont installé un « poste d’observation » sur un îlot pour avoir un droit de regard sur le passage des bateaux,

* Les Espagnols ont récupéré ce territoire pour y construire un « château fort » et un « poste d’observation » à la fois du côté de la mer et du côté de la terre : Il s’appela le « Penon ».

* Quelques années plus tard, Kheir-Eddine Barberousse a récupéré le « Penon » des Espagnoles et il en a fait un lien terrestre avec le port, c’est ce qu’on appelle aujourd’hui « L’Amirauté ».

L’ensemble de ces îlots à une centaine de mètres de ce port, a fini par influencer le nom de ce port qui est devenu : « Les îlots, Les îles », c'est-à-dire « Al-Djazaïr ».

Ceci a donné le nom « Alger » pour ce port et 3 siècles plus tard « Algérie » pour le Maghreb Central.


4 – Relation entre Tlemcen ville Berbère et les Dynasties Berbères :

La ville de Tlemcen donnait de l’aide :

* tantôt aux Omeyyades de Cordoba en Al-Andalous,
* tantôt aux Zirides d’Alger au Maghreb Central.

Cependant, la ville de Tlemcen était persécutée sous les Almoravides et les Almohades.

Plus tard, les Zianides étaient en lutte permanente :

* soit contre les Mérinides de Fès,
* soit contre les Hafsides de Tunis.

Et enfin, une relation très fluctuante avec la Régence d'Alger :

* Baba Aroudj,
* Kheir-Eddine,
* Les Deys, Pachas,... de la Régence d'Alger.


5 – La prospérité de la ville d’Oran :

La ville d’Oran appartenait au Royaume de Tlemcen, au même titre que la ville de Mostaganem,... Le grand port d’Oran, comme son nom l’indique, s’appelait « Mers El-Kébir ».

C’est sous la domination des Zianides de Tlemcen que la ville d’Oran a réussi à jouir d’une grande prospérité : elle devient l’entrepôt d’un commerce très actif et très étendu.

Les historiens espagnols Marmol et Alvarez Gomez en rendent témoignage et nous informent qu'on y trouvait :

* L’ivoire,
* Les dépouilles d’Autriche,
* Les peaux de bœuf tannées,
* La poudre d’Or,
* Les céréales,
* Fabrication des étoffes de la laine,
* etc.

Les historiens précisent que les Vénitiens, les Pisans, les Génois, les Marseillais, et les Catalans achetaient à l’envi ces produits.

Alvarez Gomez ajoute que la ville d’Oran était une cité florissante et qu’elle comptait plus de :

* six milles maisons,
* des mosquées splendides,
* des écoles qui rappelaient les fameux enseignements d’Al-Andalous à Cordoba, Sevilla et Grenade,
* de vastes entrepôts sur des quais,
* des bains renommés,
* des édifices publics remarquables,
* etc.

Les citoyens d’Oran vivaient au sein d’une véritable république locale, car les Zianides les laissaient se gouverner par eux-mêmes.


6 – Le luxe, les excès des Oranais et "Sidi Al-Houari" :

Malheureusement, le luxe et les richesses portèrent aux Oranais les excès les plus condamnables :

* Les mœurs se corrompirent,
* La confiance fut bannie,
* Les promesses violées,
* Les serments devinrent un jeu,
* Les divorces se multiplièrent,
* Les hommes buvaient jusqu’à perdre la raison,
* Les familles se divisèrent,
* L’insécurité des femmes : elles n’osaient plus se rendre aux bains, ni aux cimetières,...
* Le poison de la discorde et de l’envie se glissa dans les cœurs,
* etc.

C’est de se relâchement dans les mœurs, de ces désordres de tous espèces, que naquit la piraterie dans l’ouest et c’est à Oran qu’en fut le berceau.

Ainsi, le grand soufi et homme de religion, descendant de la grande tribu Berbère des Houara, "Sidi Mohammed Al-Houari" ayant visité la ville d’Oran, s’écria douloureusement à la vue de tant de corruptions et annonça que l’étranger viendra dans les murs d’Oran et pour longtemps.


7 – Oran ville d’accueil pour les exilés du Royaume de Grenade :

La ville d’Oran a reçu dans ses murs :

* Le célèbre Moulay Mohammed, surnommé « le gaucher », 15ème Roi du royaume de Grenade.

Suite à une insurrection populaire, il avait pris le costume d’un pauvre pêcheur et était venu s’exiler à Oran, avant de reprendre le port de Mers-El-Kébir, en direction d’Al-Andalous, vers Grenade pour reprendre le Pouvoir à la tête de son Royaume.

* En 1490, Abdallah Al-Zagal, le frère du Roi Moulay Al-Hassan du Royaume de Grenade.

* En 1492, Abou Abdallah dit Boabdil, le dernier Roi de Grenade et fils de Moulay Al-Hassan prit la route de l’exil et s’installa à Oran, selon l’opinion commune.


8 – La prise de Mers El-Kébir et d’Oran par les Portugais :

La ville d’Oran fut le berceau de la piraterie maritime dans l’ouest. Celle-ci s’est développée durant les premières années du XVème siècle et le Portugal en a été victime.

Le Roi du Portugal, Jean 1er, s’empara de Mers El-Kébir et d’Oran le 14 Août 1415, malgré la défense des troupes de Tlemcen.

Elle fut reprise par les Zianides en 1437, sous le règne du Roi du Portugal Edward.

Le Roi du Portugal, Alphonse V, s’empara d’Oran sans coup férir en 1471, mais cette occupation fut de courte durée.

Les Portugais bloqués pendant 6 années consécutives, durent se résoudre à l’abandon complet de la ville et se rembarquèrent en 1477 à la demande du Roi du Portugal, Jean II.


9 – Les Morisques Andalous à Oran :

Après la chute de Grenade, le culte des Andalous fut proscrit et les plus rebelles parmi les Andalous ont été expulsés d’Espagne, bien sûr, afin d’éviter un soulèvement général.

9.1 - Don Manoel, Roi du Portugal :

Le Roi du Portugal, Don Manoel, ordonna aux Andalous Portugais de recevoir le Baptême ou de quitter le Portugal dans un délai de deux mois.

9.2 - Ferdinand le Catholique, Roi d’Espagne :

Durant cette période de crise, quelques Andalous demandèrent au Roi d’Espagne, Ferdinand le Catholique, la permission de passer en Afrique du Nord.

Cette demande provoqua un édit qui ordonnait aux Andalous de se faire baptiser dans un délai de 3 mois, sous peine de bannissement perpétuel et de confiscation de tous les biens.

Des persécutions succédèrent les missions des prêtres, envoyés parmi eux.

9.3 - Charles Quint, Empereur et Roi d’Espagne :

Le 4 avril 1525, un décret de Charles Quint ordonna, sous peine de bannissement, que tous les Andalous reçurent le Baptême.

Ces nouveaux chrétiens convertis par force furent appelés « les Morisques » ou « les Moriscos » afin de les différencier des vieux chrétiens.

9.4 - Philippe II, Roi d’Espagne :

En 1566, sous le règne de Philippe II, on leur défendit l’usage de leur langue, leurs vêtements traditionnels, leurs bains, leurs cérémonies, leurs noms,…

Ceci provoqua une longue révolte connue en Espagne sous le nom de « Rébellion des Morisques ».

Elle ne fut étouffée qu’en 1570 par Don Juan d’Autriche.

Les Morisques Andalous vaincus furent dispersés dans toutes les provinces de la Péninsule Ibérique. Mais, ils continuent à prospérer et à s’accroitre par le travail et l’industrie.

9.5 - Philippe III, Roi d’Espagne :

En 1609, un édit du Roi d’Espagne, Philippe III, ordonna l’expulsion générale des Morisques.

Ainsi, l’Espagne déjà dépeuplée par les migrations d’Amérique, se priva de ses plus industrieux habitants, dont certains mais pas tous, allèrent, se joindre aux pratiques de la course maritime dans les côtes barbaresques.

Un grand nombre de Morisques Andalous s’installa à Oran et certains d’entre eux participèrent aux interventions maritimes contre des navires chrétiens.


10 – La tentative de la prise de Mers El-Kébir et d’Oran par le Duc de Medina Sidonia :

Les attaques maritimes des oranais ravageaient toute la partie ouest de la Méditerranée et plus particulièrement l’entrée du détroit de Gibraltar : Ils réalisaient continuellement des descentes sur les côtes de l’Andalousie.

Le Roi d’Espagne, Ferdinand le Catholique, décida alors que plusieurs points de la côte africaine seraient occupés.

En 1497, il envoya le Duc de Médina Sidonia avec des forces suffisantes pour s’emparer de Mers El-Kébir et d’Oran.

Mais, cette entreprise échoua et le Duc de Médina Sidonia dut se borner à la prise de Melilla sur la côte du Maroc.


11 – Une nouvelle tentative de la prise de Mers El-Kébir et d’Oran par le Roi Don Manoel du Portugal :

Le Roi Don Manoel du Portugal résolut d’en finir avec les agressions maritimes oranaises qu’il considérait comme une calamité.

Le début du mois de juillet 1501, une forte flotte fut placée sous le commandement de Don Juan de Menesez, comte de Taroca, qui reçut l’ordre de s’emparer du refuge des pirates à Mers El-Kébir et d’occuper les lieux, c’est à dire :

* de détruire complètement le refuge des pirates,
* et d’y installer une forteresse avec une garnison imposante.

Arrivée à la hauteur de la plage des Andalouses, située non loin de Mers El-Kébir, la flotte Portugaise fut de manière inattendue, surprise par un vent contraire à son sens. Alors, elle navigua pendant trois jours avant le débarquement.

Les habitants de Mers El-Kébir, purent pendant ce temps là réunir de nombreux contingents afin de bien garder les abords de la forteresse.

Le débarquement fut tenté malgré les difficultés, car les ordres du Roi Don Manoel étaient précis. Mais, il n’eut pas le succès attendu. Et finalement, ils étaient dans l’obligation de reprendre la direction de la flotte après un combat dans lequel ils perdirent beaucoup de monde.

Le mauvais état de la mer avait opposé de graves difficultés à cette descente et fut vraisemblablement la cause principale de cet échec.

12 – La prise de Mers El-Kébir par Don Diego Hernandez de Cordoba, le marquis de Gomarès :

Le Roi d’Espagne, Ferdinand le Catholique, donna :

* le commandement d’une flotte à Don Raymond de Cardone, général des galères d’Espagne,

* et cinq mille hommes de débarquement sous le commandement de Don Diego Hernandez de Cordoba.

Cet homme d’expérience et de grande valeur avait le titre de :
« Marquis de Gomarès ».

La flotte est sortie de Malaga le 3 septembre 1505 par un temps très favorable. Elle fut assaillie par un vent contraire dans sa direction vers Almeria au sud de l’Andalousie.

A l'arrivée à Mers El-Kébir, Don Diego de Cordoba :

* réalisa le débarquement dans le plus grand ordre, sur la plage des Andalouses à l’ouest de Cap Falcon,

* engagea un combat avec les habitants de Mers El-Kébir et ses environs qu’il battit,

* s’empara des hauteurs qui dominent la forteresse de Mers El-Kébir,

* canonna la forteresse par terre et la flotte par mer,

* assiégea la forteresse pendant 50 jours.

Le 23 octobre 1505, le gouverneur de la forteresse fut tué par un boulet et les assiégés, plongés dans le découragement, évacuèrent Mers El-Kébir et se réfugièrent dans la ville d’Oran.

L’Espagne entière fut transportée dans une immense joie à l’annonce de cette victoire.

Le Roi Ferdinand le Catholique fit venir Don Diego Hernandez de Cordoba, marquis des Gomarès, en Espagne pour le féliciter publiquement et le nomma gouverneur de Mers El-Kébir.


13 - Le Chevalier de Torcy et le Château des Béni Zéroual :

Dans la période de l’occupation de la ville d’Oran par les Espagnols, durant la nuit du 8 au 9 octobre 1790, un terrible tremblement de terre secoua la ville, à 1h00 du matin.

Aussitôt que la nouvelle de cette catastrophe fût parvenue à la capitale, le Dey d’Alger donna l’ordre au Bey de Mascara d’attaquer la garnison d’Oran.

Cette expédition n’ayant donnée aucun résultat, Bey est revenu à nouveau :

• Au printemps de l’an 1791 pour assiéger la ville d’Oran,
• puis le 23 juillet 1791,
• et enfin, les 17 et 18 septembre 1791.

Ce dernier assaut a été repoussé par le Chevalier de Torcy et ses gardes Wallonnes, qui sont arrivés à Oran le 9 février 1791.

Durant ces dernières expéditions du printemps 1791, jusqu’au 18 septembre 1791, le château fort de "Saint Philippe" allait presque être enlevé aux Espagnols, mais la garde Wallonnes du Chevalier Torcy a réussi à le maintenir sous son commandement, malgré les pertes humaines des deux côtés.

Le contingent, des "Béni Zeroual" de Dahra, qui combattait aux côtés du Bey de Mascara, fût presque anéanti dans cette lutte du 17 et 18 septembre 1791.

Depuis le combat de septembre 1791, le Château fort de « Saint Philippe » situé à Ras-El-Aïn, a reçut le nom de Château fort des « Béni Zeroual ».

A l’origine « Zéroual » est un prénom Berbère qui désigne quelqu’un qui a des yeux bleus.





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